L comme Laïcard ou Laïque ?
La bataille laïque est plus que jamais d'actualité. Particulièrment dans cette période d'activisme djihadisme où les laïcs tentent de soumettre les laïques à la "nécessité" d'une référence divine, sauf à rester "laïcard"...
Laïque est tour à tour substantif ou qualificatif mais avec deux significations distinctes, voire contradictoires. Cette polysémie apparaît avec l'utilisation du mot au genre féminin. Une bataille laïque peut être menée autant par des laïcs que par des laïques alors qu'un combat laïque ne peut l'être que par des laïques.
Pourquoi ?
Vous trouverez ici une explication assez complète et qui s'appuie sur plusieurs sources, le Littré, le dictionnaire de l'Académie française ou celui de Ferdinand Buisson...
Laïcard est lui aussi substantif ou qualificatif mais est employé péjorativement dans le but de disqualifier un propos, une attitude ou un individu.
Symbolique de la laïcité à la française, la devise de la République française sur le tympan de l'église d'Aups, Var.
Une différence linguistique et/ou idéologique ?
Il n'y aurait de bons laïques (c'est-à-dire ceux qui échapperaient au tendre sobriquet de "laïcards") que ceux qui accepteraient de se soumettre aux exigences d'une hiérarchie éclésiastique en prenant soin de respecter 2.000 ans d'une histoire de France qu'ils nous présentent comme univoquement catholique...
Car les utilisateurs de cette tendresse à l'égard des laïques sont pour la plupart ou catholiques ou "compagnons de route". Mais ils peuvent être aussi francs-maçons, ceux pour qui la croyance en Dieu est une obligation incontournable et qui place dans la Transcendance l’horizon indépassable de leur quête personnelle. S'ils sont majoritaires dans le monde (quoiqu'en forte diminution), ce n'est pas le cas sur le territoire de la République française.
Tout se passe comme si, dans la situation actuelle où sont perpétrés les atrocités djihadistes, l'athéisme n'avait pas lieu d'être et que pointer les "détails de l'histoire" du catholicisme équivaudrait à apporter son soutien de fait aux islamistes ! Cela est ridicule !
Ce raisonnement binaire ne conduit qu'à une impasse, celle où le fait de ne pas croire serait une quasi infirmité intellectuelle ! Il s'agit surtout de ne pas s'y laisser entraîner. La ficelle est une corde à puits.
Le combat laïque n'est pas un combat "contre"...
Ce n'est pas une guerre, c'est un combat "pour" la mise en place, le fonctionnement et le développement d'institutions établissant les règles du respect mutuel entre les citoyens, indépendamment de leurs opinions, de leurs origines, de leurs orientations philosophiques et de leurs croyances !
Accepter de privilégier un culte, confondre les autres avec leurs fondamentalistes en prenant la précaution de minimiser les siens relève du tour de passe-passe, de la méthode de l’amalgame. N’est-ce pas ce à quoi on assiste lorsque que l’on confond l'Islam avec les djihadistes ?
Ce serait la même méthode que celle qui consisterait à confondre Civitas ou les commandos anti IVG du professeur Lejeune avec le catholicisme. En effet, là aucune injonction pour exécuter leurs actions n'émane de Rome. En revanche, il n'en était pas de même de l'Inquisition ou de la St Barthélémy. Il existait bel et bien, alors, une police des mœurs (les procès en sorcellerie, quoiqu'en pense Marion Sigaut !) et de la pensée que Giordano Bruno ou Galiléo Galiléi durent subir.
Et il n'est pas inutile d'observer que le site d’extrême droite « Egalité et Réconciliation » d’Alain Soral, parle à propos du procès de Galilée de « mystification anticléricale » toujours sous la plume de Marion Sigaut… pour qui :
« Dans son mode de fonctionnement, l’Inquisition instruisait à charge et à décharge dans le but d’un apaisement »
Apaisement ! Fichtre... On pense à la "Question" ordinaire et extraordinaire !
Toute le débat aujourd'hui tient dans le fait que l'Islam n'est pas une religion centralisée comme le catholicisme peut l'être avec Rome... De sorte que, en l'absence d'un juge de paix, toutes les interprétations sur la nature de cette religion (violente par essence ou seulement à partir des exégèses de ses fondamentalistes) sont possibles. L'amalgame est un danger car il ne permet pas d'analyser convenablement la situation, de la comprendre et de pouvoir s'orienter vers la méthode ad equat pour tenter d'en venir à bout..
Religion et civilisation.
Un autre argument biaisé mais très adroit est celui qui consiste à séparer la religion de la "civilisation" qu'elle aurait générée pour conclure à l’universalité des valeurs chrétiennes et surtout à l’incompatibilité avec celles de l’Islam…
Il est particulièrement bien exprimé dans un commentaire apporté à mon article sur « Œcuménisme et/ou République » mis en ligne sur la page d'un groupe dont je ne citerai ni le nom ni celui de l'auteur pour respecter le statut choisi par son administrateur (ce groupe est "fermé") :
"ne pas confondre religion catholique et civilisation chrétienne, le RER (Régime Ecossais Rectifié, ndlr) est un rituel chrétien , mais n'est pas catholique. La civilisation chrétienne est celles des valeurs que porte les liens qui "relient " tous ceux : chrétiens ou athées qui partagent les valeurs annoncées par les évangiles. La pratique ou même les croyances religieuses relève d' une autre couche de la grille de lecture. Jésus peut être le fils de Dieu le père ou tout simplement le défenseur mythique de valeurs universelles de générosités, solidarité, amour du prochain, égalité entre tous, non violence etc...etc... totalement compatibles avec une pensée athée. Mais pas du tout avec une autre " religion-régime politique " du nom d'islam qui n'est pas sur les même fondamentaux. Pas d' égalité, pas de liberté de légiférer (la charia remplace le code civil, pénal, de la famille, du code de procédure etc...) statut différent pour les hommes et les femmes, pour les croyants et non croyants, châtiments corporels, lapidation etc... Pas de problème avec le bouddhisme, le tao, qui sont sur les mêmes fondamentaux que les chrétiens ( démonstration ainsi faite que ce le "christianisme " est universel. jamais eu le moindre problème en Europe avec les bouddhistes, ou les chinois, les Africains animistes ou chrétiens ."
On voit bien, par la conclusion, comment fonctionne cet argument.
D'abord disjonction puis mise sur le même plan valeurs des chrétiennes et des valeurs humanistes (tiens, c'était la même figure de style lors du TCE...) et conclusion selon laquelle les athées pourraient s'y retrouver alors qu’ils ne le pourraient pas avec celles de l’Islam. Et le tour est joué ! Cela tient du syllogisme.
Parfois cela marche :
Tous les hommes sont mortels. Or Socrate est un Homme, donc Socrate est mortel.
Parfois cela ne marche pas, surtout lorsqu'il est capillotracté :
Tous les jeunes hommes sont beaux. Or ce vieil homme est beau donc ce vieil homme est un jeune homme !
La différence - et sa pertinence - tient dans le principe posé dans la prémisse majeure : "tous les ..." et sa relation avec la premisse mineure "Or..." et enfin sa conclusion "donc..." qui valide le raisonnement syllogistique.
Dans une question complexe, où se mêlent une multitude de facteurs, il ne semble ni possible ni sain de l'utiliser...
"Affrontement" idéologique ou "controverse".
Alors il faut tirer les conséquences de ce débat. Ce qui suppose de déterminer sa nature. S'agit-il d'une simple controverse intellectuelle ou bien d'un affrontement idéologique ?
Si l'on retient le seul aspect descriptif, on est sensible à ses orientations philosophiques où à partir d'une même origine, l'affirmation de l'existence d'un dieu dont le fils est visible, deux conceptions se développent : Jésus fils de dieu, instituteur d'une religion ou Jésus, défenseur de valeurs universelles acceptables par tous, dès lors bien sûr qu'on n'est pas musulman ! Michelet s'était déjà livré à cet exercice...
Si l'on retient en revanche la violence que cette exception quasi sectaire représente ou celle qui peut suinter actuellement des échanges sur les réseaux sociaux, on peut alors parler d'affrontement idéologique. Un affrontement auquel nous conduisent, une fois de plus, les tenants du fait religieux, quels que soient leurs cultes !
Et cette manière de voir les choses leur occulte même la possibilité de ne pas croire. Les athées et les libres penseurs ne sont pas dans leur champ de vision. Pour eux, ils n'ont aucune existence réelle en tant que tels ! Pour eux, il faut, nécessairement, s’en remettre "aux valeurs annoncées par les évangiles". Peut-être les agnostiques trouvent-ils grâce à leurs yeux et certainement prient-ils pour eux avec compassion afin qu’ils trouvent une issue à leur doute…
Reste toujours et encore la Laïcité !
On est loin des conditions du vivre ensemble de la Laïcité telle qu'elle apparaît dans la loi de 1905 qui ne mentionne pourtant jamais son nom. Car la Laïcité n'est pas une valeur, c'est un concept politique, institutionnel, un principe sur lequel les hommes, raisonnables, peuvent ériger une société de respect mutuel, que l'on croit ou que l'on ne croit pas. La Laïcité ne connaît ni apostat ni bannissement, tout au plus déplore-t-elle ses renégats !
En revanche, toute religion compte dans ses rangs son lot de fondamentalistes dont certains sont en voie de radicalisation qui commettent ou font commettre à des paumés au service d'une cause qu'ils ne connaissent souvent même pas... les crimes et les atrocités que l'on déplorent actuellement.
Or, la République française est un Etat de droit. Il garantit, notamment, la liberté de penser. Il ne s'intéresse pas au contenus des différentes pensées mais aux actes commis (soit en leurs noms soit par des militant se revendiquant de l'une d'elles) et les sanctionne dès lors qu'ils contreviennent à la loi républicaine.
Dans ce contexte, ce n'est pas moins mais davantage de Laïcité qu'il faut à notre société pour triompher de la barbarie de Daesh. Et c'est aussi comprendre qu'il ne sert à rien d'incriminer l'Islam en général, c'est-à-dire l'ensemble des musulmans dans l'origine de cette vague d'attentats mais de poursuivre et mettre hors d'état de nuire des délinquants ! C' est d'une autre nature que de "faire la guerre".
Comprendre le "cancer généralisé de l'Islam".
Abdennour Bidar peut nous aider à comprendre cet Islam qui suscite peur et violence au coeur de notre République.
Dans "Trois choses à faire face au terrorisme" (et quoique je récuse ici l'emploi de ce dernier terme), il s'emploie à décrire comment le wahabbisme de l'Arabie saoudite ("épicentre du cancer") a contaminé l'ensemble du monde arabo-musulman. Ce qu'il y dit, et que confirment les différentes enquêtes judiciaires, c'est que ces actes sont commis par ...
"...ses éléments les plus pathogènes. Chez les plus fragiles psychologiquement, comme du coté des régions du monde musulman les plus déstabilisées par les affrontements entre volonté de puissance locales et occidentales, le cancer de l'Islam trouve le terrain le plus favorable pour déchaîner son appétit de destruction."
Il évoque des pistes à travailler tant en tant que musulman qu'en tant que français.
- réinventer de fond en comble une authentique culture spirituelle - de paix, de non violence, de fraternité universelle, de liberté de chaque conscience face aux dogmes, aux normes et aux mœurs de la tradition, et enfin d'égalité entre les femmes et les hommes.
- Déclarer la fraternité au lieu de déclarer la guerre, c'est-à-dire refuser le piège de la haine entre les identités et se solidariser dans l'affirmation de nos valeurs sans se laisser désunir par rien de ce qui nous agresse. Avoir le courage et la force de lutter non seulement contre la radicalisation des candidats au terrorisme mais interdire et punir sur notre territoire toute manifestation publique d'un islam intégriste, dont le critère simple est la contradiction avec notre culture - valeurs, lois, art de vivre.
Resterons-nous sourds à cet appel au courage ?
Gérard Contremoulin
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