Michel Koenig et le "négationnisme" du 24 juin 1717...
Voici un texte de Michel Koenig. Il ouvre une "dispute" avec notamment Roger Dachez, sur cette question.
Les colonnes de Sous la Voûte étoilée vous sont bien évidemment ouvertes pour de prochains développements...
Gérard Contremoulin
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« Il ne s’est rien passé le 24 juin 1717 » est la nouvelle légende négationniste qui remet en cause la fondation de la Grande Loge de Londres et de Westminster. Elle disqualifie le récit des évènements fait par James Anderson dans la réédition de 1738 des Constitutions de la Grande Loge « unique » d’Angleterre.
Ce discours est depuis trop longtemps celui de la maçonnerie « ancienne » pour que sa reprise lors de l’année anniversaire des 300 ans de la fondation de la première grande loge soit un effet du hasard.
Il se dit maintenant que le pasteur James Anderson n’était pas quelqu’un de très honnête, qu’il avait été suspecté de plagiat pour son livre sur la généalogie et que son récit de 1738 n’est donc pas très crédible. C’est l’hôpital qui se « f…t de la charité » ! Depuis des décennies, on nous rabâche que les Constitutions de 1723, sont celles d’Anderson. On le redit dans le rituel d’ouverture du Français, sans doute pour mieux passer sous silence le rôle joué par Desaguliers. Et maintenant on nous s'aperçoit, quand ça arrange, que ce n’est pas un personnage crédible.
Cette « légende » s’appuie notamment sur la « découverte » que la Loge « Au pommier » avait cessé son activité au moment de la fondation. Mais c’est ignorer la façon dont Jean-Théophile Desaguliers a monté son affaire. Il a créé en 1716 la Loge « A la coupe et aux raisons », du nom de la taverne qui se trouvait dans channel row à 2 pas de chez lui.
Cette Loge ne contenait que des « acceptés » dont une bonne moitié venait de la Royal Société et comptait plus de 70 membres, alors que les effectifs des autres Loges ne dépassait pas la vingtaine. On retrouve dans ses effectifs les proches de Desaguliers, James Anderson et George Payne. Elle était manifestement destinée à agréger autour d’elle d’autres Loges pour créer un embryon de Grande Loge. Desaguliers, en fin diplomate, a d’ailleurs laissé les maîtres de Loge des 3 autres Loges prendre les postes principaux de la nouvelle Grande Loge pour la 1ère année avant de faire nommer George Payne, Grand Maître pour la 2ème année, puis lui-même avant de reconfier la Grande Maîtrise à George Payne, l’année précédant celle de l’élection du Duc de Montagu.
Et d’ailleurs ce sont tous ces anciens Grands Maîtres qui figurent sur la gravure de John Pine servant de frontispice aux Constitutions de la nouvelle Grande Loge. Ce dessin montre la passation de pouvoir entre Montagu ancien Grand Maître et Wharton, nouveau Grand Maître, qui après une tentative ratée de déposer le Duc de Montagu, ne voit son élection confirmée le 17 janvier 1722/3 (quantième de l’année en calendrier julien et grégorien : les 2 chiffres figurent sur la promulgation), que par le retrait du Duc de Montagu. Derrière Wharton, on voit Anthony Sayer premier GM facilement reconnaissable car on a un portrait de lui, Desaguliers et Payne. Cela fait 4 anciens GM dont un qui a fait 2 ans 1722-5 =1717 ! Et on retrouvera même plus tard dans les archives de la Grande Loge une demande de secours de Sayer qui lui a été accordée au motif qu’il avait été le premier Grand Maître !
Et d’ailleurs ce sont tous ces anciens Grands Maîtres qui figurent sur la gravure de John Pine servant de frontispice aux Constitutions de la nouvelle Grande Loge. Ce dessin montre la passation de pouvoir entre Montagu ancien Grand Maître et Wharton, nouveau Grand Maître, qui après une tentative ratée de déposer le Duc de Montagu, ne voit son élection confirmée le 17 janvier 1722/3 (quantième de l’année en calendrier julien et grégorien : les 2 chiffres figurent sur la promulgation), que par le retrait du Duc de Montagu. Derrière Wharton, on voit Anthony Sayer premier GM facilement reconnaissable car on a un portrait de lui, Desaguliers et Payne. Cela fait 4 anciens GM dont un qui a fait 2 ans 1722-5 =1717 ! Et on retrouvera même plus tard dans les archives de la Grande Loge une demande de secours de Sayer qui lui a été accordée au motif qu’il avait été le premier Grand Maître !
Il y a d’ailleurs bien d’autres documents historiques que les Constitutions de 1738 qui attestent de la réalité de la fondation de 1717. Ils sont cités par de nombreux historiens connus de la Franc-Maçonnerie, comme Claude Antoine Tory dans « Acta Latomorum », (1815),
ou Achille Ricker qui écrit notamment dans Histoire de la franc-Maçonnerie en France (1967) : « Parmi les hommes qui sont là, autour du nouveau Grand Maître, figurent en fait tous ceux qui sont en fait les fondateurs connus de la Franc-Maçonnerie nouvelle : Le pasteur Jean-Théophile Desaguliers, James Anderson, George Payne, Jacob Lamball, King, Calvert, Lumley, Goston Madden » et plus près de nous Ric Berman dans « The foundations of Modern Freemasonry » (2012)
Mais au fond le témoin le plus crédible des évènements de 1717 n’est-il pas Laurence Dermott lui-même, fondateur et Grand Maître de la Loge des « Maçons Anciens et Acceptés » ? Dans sa lettre de 1778 qui accompagnant la 3ème réédition de son ouvrage de référence « Ahriman Rezon » l’équivalent pour les « Anciens » des Constitutions de 1723, il écrit: « Lors de l’année 1717, quelques joyeux compagnons qui n’avaient passé que par un seul grade de la Confrérie, …, résolurent de former une loge pour rechercher, en se communiquant entre eux, ce qui leur avaient été autrefois enseigné ; Se proposant d’y substituer, quand la mémoire leur manquerait quelques autres innovations ce qui à l’avenir devait passer pour de la Maçonnerie. »
Ces « joyeux compagnons » étaient, Desaguliers, Gofton, King, Calvert, Lumley, Madden, de Noyer et Vraden, selon la citation que Dermott fit des propos du F\ Thomas Grinsell, tenus en 1753. Mais ce dernier ajoutait, prenant justement le contre-pied de Dermott, que « c’étaient des hommes ingénieux auxquels le monde était redevable de l’invention de la maçonnerie moderne ».
C’était certes pour mieux la tourner en dérision, mais cela constitue néanmoins une reconnaissance du fait, venant d’un homme dont ne peut guère douter de l’impartialité à l’égard des « Modernes ».
Il y a donc gros à parier que cette « légende urbaine » du « il ne s’est rien passé en 1717 » se dissipera comme rosée au soleil quand 2017 se terminera, mais elle aura contribué à ce qu’on ne parle pas trop du 300ème anniversaire des « Modernes ».
Michel Koenig
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