A quoi sert, aujourd'hui, la franc-maçonnerie libérale ?
Libérale, comme liberté de conscience, quel est aujourd'hui l'espace d'une franc-maçonnerie qui prétend "améliorer à la fois l'Homme et la Société" ? Et surtout, quels sont ses obligations ?
En se revendiquant d'être l'héritière de la franc-maçonnerie du siècle des Lumières, la franc-maçonnerie libérale, et particulièrement ses membres, ont-ils conscience de l'engagement qu'ils contractent ?
Il ne serait évidemment pas "maçonniquement corret" de le mettre en doute ! Et pourtant, les auteurs maçonniques se surpassent depuis quelques temps pour "retrouver" et "mettre en valeur" les origines religieuses, sprirituelles voire "bibliques" du Rite Français, principal vecteur (mais non le seul) de la franc-maçonnerie libérale. Devrions-nous leur ériger une montagne de protestations ? Que nenni ! Tant la liberté de conscience est absolue, et nous y sommes tant attachés, qu'il serait alors là, pour le coup, tout à fait maçonniquement incorrect d'y procéder.
Mais, dans le même temps, qu'il nous soit permis de faire remarquer que ces origines ne sauraient en aucun cas, passer par pertes et profits 1877 et la grande, l'incomparable décision, souveraine, du convent du GODF qui met un terme à l'obligation de croire en dieu et en l'immortalité de l'âme !
De quoi s'agit-il ?
De même qu'en son temps, Molière écrivait des pièces d'avant-garde (et non des "classiques"), savons-nous, décryptons-nous correctement ce à quoi nous engage le fait de se revendiquer, aujourd'hui, héritiers des Lumières ? Savons-nous actualiser, transcrire convenablement cet esprit conquérant de libertés ?
En commentaire à un dernier article, "Duplay" pose LA question, essentielle aujourd'hui :
Duplay • 13-01-2016 16:36 • Marre du déclinisme !
La franc-maçonnerie du GODF telle qu'elle a été pratiquée à la fin du 19° siècle a-t-elle un avenir ? C'est à mon sens la question qu'il convient de se poser plutôt que celle d'une improbable réunification d'une famille que rien ne rassemble. Les rencontres Lafayette ne déboucheront sur rien. Leur seul intérêt est de montrer que la bienséance et la courtoisie doivent être la règle entre cousins éloignés et que le temps des anathèmes est dépassé. Encore ne s'agit-il que d'une pétition de principes entre les deux grands-maîtres qui ont l'intelligence de ne pas ressusciter des querelles sans intérêt.
Pour le reste, la différence de fond et de comportement ne permet aucun rapprochement véritable. La maçonnerie pratiquée par la GLUA, les Loges américaines, ultra-majoritaires en nombre d'affiliés dans le monde est totalement et radicalement différente de celle, ultra-minoritaire dite libérale. La première exige la croyance en un dieu révélé, la deuxième pose la liberté absolue de conscience comme la condition essentielle de son existence.
Le problème qui est posé aujourd'hui au GODF est de savoir quel rôle il entend jouer dans la société dont il prétend, dans ses rituels et ses statuts vouloir l'amélioration. Or, ce n'est pas une véritable découverte de constater que dans sa pratique et son recrutement, beaucoup des ses membres s'orientent de plus en plus vers la recherche d'une crypto religion qui leur donnera les clefs d'une spiritualité laïque comme ils disent.
Le Grand Orient de France est dans une curieuse schizophrénie politique vantant d'un côté les mérites de ses grands-ancêtres artisans de la séparation des églises et de de l'Etat, de l'instauration de l'instruction publique et de la République et continue à développer par ailleurs une pratique rituelle dont on peut sans risque d'être contredit, penser qu'elle n'est pas fondée sur un rationalisme trop exigeant. C'est comme le fait remarquer Gérard, le courant qu'a initié la loge des Neuf soeurs, contre la majorité de l'obédience puis qu'ont reprise dans les années 1860 des frères tels Frédéric Desmons, Louis Amiable et d'autres pour aboutir aux résultats que l'on connait lors des convents de 1877 et 1886 qui marque la véritable rupture.
Or si aujourd'hui l'histoire de la maçonnerie a fait d'énormes progrès, elle laisse de côté tout ce pan en ne le traitant pas ou en le traitant par le mépris. Les Ferry, Combes, Gambetta et autres Sembat ont mené un combat politique dans la société et au sein d'un Grand Orient qui abandonnait les "augustes fadaises" et les rituels jugés déjà d'un autre temps, en tout cas peu adaptés à une obédience qui voulait s'ouvrir vers la société. Lors de "l'initiation" de Littré et de Ferry qui a lieu le même jour rue Cade, c'est devant une assemble de 400 personnes que Gambetta prononce le discours de bienvenue dans une réception dont le rituel aurait fait frémi, telles les chaisières sulpiciennes, beaucoup de dignitaires du GO d'aujourd'hui. La lecture des carnets de Marcel Sembat donnent également une idée de ce qu'était la maçonnerie pratiquée alors par ceux qui ont agi sur la société.
Or cette histoire est occultée, le retour en arrière opérée par Arthur Groussier, pourtant issu du même tronc, est considéré comme un retour louable à la tradition sans autre forme de procès. Le fait que les historiens les plus sérieux d'aujourd'hui appartiennent à une courant traditionaliste, pratiquent ou aspirent à pratiquer une maçonnerie de musée, conservant les rites anciens, n'est certes pas étranger à cet état de fait.
Mais il faudrait, peut-être, s'interroger sur la nécessité d'éclairer à nouveau ce passé pour trouver les voies d'un avenir pour le GODF ou tout autre obédience qui voudrait inscrit son action dans le futur en accord avec son époque.
"Maçonnerie de musée" ou maçonnerie qui s'inscrit dans le temps présent ?