Paul Rosenberg, victime du nazisme, au musée Maillol...
Visiter l'exposition "21 rue La Boétie" au musée Maillol est un incontestable moment de ressourcement dans cette période qui semble perdre ses repères...
Cette exposition est consacrée à la carrière de Paul Rosenberg. Réalisée d'après le livre d'Anne Sinclair, petite fille du collectionneur, galériste et marchand d'Art, elle est visible jusqu'au 23 juillet. Elle accueille des pièces de la collection personnelle de la journaliste et des oeuvres provenant des principaux musées internationaux...
Elle se compose de deux parties : des oeuvres des principaux peintres qui furent aussi ses amis : Pablo Picasso, Georges Braque, Henri Matisse, Marie Laurençin, Fernand Léger, mais aussi une rétrospective de la politique nazie vis à vis de la Culture et notamment de la théorisation hitlérienne dite de "l'Art dégénéré".
Cette juxtaposition est heureuse dans la mesure où elle participe de l'effort de mémoire indispensable pour comprendre comment une idéologie de haine, raciste, xénophobe a pu pousser l'antisémitisme jusqu'aux limites extrêmes de l'exploitation de l'homme par l'homme, de l'anéantissement d'un peuple au nom du bouc émissaire et de la spoliation de ses biens et de ses créations...
Le pillage des oeuvres.
Le film "Le Train" relate l'épisode de la tentative en 1944 de transfèrement vers l'Allemagne nazie des toiles des plus grands maîtres, regroupées au musée du Jeu de Paume dès novembre 1940.
C'est un épisode de l'histoire de l'Art qui se déroule sous nos yeux, celui de la barbarie nazie où Paul Rosenberg, dépouillé de la nationalité française par Vichy, devra s'exiler. Paul Rosenberg qui établit le lien entre l'Europe et les Etats Unis et devient un promoteur hors pair de l'art moderne.
Retour sur la "politique culturelle" du 3° Reich.
En 1924, Adolf Hitler écrit dans Mein Kampf, « Théâtre, art, littérature, cinéma , presse, affiches, étalages doivent être nettoyées des exhibitions d’un monde en voie de putréfaction pour être mis au service d’une idée morale, un principe d’Etat et de civilisation ».
S'ensuit une politique qui se situe entre art officiel et vols et pillages systématiques des créations dans les pays occupés...
Treize ans plus tard (de 1937 à 1944), l’exposition sur « l’art dégénéré » de Munich, sous la responsabilité de Goebbels, voyage dans 12 villes. Elle est vue par 3,2 millions de visiteurs. Cette audience témoignage de l’embrigadement de masse généré par la propagande. Cette exposition présentait 700 œuvres créées par 12 artistes « juifs » ou « enjuivés », elle est interdite aux jeunes afin qu’ils ne soient pas corrompus !
Les thèmes en étaient les suivants : l’art juif, la femme, la famille, la dégénérescence, l’anarchisme, la folie… Des œuvres ou il est mentionné « payé par les impôts du peuple allemand ».
En France en 1940 : la spoliation devient une politique publique !
Création d’une administration dédiée aux œuvres d’art. Göring crée « le musée des spoliations », à destination des dignitaires nazis qui venaient y faire leur choix.
Avant même l’instauration par le gouvernement de Vichy de la politique d’aryanisation (1941) autorisant la mise en vente de tous les biens des personnes considérées comme juives, l’ambition des occupants désireux de s’approprier le patrimoine artistique français va leur permettre de faire main basse sur les œuvres d’art patiemment réunis par les grands collectionneurs tels les Rothschild, Kann, Wildenstein, Rosenberg… et bien d’autres. Ils le le feront avec l’aide des autorités françaises de la Collaboration.
C'est ainsi que 70 000 logements seront pillés, 60 000 pièces dérobées, 22 000 objets d’art provenant de 200 collections.
Cette partie de l'exposition, très documentée, offre une rétrospective de la politique de spoliation nazie, des méthodes utilisées où se sont affrontées deux clans nazis, celui du Reichsleiter Alfred Rosenberg et celui du Reichsmarshall Hermann Göring. On doit probablement au gout pour la démesure et à la volonté de possession de ce dernier la non destruction d'un nombre important de ces oeuvres...
Le combat pour la restitution.
Il faudra traiter plus complètement de la question de la restitution des biens volés aux juifs, pudiquement nommée "spoliation".
Pays, marchands d'Art, intérêts privés de toutes sortes se sont livrés une assez sordide bataille autour de la restitution des objets volés...
Pour l'heure, l'exposition traite du cheminement du tableau d'Henri Matisse "Profil bleu devant la cheminée"...
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Dina et Aristide.
Enfin, la collection permanente des oeuvres d'Aristide Maillol (1861-1944) occupe la partie supérieure du musée. La muséographie concourt à nous rendre complice de l'oeil du sculpteur. On déambule au milieu de ces femmes nues, d'un réalisme pudique et révélateur des formes que l'artiste utilise comme des outils pour atteindre le vrai, cette vérité qu'il cherche avec son modèle Dina Vierny
Gérard Contremoulin
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