R comme Respect
Respect : selon le Larousse, (édition électronique)
- Sentiment de considération envers quelqu'un, et qui porte à le traiter avec des égards particuliers ; manifestations de ces égards : Manquer de respect à quelqu'un.
- Sentiment de vénération envers ce qui est considéré comme sacré : Le respect des morts.
- Considération que l'on a pour certaines choses : Le respect de la parole donnée.
selon le Petit Robert :
« Sentiment qui porte à accorder à quelqu’un de la considération en raison de la valeur qu’on lui reconnaît, et à se conduire envers lui avec réserve et retenue. »
Le Respect est le premier devoir que les francs-maçons se doivent mutuellement.
Dans la pratique, c'est accepter que l'autre, mon frère ou ma soeur, non seulement pense différemment de moi mais encore que du dépassement de cette différence, voire de cette divergence, naisse l'intérêt du "commerce des hommes", cher à Michel-Eyquem de Montaigne (Les Essais).
Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen.
Dans la revue "Le Portique", Robert Theis, vice président de la société d'études kantiennes de langue française, indique (note 41) :
Kant note :
« Le premier [des devoirs envers les autres] est le respect (Hochachtung) du droit des autres hommes » ; et de continuer : « C’est un devoir pour nous que de respecter le droit des autres et de le considérer comme sacré. En fait, il n’y a rien de plus sacré en ce monde que le droit des autres hommes » (331).
La rencontre avec l’autre, sa présence, nous fait entrer dans la sphère du droit. Parlant des devoirs envers les autres hommes, Kant distingue entre les devoirs de bienveillance ou de bonté et les devoirs constituant un dû (Pflichten der Schuldigkeit). Les premiers reposent sur l’inclination et ont de ce fait leur origine en moi ; les seconds en revanche ont leur source dans le droit de l’autre. Il y a donc, pour reprendre une parole de Levinas, une « hauteur » de l’autre qui fait qu’il m’interpelle de droit. Il faut bien comprendre ceci : de ce droit ne découle pas un catalogue de droits positifs ; le droit est celui d’être reconnu comme personne.
Kant va même jusqu’à dire dans ce cours qu’il y a obligation à aimer l’humanité dans l’autre. Ce propos est illustré par l’exemple suivant : « […] les juges, lorsqu’ils infligent des peines aux criminels, ne doivent pas déshonorer l’humanité ; certes ils doivent punir le malfaiteur, mais ne doivent pas violer son humanité par de bas châtiments » (335).
Il y a préalablement à tout acte à l’égard de l’autre une exigence qui émane de sa personne en tant que telle.
En connaissance de cause...
Après son apprentissage de la méthode de travail maçonnique et ses années de cheminement initiatique, c'est en toute connaissance de cause que le franc-maçon s'engage dans le "commerce des hommes". Et s'il accepte la controverse, la contradiction , c'est parce qu'il reconnaît son colocuteur, éventuellement son contradicteur pour un autre lui-même ; comme lui, un membre de la communauté humaine. C'est en ce sens que l'un et l'autre dans le cadre d'un mutuel respect peuvent échanger.
Cette profonde ressemblance, autre manière de parler de l'Egalité, qui place cette "hauteur de l'homme" dont parle Lévinas, amène à comprendre l'exigence de ce respect comme un des éléments constitutifs de sa propre dignité.
Avec quelles conséquences peut-on s'affranchir de ce respect ?
Quelle que soit la vigueur d'une controverse, chacun des opinants sait qu'elle restera normalement dans les limites de ce respect. Mais il se peut que, par ressentiment ou par volonté de disqualifier, on s'aventure au delà. Ce n'est pas sans risque...
Par exemple, décréter l'indignité d'autrui peut procurer une certaine satisfaction, voire le sentiment d'avoir vaincu. Certainement mais assez momentanément car cela revient en fait à oter à son contradicteur le droit au respect et à la considération. En le privant de cet élément constitutif, c'est admettre que l'on ne reconnait pas autrui comme un autre soi-même.
N'est-ce pas, alors, nier le propre respect de soi ?
Gérard Contremoulin
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