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Le Blog pour Tous d'un franc-maçon. "La loi morale au fond de notre coeur et la voute étoilée au dessus de notre tête". Emmanuel Kant Les pseudonymes ne sont plus acceptés pour les commentaires. (4.11.2018)

09 Jan

C comme Citoyen

Publié par Sous la Voûte étoilée  - Catégories :  #Dico

C comme Citoyen

Ce pourrait être aussi "C" comme cheminements initiatiques, si l'on essayait de les résumer en quelques mots.

 

Le franc-maçon se voit offrir une grande variété de voies pour réaliser son parcours maçonnique par les rites et leurs pratiques et ne sont pas identiques d'une obédience à l'autre.

 

Le parcours maçonnique comprend deux grandes séquences. La première, point de passage obligé : les grades "bleus" (Apprenti, Compagnon, Maitre), du nom de la couleur dominante des décors de ce dernier. Et une deuxième, optionnelle, les grades au delà de la maîtrise, encore nommés Hauts Grades, Grades de perfectionnement, Ordres de Sagesse ou "side degrees" chez nos amis anglais...

 

Les grades bleus ont vocation à former des Maîtres maçons et les grades au delà de la maîtrise, du moins au Rite Français, à former des citoyens.

 

C'est de cet aspect que je souhaite traiter ici.

 

Former des citoyens... Le mot peut faire ciller. S'agit-il de faire de la politique ? Non. Il ne s'agit pas de descendre dans l'arène politicienne, toute respectable qu'elle puisse être (parfois...), mais de se situer en amont. En fait de traiter du politique. 

 

L'histoire de la franc-maçonnerie, notamment pendant les 70 années de la 3° République, nous livre l'exemple de quelques praticiens de cet exercice spécifique de la franc-maçonnerie libérale avec les parlementaires du PRRRS (parti républicain, radical et radical socialiste) Léon Bourgeois, Emile Combes et Frédéric Desmons (GODF) sans oublier Gustave Mesureur (GLSE puis GLDF).

 

Rappelons que ce parti fut créé le 21 juin 1901 par 130 loges du GODF associés au Syndicat National des Instituteurs, la Ligue de l'Enseignement et la Ligue des Droits de l'Homme. Ce parti avait une devise en 5 axes : "Laïcité, Solidarité, Humanisme, Tolérance, Universalisme".


 

Frédéric Desmons, dans son intervention au convent de 1877 pour soutenir la suppression de "l'obligation de croire en Dieu et en l'immortalité de l'âme" des textes du GODF, décrit assez magistralement cet aspect :

C comme Citoyen

 

 

 

"  (...)  Nous demandons la suppression de cette formule parce que, embarrassante pour les vénérables et les loges, elle ne l'est pas moins pour bien des profanes qui, animés du sincère désir de faire partie de notre grande et belle Institution qu'on leur a dépeinte, à bon droit, comme une Institution large et progressive, se voient tout à coup arrêtés par cette barrière dogmatique que leur conscience ne leur permet pas de franchir.

 

Nous demandons la suppression de cette formule parce qu'elle nous paraît tout à fait inutile et étrangère au but de la Maçonnerie. - Quand une société de savants se réunit pour étudier une question scientifique, se sent-elle obligée de mettre à la base de ses statuts une formule théologique quelconque ? - Non n'est-ce pas ? - Ils étudient la science indépendamment de toute idée dogmatique ou religieuse. - Ne doit-il pas en être de même de la Maçonnerie ? Son champ n'est-il pas assez vaste, son domaine assez étendu, pour qu'il ne lui soit point nécessaire de mettre me pied sur le terrain qui n'est pas le sien.

 

Non. Laissons aux théologiens le soin de discuter des dogmes. Laissons aux églises autoritaires le soin de formuler leur syllabus. - Mais que la Maçonnerie reste ce qu'elle doit être, c'est-à-dire une institution ouverte à tous les progrès, à toutes les idées morales et élevées, à toutes les aspirations larges et libérales. Qu'elle ne descende jamais dans l'arène brulante des discussions théologiques qui n'ont jamais amené - croyez en celui qui vous parle - que des troubles ou des persécutions. (...)

 

Que la Maçonnerie plane donc majestueusement au-dessus de toutes ces questions d'Eglises ou de sectes, qu'elle domine de toute sa hauteur leurs discussions, qu'elle reste le vaste abri toujours ouvert à tous les esprits généreux et vaillants, à tous les chercheurs consciencieux et désintéressés de la vérité, à toutes les victimes enfin du despotisme et de l'intolérance."

 

C comme Citoyen

 

La Liberté absolue de conscience.

 

A partir de cette décision, le Grand Orient de France va construire une exigence nouvelle dans le monde maçonnique de la fin du XIX° siècle, la Liberté Absolue de Conscience, où l'on peut croire, changer de croyance ou ne pas croire, la décision n'appartenant qu'à la conscience de chaque individu...

 

Et lorsque Frédéric Desmons sera candidat à la députation, en 1881, il anticipera le principe majeur de la loi du 9 décembre 1905 et prendra la décision d'abandonner sa charge de pasteur. Il s'en expliquera ainsi dans sa profession de foi :

 

"Bien que je sois convaincu que cette question de robe qu'on a si souvent agitée n'est pour beaucoup qu'un vain et futile prétexte, périodiquement agité par des habiles.

 

Bien que je prévoie que bon nombre de ceux qui hier attaquaient ma candidature à cause de mes fonctions l'attaqueront demain peut-être parce que j'aurai cesse de les exercer.

 

(...) Du moment que par un scrupule de conscience que je respecte entièrement sans le partager toutefois, certains électeurs sincères et convaincus croiraient transgresser les principes républicains en donnant leur voix au ministre d'un culte.

 

... à partir de ce jour, je cesse d'être pasteur..."

 

C'est libre de toute attache confessionnelle publique qu'il exercera ses mandats parlementaires successifs.

C comme Citoyen

 

Dans cette acception, le citoyen est d'abord la femme ou l'homme qui s'auto détermine et qui bénéficie à ce titre de la protection que lui garantit la loi fondamentale de la République.

 


« Médite dans le Temple, agit sur le Forum, mais ne prend pas le Temple pour le Forum ».

 

Cet aphorisme de Joannis Corneloup résume le champ d'action du franc-maçon. Chaque maçonne, chaque maçon peut s'engager (voire devrait, mais chacun(e) est libre de le faire ou non). Si c'est le cas, alors il le fait en tant que citoyen(ne).

 

Responsable de ses engagements, il décide en conscience de ce qu'il peut ou veut être "sur le forum". En revanche, en Loge, seul doivent compter ses convictions humanistes et sa capacité à contribuer à élaborer des axes susceptibles "d'améliorer l'Homme et la Société" comme nous le prescrit l'article 1° de la Constitution du GODF.


Une obédience maçonnique, quelle qu'elle soit, n’a pas à s’engager dans l’arène politique, dans ce qui n'est plus, aujourd'hui, que d'un niveau polémique tellement dénaturé qu'il se révèle sans aucun intérêt. En revanche, en interne le travail qu'elle permet, la méthode qu'elle enseigne, conduisent avant tout à la réflexion, permettant ainsi la formation de l’Homme-citoyen, indépendamment de ses options politiques.


La franc-maçonnerie, peut-être surtout celle que le GODF permet de pratiquer, est une formidable école humaniste, capable de faire discuter ensemble des hommes et des femmes qui ne le pourrait pas en d'autres circonstances. Et j’ai effectivement mesuré tout le positif que l’on pouvait en attendre, aussi, pour l’action.
Voilà pourquoi il ne faut pas confondre le Temple et le Forum.

 

S'il semble indispensable aux francs-maçons de se mobiliser pour la défense de leurs principes, ce serait une erreur de penser qu'une obédience puisse entre sur le terrain des partis politiques au point de faire des « propositions alternatives concrètes », comme ce fut évoqué en 2011 ! Le GODF peut-il s'aventurer dans la logique politicienne au point de se penser comme "corps intermédiaire de la République" ? Je ne le pense pas.

 
C comme Citoyen

 

Vers un débat d'orientation...

 

En revanche, une obédience ne devrait pas se dispenser d'un travail prospectif destiné à ouvrir une perspective sociétale. Le GODF est pleinement dans son rôle en se saisissant d’un vrai débat de prospective lors de ses convents.


C'est ce qu'avec les officiers qui m'accompagnaient, nous avions tenu à développer lors de ma présidence de Convent (La Rochelle 1 – 2006). Et si celui de 2011 avait cru pouvoir en voter la suppression, les suivants l'ont heureusement rétabli. Il nous reste maintenant à en faire un véritable débat d'orientation...


Ce qui ne revient absolument pas à proposer des mesures alternatives à une politique (c’est-à-dire la gestion directe de l’Etat), ce n’est pas là notre vocation. La « pensée unique » n'est pas la marque de fabrique de la Franc-Maçonnerie.

 

 

Aujourd'hui,

"l'humanisme de combat" du Grand-Maître Daniel Keller reprenait le fil de cet engagement en rappelant l'enjeu auquel les francs-maçons du GODF sont confrontés dans le contexte historique d'une société qui traverse un crise multi facettes.

 

L'actuel Grand-Maître Christophe Habas sait, avec une grande capacité à convoquer tant l'histoire, la philosophie que les principes maçonniques, rappeler en chaque circonstance l'exigence de clarté et de vigilance qui doit animer les francs-maçons du GODF devant la montée des populismes, la crise de la démocratie, le grand déficit qu'elle accuse et ses conséquences sur l'humanisme.

 

La démocratie représentative et le citoyen.

 

La démocratie représentative est entrée dans une crise structurelle où l'exercice citoyen a régressé au statut épisodique d'électeur. Exercice qui ne se manifeste plus que lors des renouvellements des mandats électifs, tous les cinq ou six ans. Entre temps, la fonction citoyenne est reléguée au mieux à l'engagement associatif, syndical, partidaire ou, pire, panéliste d'institut de sondage !!!

 

Or, être citoyen représente une exigence totalement différente, quotidienne alors quelle est aujourd'hui épisodique ; générale alors qu'elle est segmentée par type de mandat électif laissant penser qu'il y aurait plusieurs strates de citoyenneté (municipale, départementale, régionale, législative, et pour certains seulement, sénatoriale, présidentielle, européenne) ; universelle alors qu'elle est étriquée par des systèmes de scrutin mécanistes (proportionnel partiel ou intégral, uninominal à deux tours, au 2° degré) ; sincère alors qu'elle est manipulée par des systèmes d'information tronqués.

 

Etre citoyen, cela peut être le goût du débat contradictoire, l'envie de lire pour comprendre, la participation aux activités de sa commune, à sa vie associative. Cela peut être aussi et peut-être même surtout de se réinvestir dans la gestion des affaires qui nous concerne, c'est-à-dire de quasiment toutes !

 

En cela, on ne peut pas réduire la vie citoyenne à une simple participation aux scrutins. D'ailleurs la chute régulière de la participation est le signe diagnostic de ce mal structurel. 

 

Réapprendre le sens de la "délégation".

 

En votant, je délègue à un autre le soin de me représenter. S'agit-il pour autant de lui donner un blanc-seing, une procuration totale pendant la durée de son "mandat" ?

 

C'est ce à quoi la V° République nous a habitué. Bien malheureusement... On peut imaginer d'autres modes où l'exercice citoyen serait sinon permanent (mais pourquoi pas) en tous cas, beaucoup plus présent dans le temps... Où la distance entre celui qui donne mandat et celui qui le reçoit ne serait pas aussi grande...

 

Voilà un beau projet maçonnique : redonner du sens à la démocratie, une démocratie qui referait de l'Homme, de tous les hommes, de toutes les femmes, la mesure de toute chose. C'est vers la définition d'un nouvel humanisme qu'il nous faut concentrer nos efforts. 

 

Mais...

Nos obédiences, parcellisées, balkanisées (204 en France !!!) sont-elles structurellement prêtes pour cette perspective ?
 


 

 

C comme Citoyen

 

 

 

Peut-être faudrait-il réfléchir à ce que pourrait être la franc-maçonnerie du XXI° siècle, une franc-maçonnerie qui assumerait réellement son ambition "d'améliorer à la fois l'Homme et la Société"...

 

A suivre...

 

 

C comme Citoyen

 

 

Gérard Contremoulin

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Commenter cet article
P
Sur le forum interne du Go j’ai suivi et participé aux différentes « prises de bec » qui ont accompagné les échanges concernant la mixité et l’épilogue à Vichy 1 et 2 pour les votes.<br /> C’est en effet un énorme progrès.<br /> 5 ans avant j’avais aussi participé sur le même support aux discussions vives autour et à propos du référendum de 2005.<br /> Certains (rares) essayaient déjà d’expliquer leurs difficultés de vie dans certains quartiers …<br /> d’autres sans que cette notion soit déjà individualisée par Christophe Guilluy tentaient de faire partager les désillusions des populations périphériques.<br /> La compréhension des hors sol des mégapoles sur ce dernier point n'était pas au top. <br /> Espèrons ...
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J
Heureusement que les FF. de 5 loges n'ont pas attendu d'être dans les hauts grades pour agir en citoyens en prenant en vers et contre tous l'initiative d'initier les premiers des femmes au GODF....
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S
Et que certains autres ont tenu à relever le gant du défi du vote au convent... En 2010 (la RL "Les Amis de la Vérité") et en 2011 (la RL "Frédéric Desmons-Laïcité"). On retiendra de cette séquence historique, qu'il faudra bien écrire un jour à plusieurs mains (!), qu'elle aura permis une évolution du GODF du même type que 1877...
J
Tu dis Gerard : "Mais...Nos obédiences, parcellisées, balkanisées (204 en France !!!) sont-elles structurellement prêtes pour cette perspective ? "<br /> Il est helas évident que le fonctionnement obedentiel conduit par nature (contre-maçonnique) à disperser les FM, en élevant des barrières entre eux par des pretextes futiles.<br /> alors, bien sûr, <br /> - on peut avoir l'argument "grosse obedience" qui énonce qu'il suffit que tout le monde se soumette à elle. Ce qui fonctionne lorsqu'on est en position dominate et même hégémonique. C'est le cas de UGLE en Uk qui regroupe 90 % des FM anglais. Ce serait la vocation naturelle du GODF en France ...mais le GODF est très loin de ce score (30 % ?). Peut-il espérer renverser cette réalité ?<br /> - Une fois constaté l'impossibilté de la solution hégémonique précédente, une autre demarche obédentielle consiste à passer des accords "au sommet" plus ou moins profonds, voir quasi contre-nature. D'où des appelations vagues de "maconnerie liberale" ou humaniste, autres étiquettes créant d'autres clivages entre les FM.<br /> - La solution simple, nous l'avons pourtant, en analysant la cause des dispersions : ainsi des micro-obédiences sont incapables de fusionner car ca signifierait par exemple qu'un GM ne le serait plus... Et cette futilité nous donne la voie (qui evidemment est innaceptable par certains pouvoirs obédentiels) : laisser les loges et les FM vivre leur FM sur la base de ce QUI LES RELIE (les fondements tri-centeanaires de la FM) et éliminer de la vie maçonnique ce qui les divise (essentiellement les futilités d'etiquettes obédentielles). Ce qui pour autant n'enlève rien à l'utilité des obédiences pour ce qui t'est cher Gerard, de lancer des orientations, idées fortes ... mais degrace, cessons de brandir nos etiquettes de dipersion... OK, je sais que je radote ... mais j'ai peu entendu des contre arguments et surtout beaucoup de crainte...
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