Marre du déclinisme !
L'antienne du moment est au déclinisme. Comme si nous ne pouvions que proclamer nos états d'âmes... Cela ne donne pas vraiment de quoi pavoiser !
C'est finalement l'acceptation du défaitisme que nous suggère l'ambiance du moment, comme si nous n'avions d'autre objectif que de nous abandonner à la contemplation de nos petits malheurs intimes ! Mais de quelle calamité intellectuelle sommes-nous frappés ?
Nous n'aspirerions pas au repos et néanmoins, notre zone d'influence se résumerait maintenant à notre seul cercle intime ? Nous ne pourrions répandre les vérités acquises que dans la zone protégée de notre intimité ?
Quelle perspective ! Quelle ambition !
Comprendre le précepte de Louis Amiable.
Dans un tel contexte, il est intéressant d'observer que l'un des préceptes qui nous sert à conclure nos travaux : "Répandre à l'extérieur les vérités acquises" est l'héritage de Louis Amiable et de sa réforme du rituel !
Lors de sa révision (au sens propre du terme) du rituel du Rite Français, Louis Amiable fit entamer une rationalisation positiviste intransigeante. Alors que ses innovations visaient à restaurer le rite français dans les frontières de la raison héritée de la philosophie des Lumières, elles s'affranchissaient des "augustes fadaises" dénoncées par D'Holbach, le Vénérable de la loge des "Neuf Soeurs".
Ces curiosités pseudo-symboliques qui n'avaient d'autres buts que de perdre la maçonnerie dans les marais de l'irrationel, ce que certains "manuels" de symbolâtrie, distribués (aujourd'hui encore !) aux apprentis par quelques loges en mal de catéchisme, distillent jusqu'à la nausée... et de l'éloigner de ce que lui prescrira ultérieurement le règlement général, à savoir "l'amélioration matérielle et morale, le perfectionnement intellectuel et social de l'Humanité" !
Néanmoins, ce précepte par lequel nous terminons nos travaux et selon lequel nous nous fixons notre ligne de conduite jusqu'aux prochains, est hérité de cette révision- là ! Il définit l'engagement des francs-maçons libéraux adogmatiques. Il atteste de l'originalité de la démarche de la maçonnerie héritée du siècle des Lumières...
Assumer cet héritage.
C'est là le devoir des francs-maçons, Soeurs et Frères, libéraux. C'est là le rendez-vous de chacune des loges de la franc-maçonnerie libérale. Ce qui sous entend que ces loges assument leur devoir de travailler à cette "amélioration matérielle et sociale". Qu'elles inscrivent dans leurs travaux des réflexions sur les évènements qui percutent les valeurs humanistes, les initiatives qui visent à en modifier les conditions d'exercice. Bref, des loges qui acceptent de se coltiner avec les aléas de la vie sociale...
Voilà qui pourrait nous faire rompre avec la contamination du déclinisme.
Le peut-on tout en respectant la tradition maçonnique ?
C'est l'objection que nous lance les "Réguliers", en opinant de l'incompatibilité. Pour eux, le non respect de l'interdiction d'évoquer les sujets politiques, sociétaux, suffit à faire perdre la qualité de franc-maçon... Pour eux, nous ne serions pas francs-maçons. Et cela dure depuis 1913, date de la création de la Grande Loge Nationale Française... Et pourtant, en 2014, une lueur d'espoir est apparue pour dissiper la brouille qui perdure depuis 103 années !
La tradition et l'histoire.
La GLNF s'est fait récemment construire un siège rue Christine de Pisan. C'est beau et c'est neuf !
Le GODF possède son siège rue Cadet depuis le Prince Murat qui l'en dota en 1853, lors de sa Grande Maîtrise. C'est plus d'un siècle et demi d'histoire avec les traces des grandes évolutions de la franc-maçonnerie française.
Un ami blogueur maçonnique a résumé cette situation en disant que le GODF a l'histoire sans la tradition et la GLNF la Tradition sans l'histoire !
Cela pourrait rendre compte du schisme de 1877, concrétisé en 1913 par la création de la GLNF si le musée de la franc-maçonnerie, rue Cadet, n'attestait au contraire de la conservation de la tradition maçonnique depuis l'arrivée sur le continent de la franc-maçonnerie à partir de 1728...
Il résume surtout le trajet que doivent désormais parcourir les membres de ces deux obédiences depuis que leurs Grands-Maîtres, Daniel Keller et Jean-Pierre Servel, ont décidé de faire oeuvre d'intelligence conjuguée pour inaugurer les indispensables opérations de rapprochement.
Il y a fort à faire. Mais les fondations sont creusées, les perspectives sont tracées. Et cette perspective est bien loin d'être décliniste ! Cela se nomme les Rencontres Maçonniques La Fayette. Les premières se sont tenues le 29 mai 2015 rue Cadet, au Grand Orient. Les prochaines se tiendront en 2016 rue Christine de Pisan, à la GLNF.
Se connaître pour se respecter.
Au moins ces opérations de rapprochement ne disent pas plus que ce qu'elles sont. Il s'agit de relier les fils distendus par l'histoire et de se rapprocher, rien d'autre. Chaque obédience exprime clairement son identité et l'originalité de sa démarche initiatique, sans envisager d'autres choses... Après 103 ans d'une brouille sur l'essentiel de l'identité, ce rapprochement est une feuille de route, un viatique.
Ne pas aller plus vite que la musique !
Pour avoir une chance d'arriver à bon port, mieux vaudrait ne pas aller plus vite que la musique... Sans préjuger de la suite, qui peut ne pas être "un long fleuve tranquille", force est de constater qu'aujourd'hui l'interdit originel existe : les visites restent interdites et on ne peut encore moins être membre des deux obédiences.
A bon entendeur...
Gérard Contremoulin
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