Homonymes, dates et synonymes...
Quand la GLDF 2 (1894) part à la recherche de la GLDF 1 (1728)...
Il vaut mieux confier la recherche de son passé à ceux dont c'est le métier, à moins de vouloir absolument trouver une version conforme à ses souhaits.
Tout est dans ces deux représentations.
L'un, le timbre, est celui de son centenaire, édité par elle : 1894 - 1994.
L'autre , son nouveau logo utilisé actuellement, identifie une autre période : 1728 - 1894.
Ce dernier veut manifestement laisser entendre que la Grande Loge de France que nous connaissons aujourd'hui serait identique à l'obédience qui portait le nom de "Grande Loge de France" entre ces deux dates. Mais alors, pourquoi faire figurer aujourd'hui une 2° date pour une obédience qui existerait toujours ?
Pourquoi ?
Il ne faudrait pas que la recherche de gages d'ancienneté, disons plutôt de LA plus grande ancienneté, s'accompagne d'une fébrilité conduisant ses auteurs à réécrire l'histoire.
On pourra remarquer avec amusement que cette quête est assez similaire finalement à celle des "Ancients" en Angleterre. Ils voulaient absolument montrer en créant une deuxième obédience en 1751, qu'ils étaient les véritables tenants des anciennes traditions à la différence de ceux qu'ils qualifièrent de "Moderns". Or, les "Moderns" étaient ces francs-maçons de 1717 qui avaient crée la Grand Loge de Londres et de Westminster...
Là s'arrète la similitude car lors de leur fusion en 1813, qui donna naissance à la GLUA, c'est sur la base de cette 2° Grande Loge que celle-ci se constitua : les Moderns avaient perdu. La bataille avait duré 62 ans !
Juste un petit "oubli" : 1773 !
1773, c'est la date à laquelle la première obédience portant le nom de Grande Loge de France, parfait homonyme, prend le nom de ... "Grand Orient de France" à la suite de la réforme de Montmorency-Luxembourg.
C'est une réforme structurelle qui modifie fondamentalement l'obédience. C'est la raison pour laquelle on parle de "formation du Grand Orient de France". Cette réforme comprend deux points essentiels, à savoir :
- la charge de Vénérable, jusque-là négociable et monnayable, est désormais soumise à l'élection.
- la création d'un organe législatif souverain ("rien ne s'y décide que par le voeu porté aux AG par leurs représentants"), composé des représentants des loges : le convent.
Extrait de la circulaire de janvier 1789 :
"Eclairée sur leurs véritables intérêts, les Loges ont senti la nécessité d'être gouvernées de manière uniforme et de se soumettre à des règlements tirés de l'essence même de leur association : ce motif les a engagées à se réunir pour former un centre commun, et elles ont arrêté que le corps qui les régirait serait composé de leurs représentants ; en conséquence elles ont attribué à ce corps la puissance législative, et l'ont établi juge de leurs différents. La constitution du GO est donc purement démocratique : rien ne s'y décide que par le voeu des Loges, porté aux Assemblées Générales par leurs représentants."
Anachronisme.
Sur l'actuel logo figure un anachronisme assez troublant. "1728" et "Francs-maçons du Rite Ecossais Ancien et Accepté !
Comment expliquer que le rite qui est arrivé en France en 1804 par les bons soins du Baron De Grasse-Tilly et qui n'était à cette époque qu'un système de Hauts-Grades, puisse avoir été pratiqué (qui plus est, en loges bleues) dès 1728 ? Le rite pratiqué alors était beaucoup plus proche du rite des "Moderns" et de la Grande Loge de Londres et de Westminster". On comprend que le Grand-Maître Marc Henry ait souhaité en 2013 n'autoriser la venue en Loge à Rouen de Roger Dachez qu'accompagné "d'un historien à nous"...
Reste la période 1728 - 1773.
L'article de Roger Dachez dans la revue Historia contredit la thèse officielle de la Grande Loge de France et établit la filiation entre la première obédience homonyme et l'actuel GODF.
Il ne suffit pas de répéter à l'envie une erreur pour en faire une vérité, particulièrement depuis que l'histoire de la franc-maçonnerie est devenue l'objet de travaux documentés.
Et pour être encore plus précis, le nom de "Grande Loge de France" va disparaître en 1799, lors de la fusion de l'obédience homonyme avec le GODF. Il sera réutilisé par l'obédience que nous connaissons aujourd'hui près d'un siècle plus tard en 1894, un an après le Droit Humain ait été créé par Maria Deraismes et Georges Martin.
Gérard Contremoulin
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