Rite Français : poursuivre "au delà" de la maîtrise...
Le Grand Chapitre Général du Grand Orient de France est la juridiction qui administre les grades au delà de la Maîtrise (3° grade) du Rite Français.
Il existe cinq juridictions au Grand Orient de France. Outre le Rite Français, ce sont :
- le Rite Ecossais Ancien Accepté au sein du Suprême Conseil du REAA,
- le Régime Ecossais Rectifié (RER) au sein du Grand Prieuré Indépendant de France,
- le Rite Egyptien au sein du Grand Ordre Egyptien,
- la Maçonnerie de la Marque et de l'Arc Royal au sein du Suprême Grand Chapitre de l'Ancienne Maçonnerie d'York.
La pratique des Grades "au delà" de la maîtrise est parfois raillée par les maçons eux-mêmes, parfois même résolument refusée, voire combattue. Ces différentes perceptions représentent le droit le plus absolu du franc-maçon de poursuivre ou de ne pas poursuivre son cheminement.
Jissey nous montre l'une d'entre elles, l'humour restant le meilleur moyen de parler de soi sans se prendre au sérieux...
Que cherchons-nous au delà du 3° grade ?
Car c'est une recherche, une recherche facultative certes, mais qui n'ajoute ni sur-grade ni supplément de droits maçonniques. Deux conditions doivent être remplies impérativement : avoir le grade de maître depuis au moins trois années et rester membre actif d'une loge. Nous verrons que cette dernière est déterminante dans cette recherche.
Cette recherche n'est pas nécéssairement de même nature selon le rite auquel cette voie se pratique.
Je n'évoquerai donc ici que le cheminement que je connais le mieux pour le pratiquer depuis près de dix-huit ans, à savoir le Rite Français au Grand Chapitre Général du Grand Orient de France.
D'abord, un peu d'actualité.
Le Grand Chapitre Général du GODF vient de tenir le "congrès de ses Souverains Chapitres", les 4 et 5 septembre dans les locaux du Grand Orient de France.
C'était une année de grand renouvellement des instances avec notamment la descente de charge de son principal dirigeant, Jean-Pierre CATALA, TSPGV (Très Sage et Parfait Grand Vénérable) qui avait succédé il y a sept ans à Jacques-Georges PLUMET.
Jean-Pierre a assumé son mandat en consolidant l'administration du GCG et en poursuivant le développement d'une politique internationale volontariste. D'abord sur la base de la négociation d'accords bilatéraux d'une importance telle qu'ils ont permis la création puis le développement d'une organisation internationale des Grands Chapitres Généraux, le Comité Ramsay. Il en regroupe aujourd'hui 24 dans le monde !
Il a également négocié et signé des accords avec d'autres juridictions hors GODF comme avec le Suprème Conseil du REAA de la Fédération Française du Droit Humain visant à permettre les intervisites. Et une conférence colloque est prévue fin octobre réunissant le GCG du GODF et le GCF de la GLNF !
Il a été remplacé à ce poste éminent par Philippe GUGLIELMI qui prend cette charge seize ans après la résurgence du Grand Chapitre Général. Résurgence dans laquelle il a joué un rôle fondamental en sa qualité de Grand-Maître du Grand Orient de France à cette époque (1998-99 et 1999-00). C'est par sa volonté et celle du Conseil de l'Ordre qu'il présidait que la renaissance du GCG a pu se réaliser à La Rochelle en 1999.
L'histoire du Grand Chapitre Général.
Elle démarre bien avant cette date et est largement aussi ancienne que celle du Grand Orient lui-même.
Elle a fait l'objet de plusieurs ouvrages d'auteurs éminents dont Charles Porset, Cécile Révauger, Ludovic Marcos, Roger Dachez, Pierre Mollier, ...
Une mention particulière pour le dernier ouvrage paru, "Les ordres de sagesse du rite français". C'est une oeuvre indispensable pour bien comprendre comment s'est façonné tout au long de l'histoire maçonnique ce rite d'émancipation, fondateur de la maçonnerie du siècle des Lumières. C'est un travail commun de Cécile Révauger et de Ludovic Marcos avec la commission d'histoire du GCG.
J'en mettrai prochainement en ligne une recension.
S'agit-il de la même franc-maçonnerie ?
Bien sûr.
Les francs-maçons qui choisissent cette voie doivent toujours respecter l'intégralité de leurs obligations dans leurs loges des 3 premiers grades, dite loge symbolique ou loge bleue. Au Grand Orient de France, mais aussi à la GLFF, à la GLMF ou à la GLMU, ceci reste valable, quel que soit le ou les rites qu'ils pratiquent. Il est donc possible que le rite pratiqué en loge bleue ne soit pas nécessairement le même que celui pratiqué dans les grades de sagesse. Ce fut systématiquement le cas au GODF pendant les 150 ans d'éclipse pour les frères dont les loges bleues travaillaient au Rite Français... On poursuivait généralement en passant du RF au REAA. Depuis 1999, la situation est éclaircie.
Dans les obédiences monorites (GLDF, DH principalement) la question ne se pose pas puisqu'il s'agit de la poursuite dans le même rite, en l'occurrence le REAA (Rite Ecossais Ancien et Accepté).
Pourquoi appeler cela les "Hauts-Grades" ?
C'est une appellation ancienne qui ne correspond pas aux objectifs du Rite Français. Si l'on parle plus volontiers des "grades de sagesse", c'est parce qu'ils ne se situent pas "au dessus" des grades symboliques des loges "bleues" mais "au délà" de la maîtrise (le 3° grade). Quant aux anglo-saxons qui pratiquent la séparation absolue entre les deux niveaux, ils les nomment les "side-degrees".
Au Rite Français, tel qu'il est pratiqué au GODF, il s'agit d'un travail d'approfondissement de la hiérarchie des devoirs que le maître maçon découvre au fil de son cheminement dans les grades de sagesse. Devoirs essentiellement moraux, ils correspondent aux différentes étapes de sa recherche.
Alors poursuivre, mais pour quoi faire ?
Il faut partir de l'idée que le maître maçon dispose de la plénitude de ses "droits maçonniques" et se demander si, néanmoins, la maîtrise est pour autant, la fin du parcours ? Chacune et chacun sera légitime dans sa réponse, quelle qu'elle soit.
Je suis de celles et ceux qui ont choisi de poursuivre. J'ai même démarré cette démarche au REAA, et j'ai dù l'interrompre. Je pratiquais les deux rites (REAA et RF) lorsque ma candidature au 18° du REAA a été évoquée. "On" (je reste évasif par fraternité) a considéré que c'était inconcevable, que je devais n'en pratiquer qu'un seul et que je devais donc obligatoirement choisir ! Alors, considérant cette exigence parfaitement intolérable, j'ai effectivement choisi... de quitter le REAA !
Aujourd'hui, je pense le reprendre, là où je l'ai interrompu, sans rechercher une quelconque équivalence, ce qui n'aurait aucun sens...
Ce type de cheminement permet un véritable retours sur le travail accompli durant au moins 7 ans en loge bleue, le plus souvent le double, et permer d'approfondir en les revisitant les enseignements de chacun des 3 grades symboliques. Non pas les enseignements académiques qui seraient tirés de je ne sais quel "catéchisme" maçonnique, mais ceux qui viennent de la pratique assidue des travaux de sa loge, au milieu des soeurs et des frères.
L'un des intérêts des grades de sagesse ou de perfectionnement, c'est de rassembler au sein d'un même chapitre des soeurs et des frères issus de loges différentes. Il ne s'agit plus de se retrouver dans le "cocon" qui vous a permis de naître à la maçonnerie et de devenir maître, mais de confronter avec d'autres maçons les différences d'approches, les références culturelles, philosophiques, littéraires, les façons de vivre les expériences maçonniques, bref de découvrir d'autres manières de maçonner, d'intervenir, d'animer une loge.
Et c'est progressivement, par un travail, là aussi assidu (une fois par mois) que l'on découvre, que l'on définit le rôle personnalisé que l'on peut être amené à jouer dans sa loge pour permettre aux maçons moins expérimentés, non pas comment il faut faire, mais se mettre à leur disposition pour les aider à faire, à devenir maître maçon. C'est en fait un approfondissement du devoir essentiel du maître : la transmission.
Et c'est cet approfondissement du Devoir qui fait l'objet d'un cheminement en 4 phases : les 4 Ordres du Rite Français.
La hiérarchie des Devoirs.
Le parcours initiatique des grades de sagesse s'articule autour de 4 moments essentiels : les 4 Ordres du Rite Français, dont voici chacun des thèmes.
1° Ordre : De la Vengeance à la Justice
2° Ordre : De l'Union des hommes à l'unité des valeurs
3° Ordre : De la destruction à la construction
4° Ordre : De la Libération à l'Epanouissement
Le GCG publie une revue destinée aux profanes : "Joaben-La Revue" qui décrit ce parcours.
Le 4° Ordre est le grade sommital du Rite. S'il existe un 5° Ordre depuis les origines, c'est selon Roettiers de Montaleau :
"L'étude de tous les grades physiques et métaphysiques de tous les systèmes maçonniques en vigueur."
Ce pourrait être l'espace où se retrouve les tenants des grades sommitaux de tous les systèmes maçonniques. Osons dire de tous les rites pratiqués ! L'espace où l'on échange les enseignements tirés de la réalisation de chacun des parcours, l'endroit où se régénère les ingrédients de la Fraternité.
Ce serait alors un sacré pied de nez adressé à tous les "grands" architectes de la division maçonnique...
Ce serait la prédiction du Frère Alexandre-Louis Roettiers de Montaleau dont !e Conseil de l'Ordre du GODF, la Chambre d'administration, les dignitaires des 24 Grands Chapitres Généraux et les titulaires du V° Ordre dans le monde, mais aussi les députés au Convent de la Grande Loge de France et certains grades d'autres Rites (Maître Ecossais de Saint-André) portent le bijou en sautoir...
Gérard Contremoulin
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