Quelques mots sur le convent (Reims-2) du GODF...
Quelques mots seulement puisque beaucoup a déjà été dit (ici, ici, ici, ici, ici et là).
Quelques mots donc, en forme d'impressions d'un délégué de l'une des 1.261 loges du Grand Orient de France, la Respectable Loge "L'Europe des Lumières".
Le rapport d'activité et l'élection du Grand-Maître.
Pour la deuxième année consécutive, le rapport d'activité du conseil de l'ordre présidé par Daniel Keller obtient plus de 97% d'avis favorables (1130 contre 26) !
Ce vote traduit l'atmosphère générale qui règne dans l'obédience et n'a eu que peu de précédents. On ne peut que constater la forte adhésion exprimée par les délégués des loges à l'action du conseil de l'ordre conduite par le Grand-Maître.
Ce qui rend d'autant plus difficile à comprendre les raisons qui ont conduit 5 conseillers à émettre un vote blanc lors de l'élection du Grand-Maître qui avait lieu quelques heures plus tard, seulement...
Certaines déclarations de délégué(s) ont bien tenté ensuite de justifier ce genre d'attitude par une volonté de "démocratie" voulant qu'une élection ait toujours une opposition... Mouais... C'est bien peu convaincant puisque le candidat élu n'avait pas de challenger ! Il aurait été logique que ces frères présentent un candidat. Ce ne fut pas le cas !
En revanche, je crains qu'un jour ou l'autre, si ce genre d'état d'esprit d'opposition systématique devait perdurer, que les frères et les soeurs ne sanctionnent durement la distorsion artificielle entre le sentiment général des délégués, c'est-à-dire des loges qui expriment un net soutien à la politique obédientielle du Grand-Maître d'une part (97% !) et d'autre part, ce type d'attitude ! En Franc-Maçonnerie, nous ne sommes pas dans une démarche politique, encore moins politicienne, mais dans la construction d'une parole commune.
D'autant que ce Convent fut marqué par deux discours du Grand-Maître sur lesquels je reviendrai régulièrement car ils vont constiytuer à la fois l'engagement et donc la grille d'évaluation de l'action du Grand-Maître Daniel Keller : sa présentation du rapport d'activité et son discours d'installation.
Des chiffres qui motivent...
La plupart des votes émis dans ce convent l'ont été par près de 1.180 délégués sur 1.261 loges inscrites ! Plus des trois quarts de ces votes ont enregistré des majorités entre 850 et 1.130 voix. Pour l'anecdote, on retiendra qu'un seul des 109 votes émis n'aura obtenu qu'une très courte majorité (604-558), mais je ne dirai pas ici sur quel sujet !
Outre le rapport d'activité, les votes sur les différents aspects des questions financières ont obtenu des majorités supérieures à 1.000 voix (dont le budget 2016 : 1.136-40 ; programmation immobilière : 1.047-82 ; projet d'acquisition Paris : 1.029-94)...
Un binôme Président-Orateur très efficient.
Le Président et l'Orateur auront constitué le pivot de ce convent. La complicité rigoureuse de ces deux officiers est la plus solide garantie du bon déroulement des débats. De quelque nature qu'ils soient, les débats supposent une connaissance pointue des modalités, des "astuces" de procédures, des habitudes (souvent mauvaises) issues des années passées... En Franc-Maçonnerie, on vote sur les conclusions que donnent l'Orateur. Il lui revient donc de bien "sentir" son convent, de bien comprendre les contours de sa majorité. La formulation de ses conclusions doit prendre en compte les enjeux de chaque vote, de chaque problématique et, surtout, d'avoir préalablement envisagé avec le Président les différents cas de figure juridiques, les différentes situations susceptibles de se présenter. On a pu constater qu'ils avaient effectivement fait ce travail de préparation, de quasi anticipation. Chapeau !
Deux débats essentiels.
Le débat de prospective.
La franc-maçonnerie libérale s'autorise à évoquer les questions sociétales car elles sont le point de départ et le point d'application du travail du franc-maçon dans sa démarche d'amélioration de lui-même ET de la société.
Le thème proposé cette année était : "Quels engagements maçonniques pour la République face à la montée des communautarismes ?"
Voici ce que ce sujet m'inspire.
Les communautarismes, dans leurs multiples formes, revendiquent des droits particuliers, dérogatoires au droit commun. Ils fracturent l’unité républicaine. C’est certain ! Mais la franc-maçonnerie est-elle en état de réagir face aux développements de ces démarches communautaristes ?
I - Le thème suggéré appartient déjà à une période révolue.
Ce n’est pas une critique, c’est juste un constat. La donne a changé, et cela, durablement. Auparavant, la revendication communautariste s'exerçait par le biais d’une organisation. Nous savions comment réagir face à une structure centralisée : telle communauté, telle secte, telle église !
Avec Al Qaïda et surtout DAESH, les choses ont changé. Nous ne sommes plus en face d’une stratégie, centralisée, identifiable. Non ! Nous sommes face à une nébuleuse où des individus, plus ou moins dormants, décident d’agir, non pas au moment où ils en reçoivent l’ordre, mais au moment qu’ils estiment, eux, opportun !
Et quand DAESH met en scène les spectacles odieux d’une barbarie moyenâgeuse, ce sont autant de messages de radicalité envoyés à ces groupuscules dormants. Voilà ce à quoi nous assistons depuis Toulouse, le Musée juif de Bruxelles, les 7 et 9 janvier à Paris puis le Thalys entre Amsterdam et Arras.
Nous devons intégrer cette nouvelle donne dans nos réflexions.
Certes, le 11 janvier nous étions parmi les millions de manifestants venus crier leur dégoût des assassinats à Charlie-Hebdo, à la Porte de Vanves et à l’Hyper-Cacher de la Porte de Vincennes. Et nous y étions bien accueillis.
Mais ensuite, qu’avons-nous fait ? Quelle place ont pu prendre ces évènements dans nos travaux de loges… Comment avons-nous répandu à l’extérieur ces vérités acquises à l’intérieur ? En bref : c’est quoi être franc-maçon depuis le 11 janvier ?
II - La Franc-Maçonnerie, aujourd’hui, est à la croisée des chemins…
entre trois phénomènes qui l’empêchent d’afficher cohérence et force …
- D’abord, un triste morcellement par le bas dont le CLIPSAS dresse le constat en recensant 204 obédiences en France !...
- Mais, 2° phénomène, paradoxal, le renforcement des grandes obédiences, comme l’attestent nos résultats chiffrés.
- enfin, 3° phénomène, la tempête interobédiencielle, avec la énième crise d’identité, cyclique, de la GLDF, propulsée par l’Appel de Bâle de juin 2012…
- Dans ce maelstrom maçonnique où il n’y avait que des coups à prendre, la maçonnerie libérale s’est heureusement tenue à l’écart. C’est dans cette stratégie qu’il y a lieu d’aller chercher des sujets aux forts potentiels pour l’avenir.
III - Rechercher les convergences entre les obédiences en France.
Le GODF a démontré sa capacité à conforter les relations interobédiencielles, voire à renouer des fils rompus dans l’histoire…
Ainsi, les rencontres maçonniques La Fayette du 28 mai. Premières rencontres après un siècle et 2 ans de schisme principiel, ces rencontres ne pouvaient donner que ce que chacun des organisateurs pouvaient y apporter : leurs identités maçonniques. Au moins l’ont-ils fait ! Cela ne vaut-il pas mieux que de se regarder en chien de faïence sans oser traverser la rue ?
Que la GLDF se soit affaiblie du peu glorieux espoir de construire son identité sur les ruines escomptées d’une obédience en crise (la GLNF) n’est une bonne chose pour personne ! Mais pourquoi la GLDF a-t-elle si peu de considération pour la place originale qui est la sienne entre notre FM sociétale et libérale et la FM régulière de la GLNF ? Nous pouvons être convaincus qu’aujourd’hui, les Frères de la GLDF ont besoin de toute notre fraternité…
Et le travail doit se poursuivre avec toutes les obédiences qui le souhaitent et particulièrement avec les nouveaux exécutifs (GLFF, FFDH, GLMF, GLMU, GLDF, etc.) sur les questions essentielles comme l'incompatibilité du FN et de la Franc-Maçonnerie.
La stratégie qui consiste à avancer sur la voie de la réunion des puissances maçonniques semblent constituer une des rares alternatives au morcellement sociétal.
Le débat sur la politique internationale.
Pour la deuxième année consécutive, le Convent a tenu un tel débat.
Voici (à peu près) ma contribution.
Instaurer et construire par un débat pérennisé une véritable politique internationale devient un impératif. C’est la continuité qui garantit, dans ce domaine, la capacité d’une obédience à contribuer à définir des objectifs internationaux à la maçonnerie libérale.
À la différence de la franc-maçonnerie régulière… Paradoxe des paradoxes, la résolution de la folle crise qui a affecté la GLDF à partir de l’Appel de Bâle de Juin 2012, consacre le fait qu’il n’y a toujours pas d’alternative, dans le monde de la maçonnerie régulière, à la règle fixée en 1929 par la Grande Loge Unie Angleterre, c’est-à-dire d’abord à sa politique internationale.
C’est pourquoi il est nécessaire de comprendre que cette orthodoxie dégage la voie pour la maçonnerie libérale dans trois directions :
a/ Vers les relations interobédiencielles en Europe.
Depuis la fin du XIX° siècle, avec les prémisses de la guerre de 14, les Francs-Maçons tentent de tisser des liens d’une solidité supérieure à celle des relations diplomatiques internationales. Utopie des utopies, elle reste pourtant l’horizon indépassable des francs-maçons, pacifistes par vocation, optimistes par résolution, volontaristes par détermination.
Nouvelle initiative lancée par le Grand-Maître Daniel Keller, le Forum des obédiences libérales adogmatiques des pays de l’Union Européenne » a tenu sa 2° édition en 2014. Elle a montré la volonté et la capacité du GODF à passer le relai à un organisme ad hoc. Et que ce soit l’AME (Alliance Maçonnique Européenne) qui en ait pris les rênes cette année est particulièrement satisfaisant de ce point de vue.
La maîtrise du souhaitable et du possible, clé de toute politique internationale, est à saluer ici !
b/ Vers le travail des loges en Europe.
La montée des fondamentalismes initialisent les mises en cause des droits fondamentaux, notamment l’égalité homme-femme. Elles se sont affichées lors des dernières élections dans les différents pays d’Europe. Les Francs-maçons ne doivent-ils pas considérer qu’ils ont désormais une obligation morale de Solidarité avec les peuples d’Europe.
A la condition de ne pas se tromper de stratégie ! Le contact entre les loges, entre les sœurs et les frères peut parfois s’avérer plus efficace que le seul niveau obédientiel.
Subir la politique d’un Viktor Orban, d’un Recep Tayyip Erdoğan ou encore la succession des programmes de restructuration quand on est grec, espagnol, irlandais, ou lorsqu’on ne peut choisir qu’entre DAESH et Bachar El Assad quand on est tunisien, n’est-ce pas là le niveau d’alerte où devrait se déclencher la nécessaire fraternité que nous nous devons, certes entre Francs-Maçons, mais plus largement, au développement des conditions de l’émancipation des peuples de toutes tutelles ?
c/ Vers l’Euro-Méditerrannée.
La proposition d’un travail spécifique sur cette région du monde, là où notre silence fut assourdissant lors des printemps arabes, puis dans la période constituante tunisienne, est particulièrement bienvenue ! Certaines de nos Loges ont su maintenir leurs contacts (je pense à « La Nouvelle Carthage », d’autres en ont noué. Cela est particulièrement précieux dès lors qu’une coordination judicieuse et appropriée pourra être mise en place, dans le respect de nos partenaires, loin des relations « post coloniales ».
Enfin, sur proposition de la Loge "Tartessos" de Séville, qui rappelle que le GODF crée de nouvelles loges dans divers pays du monde, le convent a adopté en 1° lecture le principe de la traduction simultanée de ses travaux en anglais et en espagnol, les deux langues les plus parlées dans le monde.
Les questions à l'étude des loges.
Les questions à l'étude des loges sont des questions annuelles qu'adopte le Convent sur proposition des loges de l'obédience, propositions examinées et rapportées par une commission ad hoc, dite "Commission Culture".
Elles sont actuellement au nombre de cinq, sur les thèmatiques fixées dans le Règlement Général.
Ainsi pour l'année maçonnique 2015-2016 :
Question A dite "d'intérêt général"
"Entre liberté et sécurité, quelle société s'offre à nous ?"
Question B, dite d'intérêt maçonnique :
"La Franc-Maçonnerie a-t-elle vocation à refléter l'ensemble de la société ?"
Question C, sur la Laîcité :
"Comment un Franc-Maçon peut-il promouvoir au travers de sa vie profane le principe de laïcité ?"
Question D, dite sur la paix ou les droits de l'Homme :
" Quelle politique migratoire fondée sur nos valeurs peut-on promouvoir auprès des responsables de l'Union Européenne ?"
Question E, dite des loges de l'extérieur :
"Jusqu'où peut-on aller dans le respect des cultures ?"
Depuis quelques années, une proposition visant à faire travailler ces questions sur deux ans est présentée au convent, sans succès.
Une décision attendue : la double appartenance GLFF-GODF.
Le convent a ratifié -et très largement- l'avenant à la convention de 1982 entre la GLFF et le GODF, rendant possible la double appartenance des Soeurs de la GLFF qui le souhaitent à des loges du GODF. Finie l'obligation de démissionner préalablement !
Gros succès pour celles et ceux qui souhaitaient que ce principe soit adopté.
Maintenant que ce cap, indispensable, a été franchi, et comme toutes choses, il va pouvoir être possible d'améliorer le contenu. Car il y a matière...
Enfin le banquet Républicain
est venu clôturer ces journées de convent. Je ne résiste pas à l'envie de rédiger cette séquence "à la manière de...", même si certains mots ou pratiques ne sont évidemment pas de son registre habituel...
Exclusif et en direct de Reims.
Sous les vastes voutes immaculées de la Halle du Boulingrin, les frères, les soeurs et leurs invités se sont pressés autour de tables délicatement rangées de manière à souligner les fraternelles présences des délégations obédientielles et juridictionnelles qui avaient tenu à manifester par leurs présences la force de la chaîne d'union qui unit les obédiences de la franc-maçonnerie libérale et adogmatique.
Une longue table "présidentielle", située au milieu de l'espace, accueillait pas moins d'une soixantaine de dignitaires chefs de délégations, le plus souvent les Grands-Maîtres, belges, suisses, grecs, maltais, espagnols, portugais, africains, sud américains, et bien entendu français.
C'est ainsi que l'OITAR, la LNF, la LNMF, la GLMU, la GLMF, la GLCS était représentées par leurs Grands-Maîtres, la GLFF par une Grande Maitresse adjointe, de même que la FFDH (qui tenait simultanément son propre convent à Paris).
Cette trop brève liste n'est évidemment pas exhaustive... Je la publierai dans un autre article, avec un reportage photo.
Autour de cette table prestigieuse, on avait placé des tables rondes qui accueillaient les dignitaires membres des délégations. C'est ainsi que la GLFF avait tenu, en l'absence de la Grande Maîtresse dont Daniel Keller avait tenu à présenter les excuses, à être représentée par pas moins de cinq conseillères fédérales et une "passée" (ce titre n'exite pas au rite français) Grande-Maîtresse. La famille écossaise était donc représentée à ce banquet républicain organisé par la plus grande obédience française (52.000 membres) qui pratique majoritairement -et sans discontinuer- le Rite Français, rite de fondation de la franc-maçonnerie du siècle des Lumières.
Cédant avec délicatesse aux usages de la bienséance tout autant que de la démocratie, le Grand-Maître présentait Mme Véronique Marchet, 1° adjointe de la ville de Reims qui remplaçait le Député-Maire, M. Arnaud Robinet, pour une allocution de bienvenue. Un échange chaleureux de bon aloi non sans une pointe d'humour de la part de l'élue.
Véronique Marchet, première adjointe de Reims et Daniel Keller, GM du GODF et la nuque du rédacteur... (photo Jacques Grange)
"Pour aller plus loin..."
voir les liens au début de l'article.
Gérard Contremoulin
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