On ne mobilise pas par l'émotion !
Bien sûr que l'image du petit Aylan Kurdi est insoutenable...
Mais c'est une "vertueuse" hypocrisie face à un drame politique, humanitaire qui ne commence pas avec le corps de ce malheureux petit homme de 3 ans.
Vertueuse hypocrisie destinée à "sensibiliser" l'opinion mondiale !!!
Mais la sensibiliser à quoi ?
Au racisme ? à l'intolérance ? ou plus cyniquement à l'indifférence ?
Que souhaite-t-on avec cette publication ?
Mobiliser ? Mais comment, où, avec qui ?
En l'absence de réponse en terme organisationnel, je crains qu'une fois de plus, on ne se satisfasse que d'avoir suscité de la bonne ou de la mauvaise conscience (selon l'endroit où l'on se place) ; qu'on se satisfasse d'avoir eu un instant de compassion pour un drame qu'on aura ainsi isolé des centaines de milliers d'autres dont personne ne parle !
Je crains qu'une fois de plus, cette manière de solliciter la réaction primaire et spontanée qu'est l'émotion ne soit le meilleur moyen que rien ne se passe de sérieux qui puisse modifier les causes de cette situation !
La question n'est pas de savoir si l'on est ou pas "ému" par une telle photo mais en quoi l'émotion qu'elle suscite dispense d'agir concrètement... C'est en cela que ce type de publication procède du décervelage constant de la société du spectacle...
Vous avez dit "migrant".
Mais que pensez-vous avoir dit ?
Voici un mot extrêmement pratique, qui ne s'intéresse ni au statut de départ (celui qui émigre) ni au statut d'arrivée (celui qui immigre), qui ne prend en compte qu'un moment du parcours d'un être humain, qu'une séquence de sa vie pour en faire un tout.
Le "migrant" isole une personne dans son présent, dans une situation de transit, et lui dénie toute la dignité de son histoire ! Ce n'est plus d'un être humain dont on parle mais d'une catégorie, voire d'une statistique ! C'est atterrant.
Ainsi le "migrant" est dans une situation a-normale, déshumanisée, une situation intermédiaire. Cette "intermédiarité" arrange tout le monde. Elle permet d'occulter les causes et les conséquences. Parler de "migrant" c'est s'engager sur le chemin du déni, c'est occulter une réalité autant sociale que politique.
C'est offrir à la conscience la possibilité de n'avoir aucune prise sur le réel mais de se satisfaire de l'émotion que produit la contemplation d'un drame. Emotion qui donne l'illusion de la solidarité !
Réfugié, pas migrant !
En revanche, si le "migrant" devient "réfugié", il reprend sa place dans sa propre histoire, dans son avenir. En choisissant de le nommer "réfugié", nous le reconnaissons comme un autre nous-même, nous imaginons pouvoir être à sa place, nous lui redonnons son humanité, à égalité de droits !
Réintégrer l'avant et l'après de sa situation de "migrant" revient à reconnaître à la femme, à l'homme concerné l'exercice de son libre arbitre, son droit à l'autodétermination et donc son choix de refuser le sort politique que lui réserve son pays. C'est lui reconnaitre sa capacité à être libre.
Il devient dès lors la cible potentielle de tous ceux qui nient à l'être humain et particulièrement à la femme, le simple droit d'être. Et place aussi celle ou celui qui l'aide au même rang !
Au Vigan, dans le Gard encore, le maire et le conseil municipal insistent sur la qualité de "réfugié" :