Deux ans et un siècle après...
On se souviendra du 28 mai 2015. Deux ans et un siècle après la scission qui conduisit à la création de la Grande Loge Nationale Française (5 octobre 1913), les deux grands Maîtres accompagnés d'une solide délégation de leurs exécutifs respectifs se sont retrouvés dans un temple maçonnique, le Temple Arthur Groussier.
400 participants, francs-maçons et profanes, étaient réunis pour participer à la première conférence publique : Les Rencontres Maçonniques La Fayette annoncées ici et qui s'est tenue au Grand Orient de France dans le Temple Arthur Groussier et dans le Temple La Fayette relié en son et en vidéo pour la circonstance.
La deuxième édition se tiendra, l'année prochaine, à la Grande Loge Nationale Française, dans le Grand Temple de la rue Christine de Pisan.
Certes, ce n'était pas une "Tenue solennelle" où les uns et les autres, francs-maçons "réguliers" et "irréguliers", auraient partagé un rituel maçonnique. Ce n'était pas l'objectif, ni annoncé, ni souhaité, ni attendu !
Cependant, ce fut un moment où l'on pu réouvrir la perspective de "maçonner" ensemble...
Ce qui est essentiel, c'est que cela se soit déroulé et se déroulera alternativement au siège de l'une des deux obédiences !
Car, francs-maçons de la GLNF et francs-maçons du GODF, nous savons ce qui nous sépare. Nous avons parfaitement identifié nos différences et nous n'essayons ni de les nier ni de les contourner. Au contraire, nous les reconnaissons et les deux Grands-Maîtres, Jean-Pierre Servel (GLNF) et Daniel Keller (GODF) l'ont indiqué d'emblée dans leurs interventions liminaires.
Il s'agit principalement de 3 domaines dont traitent les "basic principles" :
L'obligation de croire en Dieu et en l'immortalité de l'âme. Cette obligation est la règle à la GLNF, elle ne l'est plus au GODF depuis le convent de 1877.
Débattre des questions politiques, sociétales ou de religions. Ces débats sont interdits à la GLNF, aucun sujet n'est proscrit au GODF.
La mixité. Elle dépend des loges au GODF (convents de 2010 et 2011) alors qu'elle n'est pas possible à la GLNF.
Au delà de ces différences pourtant fondamentales, Daniel keller et Jean-Pierre Servel assis cote à cote à l'Orient d'un temple maçonnique constituait un réel élément nouveau dans le monde maçonnique. Ils se sont adressés tour à tour à un auditoire particulièrement attentif. Ce n'était pas banal !
Particulièrement dans un contexte où il est fréquent de mettre en exergue les différences, de creuser les écarts, voire à ériger des murs entre les uns et les autres au motif d'une "pureté maçonnique" aussi improbable qu'imaginée, le spectacle qu'ils nous offrait aura ouvert une perspective nouvelle, fraternelle, une perspective qui répond aux nécessités de l'heure. Car l'anti-maçonnisme renaissant ne fait pas la différence entre les uns et les autres et où le slogan "les francs-maçons en prison" s'adresse aux ... francs-maçons, quels qu'ils soient !
La soirée était consacrée à "La Franc-Maçonnerie face à ses mythes".
Les actes de cette conférence seront publiés prochainement par les soins des deux obédiences. Deux conférenciers, Yves Hiver-Messeca (GODF) et Bruno Pinchard (GLNF) et deux grands témoins, Yves-Charles Zarka et Michel Field qui ont apporté leurs commentaires en entrecroisant judicieusement réflexions sur le thème et réactions à l'évènement que cette première rencontre constituait.
On retiendra l'exquise jubilation de l'orateur du GODF, Yves Hiver-Messeca, à s'interroger sur la manière avec laquelle les francs-maçons peuvent croire à leurs propres mythes non sans avoir insisté sur l'importance fondatrice de leurs présences dans le discours maçonnique. Et notre diversité représente justement tout le champ des interprétations possibles.
De même, on retiendra l'interrogation fondamentale de l'orateur de la GLNF, Bruno Pinchard, sur l'initiation maçonnique. S'il n'est pas évident que nous entendions la même chose dans ce mot, il est quasiment certain que la recherche dans laquelle elle nous fait entrer soit la même, celle d'une fraternité de cherchants. Et citant abondemment Stéphane Mallarmé, il note la grande proximité entre la démarche maçonnique et la poésie.
Alors qu'Yves-Charles Zarka insistait à plusieurs reprises sur la fonction et le sens profond du symbole dans l'accomplissement du projet maçonnique, Michel Field revenait sur cette qualité de "grand témoin" rappelant que toute relation duelle suppose, pour exister, la présence d'un tiers ! Que cette première rencontre, après tant d'années de brouille, était empreinte de gravité, de solennité et qu'il était prêt à poursuivre cette fonction de témoin.
Alors je me suis permis de transgresser notre règle et de remercier publiquement les deux grands-maîtres d'avoir eu l'intelligence de décider du principe de ces rencontres, de nous avoir fait ce cadeau. De l'avoir fait dans un contexte où nous entendions parler à l'envie de "Paysage Maçonnique Français" et de "Recomposition". De cela, nous savons ce qu'il est advenu...
De les remercier non seulement de cette conférence mais surtout de nous permettre, maçons libéraux et maçons réguliers, de recommencer à nous parler, de poursuivre les contacts que nous avons su tisser, particulièrement en province (mais à Paris AUSSI) en affirmant que cela procède de cette même logique de rapprochement initiée par les Rencontres La Fayette. Et cela dès le lendemain matin... Un souffle nouveau, un souffle frais, un souffle dynamisant.
Alors, bien évidemment, nous n'en sommes pas aux intervisites, bien sûr nous n'en sommes pas à pouvoir partager nos travaux... Nous le savions avant, nous le savons maintenant et nous saurons par conséquent demain et pour la suite gérer le possible et éventuellement, le souhaitable.
Que ne va-t-on pas entendre ! Qu'importe ! Ne vaut-il pas mieux savoir se fixer des objectifs raisonnables que de se lancer sans précaution dans une quête improbable ?
Sachons nous poser les questions de l'heure. La réunion de nos deux cheminements maçonniques n'est pas à l'ordre du jour. En revanche, ce qui l'est, c'est que nous recommencions, officiellement, à nous reparler, à pouvoir envisager des échanges respectueux du possible sans anticiper sur le souhaitable.
Nous sommes entrés dans une politique des petits pas. Après 102 ans, nous mesurons la quantité nécessaire !
Il est pourtant une évidence dont nous avons pris conscience ce 28 mai 2015 parce que nous l'avons partagé, c'est le sentiment d'une fraternité retrouvée. Et c'est cela qui est précisément nouveau, une fraternité qui ne demande qu'à se développer... sans exclusive, sans préalable.
Mesurons bien que nous avons maintenant les uns et les autres la responsabilité collective de ne pas nous décevoir...
Toutes les obédiences étaient conviées. Le Grand-Maître de la GLTSO, le TRF René Doux, le Grand Chancelier de la LNF, le TRF Roger Dachez et le Grand-Maître de la GLCS, le SGM Marcel Laurent étaient au rendez-vous.
Les Dignitaires des juridictions de Hauts Grades du GODF étaient présents. Philippe Guglielmi pour le GCG-RF - Jean-Pierre Cordier pour le REAA - Alain Sberro pour le RER - Jean-Claude Rochigneux pour La Marque-Ancienne Maçonnerie d'York - Jean-Pierre Aksas pour Memphis-Misraïm).
De même, Jacques Prats pour le Supreme Conseil National de France, composé de Frères (1) de la GLNF et Jean Eisenbeis pour celui de la Fédération Française du Droit Humain.
Et puis, en marge de cette conférence, il y eu l'important, l'indispensable : ce sera l'objet d'un prochain article...
Merci à Ronan Loaec pour les photos...
Gérard Contremoulin
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(1) Merci "Templum"