S comme Souveraine
Le Grand Orient de France est composée de loges souveraines. C'est probablement le mot le plus utilisé, il traduit une spécificité de fonctionnement qui mérite quelques développements...
Souverain, indépendant, autonome. Trois qualificatifs qui répondent en écho à un autre précepte tout autant utilisé : "un maçon, libre dans une loge libre". De quoi s'agit-il ?
Une littérature abondante sur ce thème.
Une responsabilité à assumer pleinement aujourd'hui.
C'est surtout cela qui est en cause dans cette formule. La franc-maçonnerie libérale adogmatique se revendique comme une maçonnerie tournée vers la société. Son état aujourd'hui ne nous impose-t-il pas de mobiliser nos forces de réflexion et de proposition et de les tourner vers l'action ?
La situation syrienne, après les situations tunisienne, lybienne, irakienne, ukrainienne, ... -et la liste est longue- devrait nous conduire à sortir de nos loges pour apporter notre soutien autrement qu'en paroles, autrement qu'en déclarations habituelles et compassées, autrement qu'en protestations solennelles...
Etre souverain serait aussi de ne plus attendre de l'obédience qu'elle fasse à la place des loges. On lui reproche assez de le faire en matière de communication qu'il serait spécieux d'attendre qu'elle le fasse dans ce cas. Elle doit faire sa part bien sûr mais pas par substitution des loges !
Spectateurs-voyeurs.
Les médias et particulièrement les réseaux sociaux nous rendent spectateurs-voyeurs de scènes de guerre atroces. Depuis le petit Aylan Kurdi et les manipulations auxquelles sa mort a donné lieu, jusqu'à l'évacuation d'Alep, nous avons sous les yeux le spectacle de l'horreur. Et dans le même temps, nous sommes soumis aux "explications" géostratégiques mêlant au cynisme de la réalpolitik les bégaiements confus des responsables politiques. Comme si ce discours sur les faits n'avait d'autre but que de nous entretenir dans l'impossibilité de toute réaction, nous confortant ainsi dans l'inaction.
Et pourtant, en d'autres temps, nous avons su nous mobiliser. Nous avons su prendre notre place dans les mobilisations contre les inhumanités commises, qu'elles viennent des USA ou de l'URSS, qu'elles se déroulent à l'autre bout du monde (Afrique du Sud avec Nelson Mandéla durant ses 27 ans d'emprisonnement ou au Cambodge des Khmers rouges de Polpot ou encore au Chili du général Pinochet) ou qu'elles soient à nos portes (la Grèce des Colonels ou la Pologne de général Jaruzelski).
Assumer sa souveraineté devra correspondre maintenant à décider d'agir. C'est ce que les loges souveraines devraient inscrire à leurs ordres du jour. Prolonger leurs "5 minutes d'actualités" par une réflexion sur l'implication collective de leurs membres ; ne plus faire de planches sans en évoquer les prolongements concrets.
Bien sûr, il s'agirait là d'une maçonnerie habitée par un humanisme militant, par cette "laïcité de combat" qu'évoquait l'ancien Grand-Maître Daniel Keller.
Etre souverain, c'est accepter d'être pleinement responsable de ses choix...
Gérard Contremoulin
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