L comme Liberté absolue de conscience
La Liberté de conscience est portée comme le principe clé de la franc-maçonnerie. Elle se développe en Angleterre au XVIII° siècle et les français ne lui adjoindront le caractère "absolu" qu'avec la décision du Grand Orient de France de 1877. On pourra, dès lors, devenir franc-maçon sans croire en Dieu !
Cette décision fera scandale et formera la base d'un schisme dans la franc-maçonnerie. Nous vivons toujours avec. Cette situation a généré dans le monde deux maçonneries : celle qui se proclame "régulière", et qui y est majoritaire, quoiqu'en perte d'influence et l'autre "libérale, adogmatique", majoritaire en France et en Europe.
Ce schisme repose sur le rôle accordé à la transcendance divine comme principe fondateur du monde, de la "création" et considéré comme "Deus ex machina" d'où tout provient et qui est, par essence la réponse à la question philosophique "pourquoi il y a-t-il quelque chose plutôt que rien" ?
Si l'on peut considérer comme totalement recevable cette problématique, celle de la maçonnerie "régulière" et "traditionnelle", on peut aussi concevoir qu'il lui existe une alternative, qui n'oblige pas à s'en remettre à une telle transcendance et qui pose comme postulat qu'il n'est pas obligatoire de croire pour exister. C'est celle qui pose comme postulat la liberté "absolue" de conscience que pratique la maçonnerie libérale "adogmatique".
La première pratique un ostracisme virulent en refusant à la seconde la qualité de franc-maçonnerie et en interdisant à ses membres de la recevoir et de participer aux travaux de ses loges !
Ce qui, finalement, n'a pas les effets escomptés puisque, en contradiction avec les diktats de la "Règle", nombre de maçons "se reconnaissent comme tels" de part et d'autres des rives de l'oukase !
Car la liberté absolue de conscience apparaît de plus en plus comme la valeur clé de l'Humanisme, particulièrement au moment où les partisans des dogmatismes de la pensée, quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent, voudraient ériger de nouveaux murs entre les peuples, entre les cultures, entre les hommes et les femmes...
Plus que jamais, le travail maçonnique peut apparaître comme la bouée de sauvetage de la pensée face aux déclinistes de tous poils, partisans de l'auto flagellation et des renoncements.
La culture européenne, depuis les Lumières a construit une pensée émancipatrice qu'il nous faut, nous francs-maçons, défendre et développer toujours davantage...
Définition.
Elle est explicitée dans l'article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme :
"Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites."
Elle s'est étendue depuis à l'ensemble des secteurs couverts par le champ d'investigation de la Raison humaine. Selon l'article de Wikipédia,
"elle désigne le choix fait par un individu des valeurs ou des principes qui vont conduire son existence. Ce choix est de manière générale plus ou moins encadré par les lois du lieu d'existence."
Un peu d'histoire...
Elle naît en Angleterre avec la liberté des cultes. Les premiers francs-maçons spéculatifs s'en emparent dès lors qu'ils ne sont plus obligés d'adopter la religion du souverain, mais celle de leur choix, en conscience. Après 150 ans d'obligation ("Cujus regio, ejus religio"), cette ouverture marque un tournant dans l'exercice de la foi. La liberté "absolue" de conscience viendra plus plus d'un siècle après en 1877 lorsque le GODF abandonne "l'obligation de croire en dieu et en l'immortalité de l'âme". On peut alors être franc-maçon sans croire, sans avoir de foi religieuse !
Dès lors, le champ de la liberté de penser, de choisir ses références spirituelles, son adhésion à l'explication du monde et dès lors, de la liberté de penser, de réfléchir, de pouvoir ne plus se référer à une valeur transcendentale devient possible.
Implications.
Tout un monde d'investigation s'ouvre alors à la raison humaine et à la recherche de la vérité. Plus d'interdit, plus de pensée inaccessible, c'est aussi le champ de la recherche fondamentale qui s'ouvre...
Et l'on constate le ridicule des déclarations de certains religieux, fondamentalistes, traditionnalistes, aujourd'hui. Aveuglés qu'ils sont par leurs dogmes, ils oublient ou nient les découvertes scientifiques. Qu'ils soient traditionnalistes, salafistes, wahabites, évangéliques, créationnistes... ils s'inventent un monde conforme à leurs foi. Pour eux, la foi prime la loi. Les créationnistes en sont un bon exemple. Ils montrent le peu de cas que les religions font des découvertes scientifiques, leur volonté de soumettre les découvertes scientifiques aux exigences préalables de la foi.
C'est la notion même de recherche qui est niée. Nul champ est ouvert car tout doit être préalablement conforme au dogme. C'est exactement le contraire de la démarche scientifique. Et ce trait est commun à tous les fondamentalismes religieux.
Le choix de l'abdication ?
Loin de reconnaître la liberté de conscience et son corollaire la liberté de pensée, (ou mieux de penser), les forces Anti-Lumières non seulement refusent cette latitude de la pensée mais propose rien moins que de faire le tri et de ne retenir plus précisément celle qui correspondrait à ce qu'elle construit comme étant la "valeur originelle" de la France, cette histoire nationale qui fixe comme une certitude sans appel ses "origines chrétiennes" établies par le baptême de Clovis... !
Pourquoi ne retenir que cette source ? Pourquoi, là encore, choisir d'amputer l'histoire ? Clovis fut semble-t-il un incontestable chef de guerre, dont les ruses et les exactions pour s'assurer du pouvoir n'ont pas grand chose à voir avec la "charité chrétienne" mais bien plutôt parfaitement situées dans la tradition barbare des chefs de guerre des cinquième et sixième siècles...
La liberté de conscience n'oblige pas à choisir une histoire, un récit officiel... Elle se propose plutôt de permettre à l'Homme de penser par lui-même et de se faire sa propre opinion. S'il sait que l'histoire est souvent écrite par les vainqueurs, c'est pour mettre en relief la nécessité de chercher l'au-delà des récits officiels, ce qui se niche derrière le prêt-à-penser...
Dans tous les cas, ne pas faire usage de sa propre capacité de penser, c'est toujours la même abdication, celle de son libre-arbitre... Pourquoi renoncer, même le temps d'un instant, à ce que nous avons mis tant de temps, nous francs-maçons, à construire ?
Car il s'agit bien d'une abdication !
Gérard Contremoulin
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