7 janvier, 9 janvier, 26 juin, Daesh, c'est politique ?
"C'est la guerre !".
Comment réprimer ces mots qui m'envahissaient à mesure que les informations macabres inondaient les radios, les chaines d'infos en continue... et submergeaient la raison par surplus d'adrénaline ?
Comment réagir lorsque que l'on sait que ces actes exigeraient une réaction fortement argumentée, donc nécessairement collective, de toutes les organisations maçonniques alors qu'une partie d'entre elles se sont engagées à ne jamais aborder de sujets politiques ?
Comment réagir face à l'horreur de la décapitation d'Hervé Cornara, cet acte barbare que Yassin Salhi importe et met en scène sur le sol français à Saint-Quentin-Fallavier. Sans oublier qu'un attentat, qu'il rate finalement, visait l'explosion de l'usine à partir de bonbonnes de gaz... Quel aurait été l'ampleur du désastre ?
Sousse.
Puis vient la fusillade (38 morts et 36 blessés) sur la plage de l'hôtel Imperial Marhaba de Sousse en Tunisie. Les conséquences économiques sont catastrophiques pour le nouveau régime tunisien qui construit son système institutionnel sur des bases laïques. C'était le but recherché. Faire en sorte que les sources de financements de l'économie du tourisme se tarissent en organisant la peur, l'insécurité. Ces attentats ne seront hélas, pas les derniers. C'est une stratégie politique !
Koweït.
Puis l'attentat dans une mosquée chiite kowétienne (25 morts et 200 blessés) pendant la prière du vendredi...
Depuis quatorze siècles, sunnites et chiites se font une guerre sans merci. Cela n'explique cet attentat qu'en partie seulement.
Daesh.
Puis, une signature vient revendiquer l'ensemble : Daesh. Juste abjecte !
Daesh est d'abord et avant tout un mouvement politique dont la perspective n'est pas l'avènement d'un islam mondial mais l'extension infinie de son pouvoir politique. Un pouvoir totalitaire où la religion joue les supplétifs Elle est tour à tour police des moeurs, directeurs des consciences, tribunal et exécuteurs des sentences.
Et comme si ce n'était pas suffisant, cette organisation terroriste reçoit une victoire supplémentaire avec l'incapacité de la classe politique française à prendre la mesure de la situation, c'est-à-dire l'impérieuse nécessité de ne pas se diviser. Las, c'est l'escalade des surenchères... Et ce qui semble compter à en croire les commentaires c'est de ne pas laisser vivre "l'esprit du onze janvier" !
Tout bénéfice pour Daesh. Triste et sinistre classe politique qui joue les enfants gâtés au moment où elle devrait non pas compter ses jouets mais devenir adulte et faire face à ses responsabilités.
Vacuité du politique, vacuité citoyenne ?
Mais cette vacuité du politique ne doit pas nous exempter d'un examen de nos responsabilités collectives. Après tout, l'échelon politique n'est qu'une délégation du pouvoir citoyen ! Et cette situation, dans toute sa gravité, pourrait bien "réveiller" le citoyen qui dort en chacun de nous...
Alors, oui, comment réprimer ce mot de "guerre" ?
Faut-il d'ailleurs le réprimer ? Dans ce cas là, c'est un mot réflexe et l'émotion est très mauvaise conseillère.
En revanche, si l'on se donne le temps de la réflexion, on s'aperçoit qu'il fait partie du vocabulaire dont certains souhaiteraient voit généraliser l'emploi. Avec ces mouvements de menton habituels chez les donneurs de consignes, chez les "prescripteurs d'opinion", ils tentent de nous persuader que depuis le 7 janvier, que depuis Charlie-Hebdo, cette guerre serait déclarée. Dans cette logique, pourquoi n'avoir pas choisi la date du 11 septembre 2001 ?
Géopolitique.
La question que nous avons à traiter n'est pas une question de vocabulaire, pas une question de convenance, c'est une question de compréhension des rapports de forces géopolitiques dans lesquels les éléments de la "réalpolitik" devront être convenablement pris en compte.
Loin de la bisounourserie, parfois proche d'une pratique mal comprise de la fraternité, les francs-maçons, précisément parce qu'ils sont francs-maçons, ne devraient-ils pas se relever les manches et accepter de mettre à plat tous les cas de figures géopolitiques ?
Se peut-il qu'il y ait toujours des espaces de travail maçonniques où l'on peut continuer à ne pas parler de politique ?
Dans une situation de cette gravité, qui menace désormais de fond en comble les bases de notre édifice, les francs-maçons vont-ils rester interdits ? Deux raisons pourraient expliquer cela.
D'abord les interdits de la "régularité" selon lesquels certains maçons n'abordent pas certains sujets. Par exemple, les sujets politiques sont de ceux-là.
Je me demande comment faisait Bro. Winston Churchill lorsqu'il lui fallut jouer le rôle que l'on sait durant la dernière guerre tout en restant fidèle à sa loge...
Ensuite, l'impossibilité de définir un discours commun.
Chaque grande période de notre histoire, et particulièrement les grandes déflagrations mondiales, a conduit la franc-maçonnerie à évoluer, à rechercher à "mettre à jour" ses principes.
Les obédiences se sont divisées à la suite de ces évolutions.
Que poursuivra-t-on aujourd'hui ? Le grand schisme autour des "Basic Principles" de 1929 ou cherchera-t-on à faire avancer, même lentement par la méthode des petits pas, le chantier de la concorde universelle ?
Je ne suis pas un croyant. Je n'accorde donc pas beaucoup de crédit aux anathèmes. Et surtout je sais que "là où il y a une volonté, il y a un chemin". Les docteurs "tant pis" se trouveront encore bien des raisons de maugréer... Il y a tant à faire.
Néanmoins, celles et ceux qui acceptent de s'engager dans cette recherche d'une parole commune maçonnique doivent pouvoir le faire...
Gérard Contremoulin
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