De la Franc-Maçonnerie et de la politique, les enjeux.
Pour la maçonnerie libérale, la question n'est pas de trier parmi les sujets à traiter en loge -tous sont autorisés- mais d'apprendre à en traiter, quels qu'ils soient, avec le souci permanent du respect mutuel, particulièrement envers celles et ceux dont les opinions sont les plus éloignées.
Toutes les opinions sont acceptables en franc-maçonnerie sauf celles qui mettent en cause l'égalité entre les êtres humains ou qui tendent à aliéner leurs facultés de penser, de vivre, de réfléchir, d'une manière ou d'une autre. La perspective n'est pas de convaincre, comme on le ferait en politique, mais de chercher à comprendre pour élargir son propre champ d'investigation intellectuel et humain.
Toutes les expressions sont effectivement possibles dans la loge. Mais l'engagement au respect mutuel comme aux valeurs, aux institutions et aux principes républicains suppose qu'un franc-maçon choisisse judicieusement les mots de son expression. Il sait que les mots sont les vecteurs de la pensée, il sait aussi qu'ils peuvent être des armes.
En dehors du temple, dans la vie "profane", il doit savoir que plus il maîtrise l'art oratoire, plus il mesure l'impact de ses mots et plus il encourt de responsabilité civique et surtout morale.
"Ils feront aimer leur ordre par l'exemple de leurs qualités".
Tel est l'engagement des francs-maçons, qui leur est rappelé à la fin de chacun de leurs travaux, avant de quitter le temple.
Nous devons nous interroger en permanence, et particulièrement aujourd'hui, sur une mode qui se répand tant sur les réseaux sociaux que chez certains politiques : la pratique de la violence verbale ?
Qu'elle vise à impressionner en forçant le ton, à railler, voire à insulter les adversaires, notamment politiques, ou qu'elle réponde à la stratégie politique dite "du bruit et de la fureur", la violence verbale est un danger pour la démocratie, un poison à action lente.
Elle instille petit à petit l'idée que l'on peut impunément manquer de respect, injurier, hurler, vociférer.
Que ces attitudes soient adoptées par un personnage public en aggrave les conséquences, les justifie devant l'opinion et particulièrement devant les jeunes en perte de repères. L'ensemble de ce processus, où le dénigrement et la volonté de disqualifier sont systématisés, sapent les bases sur lesquelles repose la démocratie, jouent comme une contre éducation où tout serait permis et, finalement, installent les conditions pour qu'émerge une alternative à la République.
La montée des populismes et de l'extrême droite.
On l'enregistre en Europe (Italie, Turquie, Hongrie, Allemagne, Autriche, Pologne, Pays-Bas) et dans le monde (USA, Philippines, Brésil). Elle devrait nous conduire à la plus grande vigilance devant tout ce qui menace les principes républicains et les libertés publiques.
Dans ces conditions, nous n'avons pas le loisir de nous permettre ces débordements, particulièrement chez celles et ceux qui se veulent les défenseurs de la République.
En Europe.
Déstabilisée en France, l'extrême-droite ne l'est pas en Europe, bien au contraire.
Elle est arrivée au pouvoir dans plusieurs pays.
En Allemagne, elle vient de faire son entrée au parlement de Hesse, après l'avoir fait au Bundestag avec 94 députés AfD (Alternative für Deutschland). L'AfD est désormais présent dans les 16 parlements régionaux.
En Italie, c'était en mai. La Ligue du Nord de Mattéo Salvini entrait au gouvernement dans une alliance hétéroclite avec le Mouvement 5 Etoiles (M5S).
En Hongrie, Viktor Orban poursuit sa politique d'attaques contre les droits de l'Homme et les libertés publiques.
En Turquie, Recep Tayyip Erdogan accentue la réislamisation et la mise au pas de l'armée et des fonctionnaires par une répression massive.
Elle est aux portes du pouvoir dans certains autres .
Aux Pays-Bas avec Geert Wilders ; en Autriche avec le FPO. Dans ces pays, les nationaux-populistes occupent des positions politiques pivots.
La montée en puissance européenne de ce courant politique est désormais une réelle menace.
Elle s'étend aussi en Amérique latine.
L'élection à la présidence du Brésil de Jaïr Bolsonaro avec 55,13% des voix, augmente la pression d'un cran sur les démocraties. Ce néofasciste, nostalgique de la dictature militaire de la junte conduite par le Maréchal Castelo Branco et de sa doctrine de la sécurité nationale, n'a pas caché ses orientations pendant sa campagne. Il a reçu le soutien déterminant des milieux économiques, notamment de l'agro-business et des églises évangéliques en pleine expansion. Son élection ouvre une voie vers l'inconnu même si nos craintes peuvent conduire à en deviner la nature.
Il s'inscrit dans la lignée de Rodrigo Duterte aux Philippines dont le bilan est déjà édifiant après presque deux ans de présidence.
L'incompatibilité extrême droite - Franc-Maçonnerie.
Les thèses des organisations politiques et des clubs de l'extrême droite, sous quelque forme que ce soit, sont incompatibles avec la franc-maçonnerie. A chaque fois qu'elle accède au pouvoir, son premier soin est d'interdire la Franc-Maçonnerie.
Dans ce contexte, quel engagement pour le franc-maçon ?
Il ne s'agit pas pour le franc-maçon, en tant que tel, de prendre parti, même si le citoyen qu'il est peut (doit) parfaitement assumer ses choix personnels. Il s'agit de réfléchir aux conséquences en analysant les politiques publiques menées, rester vigilant quant aux déclarations publiques, aux engagements pour comprendre et expliquer.
Sa boussole reste l'émancipation des êtres humains, qui doit les conduire à se déterminer par eux-mêmes ; à bénéficier des mêmes droits, partout où ils se trouvent. C'est la seule grille de lecture qu'il doit appliquer pour lire l'actualité et, éventuellement, la commenter. Son objectif de citoyen est d'éclairer les consciences.
Et lorsqu'il décide d'agir, ses actes doivent se situer dans la perspective humaniste et républicaine et concrétiser l'analyse faite. C'est en ce sens que la situation actuelle offre aux francs-maçons un large champ d'investigation.
C'est aussi de ce point de vue qu'il est de la responsabilité des obédiences de veiller au respect de leurs principes.
Gérard Contremoulin
_____________________________________________