Un blues à consommer... Jacques Servia
Un blues à consommer
sans modération
sans distraction
un blues qui entre sans frapper
cortex décortiqué désaccordé
par un blues "incantatoire "
un blues qui prend aux tripes
de chants en champs de coton
de champs en chain song
de pénitenciers en work song
d'arhoolie en arhoolie...
un blues d'enfer qui expire
par tous les pores le SUD
le Black code et son train
d'humiliation et de boulets
un blues qui inspire enfin
la psalmodie de l'utopie
un blues du lendemain remboursé
par des torrents de larmes
les dents serrées la tête haute
un blues où le pied bat la mesure
sur un tapis troué mité
dans cette chambre d'hôtel borgne
sommier en fer , enfer
où je t'ai aimée puits de jour
lumière diaphane
corps de déesse
dans cette mélopée nocturne
dans ce lynchage de l'humain
un blues mégottant
avec herbe sur cour
pique nique au bourbon
un bottleneck ramassé
dans ce monceau de tessons
un bottlenek qui balaie
comme un fétu de misère
ces sirènes de cops
ces cordes qui pendent
à ces branches qui sacrifient
qui supplicient
ceux qui sont différents...
pigment piment d'ailleurs
un blues d'immigrants migrants
tassés dans des cales
que même les rats fuient
encore et toujours
Gorée est toujours là
fer rouge à l'épaule
fers aux pieds
commerce équilatéral isocèle
mais commerce triangulaire...
un blues qui rappe
un blues qui râpe
en douze mesures
sans apprêts sans artifice...
un blues du Delta
Arhoolie qui roule
boule qui roule
n'amasse pas le bonheur
Blues qui déroule la misère
sur des quais
sur des marchés aux esclaves
sur des marchés en enclave....
du blues pour toujours ....
Jacques Servia