L'inaccessible étoile...
C'est au milieu du gué que revient toujours la même question : avancer ou reculer ?
Dans deux précédents articles (ici et ici), j'évoquais la préparation du convent de la Grande Loge de France. A quelques encablures de cette importante et décisive réunion, il semble bien que la haute instance du rite (Supreme Conseil du REAA) ait décidé d'apporter son "inconditionnel soutien" à la ligne dure qu'aurait fini par choisir le Grand-Maître Marc Henry.
L'accouchement de la décision de rupture est manifestement entrée dans une phase difficile du travail. Certaines douleurs s'exportent comme on peut en juger par ce témoignage d'un franc-maçon présent avec 800 autres à une très récente fête d'ordre où le Suprème Conseil de France (la juridiction des hauts grades du Rite Ecossais Ancien et Accepté) recevait en grandes pompes une délégation du conseil fédéral conduite par le Grand-Maître :
Celui-ci (Marc Henry, ndlr), dans son allocution s'en est pris aux Obédiences se livrant à la politique politicienne et a laissé entendre que le Convent de juin serait appelé à prendre des décisions courageuses, voire pénibles ("Il faudra faire passer les grandes valeurs avant les intérêts individuels ou les compromis"). Certains ont cru comprendre qu'on prépare ainsi la rupture avec le GODF. Pour autant, le SGM n'a pas semblé viser la reconnaissance de la GLUA (tombée aux oubliettes), mais seulement l'affirmation d'une "authentique régularité", basée sur un net durcissement de la "doctrine".
Quant au TPSGC (Très Puissant Souverain Grand Commandeur) Claude Collin, il a abondé dans ce sens, assurant Marc Henry de l'inconditionnel soutien du Suprème Conseil de France.
Plus que jamais, s'est étalée l'étroite imbrication des deux "puissances rigoureusement indépendantes", mais gérées en fait par la même camarilla. Je crains qu'au cours des prochains mois les pauvres Loges symboliques n'aient pas fini de souffrir !"
Que le Grand-Maître n'évoque plus la pourtant très convoitée "reconnaissance" par la GLUA montre à tout le moins sa clairvoyance ! En effet, l'attitude de Londres est désormais très prometteuse pour la ... GLNF. La réelle restabilisation de cette dernière est observée avec satisfaction par les obédiences nord américaines et par le staff de la GLUA. Alors que, dans le même temps, elle ne peut que constater ce qui ressemble de plus en plus à une impasse, c'est-à-dire la CMF (départs de la LNF et de la GLTSO, impatience de la GL-AMF), CMF dont plus beaucoup s'aventurent à parler... sauf les américains à propos de la situation maçonnique en Bulgarie (voir le paragraphe ad hoc dans le rapport) !
A posteriori, la décision de la GLDF de quitter l'Institut Maçonnique de France apparait donc bel et bien comme un élément de cette ligne-là. Et comme c'est au convent de décider, les grandes manoeuvres destinées à préparer les esprits ont commencé... D'autant qu'avec cette décision, la GLDF choisit elle-même de s'isoler du reste du paysage maçonnique français. Conséquence ou simple coïncidence, les autres obédiences apportent désormais leur collaboration à l'IMF !
S'il ne reste plus que le "durcissement de la doctrine" pour expliquer la nécessité de "rompre avec les obédiences non régulières" exigée à Bâle, ne risque-t-il pas d'apparaître aux yeux des députés des loges, enfin ceux qui ne seraient pas par ailleurs intégrés à la démarche ascendante des hauts grades, comme un bien modeste lot de consolation ?
Revirement ?
Et puis, au moment où le GM donne le sentiment qu'il recommande de se diriger vers la rupture, Jean-Laurent Turbet nous donne une information qui vient faire curieusement bifurquer le message.
Marc Henry annonce le 29 avril sa participation aux deux hommages rendus le 1° mai prochain à Paris au cimetière du Père-Lachaise à l'appel du GODF (hommage aux martyrs de La Commune) et au cimetière de Levallois-Perret à l'appel de la GLFF (hommage à Louise Michel). GODF et GLFF sont précisément deux des plus importantes obédiences "irrégulières" avec lesquelles il faudrait "rompre" !
Pourquoi la GLDF envoit-elle ce signal, particulièrement contraire à celui contenu dans les déclarations de Toulouse du Grand-Maître ?
Pourquoi entretient-elle une telle ambiguïté vis-à-vis des loges à deux mois du convent ?
Le Suprème Conseil et son président, Claude Collin, va-t-il confirmer son "inconditionnel soutien" ?
"L'obligation de subir nous donne le doit de Savoir."
"Si tu refuses ton propre combat, on fera de toi le combattant d'une cause qui n'est pas la tienne."
Jean Rostand
Décidément, pour Marc Henry, difficile de choisir entre le pas-de-deux et le triple salto arrière...
Gérard Contremoulin
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