TES. La vieille lune du fichier unique...
A la Toussaint, tout n'est pas sain !
C'est la date choisie (30 octobre) par le gouvernement pour publier au journal officiel la création d'un méga fichier, le fichier "TES" pour : Titres Electroniques Sécurisés. Pareil choix de date pour pareille décision est dans la plus pure tradition des pratiques les plus détestables des exécutifs lorsqu'ils ne bénéficient plus d'une assise suffisante de légitimité.
Le fichier centralisé.
De tous temps, la centralisation des différents fichiers existants, gérés d'une manière unique, est le rêve cajolé par tous les leaders "sécuritaires". C'est-à-dire ceux qui font passer sécurité avant liberté, qui ne comprennent ou n'acceptent plus, voire rejettent la notion de Sureté. La Sureté correspond pourtant à l'un des fondements de la Révolution française dont les acteurs souhaitaient un espace où l'on se sente protégé contre l'arbitraire par un Etat au service de l'Intérêt Général.
C'est une vieille lune dont chaque moment de forte tension terroriste fait avancer la réalisation... Ce que les militants des Droits de l'Homme ont toujours refusé, ce que la CNIL elle-même voulait soumettre préalablement à un débat parlementaire, et bien ce gouvernement l'a fait, contre toutes attentes ! C'est une décision dont il faut mesurer toute la portée compte tenu, aujourd'hui, des formidables progrès technologiques accomplis.
Pouvoir disposer, en quelques clics, des éléments les plus personnels, voire intimes de tout individu (60 millions de français) est une menace tout à fait réelle portée aux libertés individuelles.
Déjà, en 1949 avec son roman 1984, George Orwell parle de "Big Brother". Depuis, cette expression qualifie toutes les institutions qui mettent en jeu les libertés fondamentales.
Ne soyons ni dupes ni inconscients.
Le niveau de menaces terroristes et le vocable "d'état de guerre".
Depuis l'attentat terroriste d'Al Qaïda contre les Twins Towers, le 22 septembre 2011, un état d'esprit de type sécuritaire s'est emparé des gouvernements et a généré des politiques publiques tendant à réduire les libertés individuelles pour mieux, disent-ils, assurer la sécurité des citoyens.
Ces politiques publiques et les attentats terroristes d'Al Qaïda puis de Daesh se sont en quelques sortes dialectiquement nourris, les actes de l'un servant de base à la montée d'un cran de l'autre et ainsi de suite dans une escalade dont nous avons pu mesurer les conséquences lors du Bataclan. Et rien ne peut assurer qu'elle est enrayée...
L'emploi du vocable d'état de guerre, j'ai eu l'occasion de m'expliquer préalablement sur cet usage, qui me semble inexact. En effet, une guerre, en démocratie, se déclare entre deux états au moins, fait l'objet d'une revendication dont l'un des protagonistes considère qu'elle ne peut se résoudre que par cette "force d'Etat", engage les forces régulières de ces états.
L'utilisation de ce vocable, si on peut le comprendre d'un point de vue psychologique, notamment par rapport aux atrocités commises, aux victimes et à leurs familles, on ne peut observer dans le même temps l'expression d'une revendication, notamment de territoire.
Le développement des technologies de l'information.
le formidable bond technologique de la dernière décennie a à la fois fait progresser les capacités de l'Homme à gérer son environnement et son bien-être. Par exemple, les opérations chirurgicales à distance, la domotique ou la réalisation de prothèses par les imprimantes 3D. Et dans le même temps, ce formidable bond a banalisé les dangers inhérents à tout système centralisé de gestion de données. D'autant qu'il s'agit ici de données à caractère personnel concernant chacun d'entre nous.
Or, sauf à penser (avec beaucoup de naïveté) que ce soit impossible, tout système informatique, quel qu'il soit et quelle que soit sa protection, est susceptible d'être hacké, piraté. Il faut demander aux dizaines de milliers de policiers dont les données personnelles ont "fuité" sur le net ce qu'ils en pensent...
Toujours choisir de protéger les Droits de l'Homme.
Alors, il faut certes prendre les moyens qui conviennent à la situation à laquelle notre pays et d'autres en Europe mais il est non moins important de veiller, en choisissant ces moyens, à ce qu'ils ne menacent pas l'exercice des libertés fondamentales. Le débat entre sécurité et liberté est habituel lorsque la fébrilité sécuritaire atteint les responsables politiques. Il faut avoir la volonté et souvent le courage de refuser toute dynamique sécuritaire. En revanche, la garantie de Sureté est le devoir de tout Etat régalien. La France, pays des Droits de l'Homme ne peut s'exonérer de cette ardente obligation.
Les francs-maçons ne pourront pas non plus s'exonérer de revendiquer haut et fort cette obligation. Attendons les réactions des obédiences ; les loges, elles, peuvent agir...
Gérard Contremoulin
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