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Le Blog pour Tous d'un franc-maçon. "La loi morale au fond de notre coeur et la voute étoilée au dessus de notre tête". Emmanuel Kant Les pseudonymes ne sont plus acceptés pour les commentaires. (4.11.2018)

21 Jun

République, Démocratie et Ordre maçonnique. 2/3

Publié par Sous la Voûte étoilée  - Catégories :  #Réflexions - Conférences - TBO

République, Démocratie et Ordre maçonnique. 2/3

Les mécanismes de la démocratie, pour multiples qu’ils soient, participent d’une même volonté : mettre en place le gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple. Ils se déclinent en modalités diverses selon leurs champs d'application. Les obstacles, inattendus auxquels ils se heurtent touchent tous les domaines dans lesquels la démocratie veut s’exercer...

 

Depuis plusieurs dizaines d’années, les électeurs se partageaient en deux blocs d’à peu près égale importance, de sorte que le sort d’un scrutin appartenait à une infime partie du corps électoral qui faisait basculer le résultat d’un côté ou de l’autre.

 

Les élections qui viennent de se dérouler auraient-elles rendu obsolète ce processus ?

République, Démocratie et Ordre maçonnique. 2/3

 

 

La théorie des « contrariants ».

 

Un physicien, Serge Galam[1] a étudié cette situation et publié en 2004 la « théorie des contrariants ». Elle vise à montrer que plus le débat dure, plus on va vers un résultat proche des 50/50, car la minorité qui a tendance à radicaliser le débat grignote sur la majorité, plutôt molle et se rapproche inexorablement du 50/50, seuil fatidique à partir duquel, une voix suffit à donner le pouvoir.

 

Et il explique ce phénomène par l’existence « dans les sociétés occidentales démocratiques, des comportements individuels dits contrariants. » Ceux-ci tendent à s’opposer « au choix majoritaire des autres individus autour d’eux. »

Au lieu de soutenir des valeurs ou des candidats, « les contrariants, au-delà d’une certaine proportion, inversent la dynamique d’opinion majoritaire pour la faire converger vers une parfaite égalité ».

 

Ce processus s’accompagne, désormais, d’une explosion du cadre bipolaire habituel de la V° République avec son scrutin uninominal à deux tours... Une recomposition aura-t-elle lieu et sur quelle base ?

 

Aujourd’hui, avec les élections présidentielle et législatives, la donne politique est complètement bouleversée avec l’émergence d’un nouveau bloc "ni droite-ni gauche" qui semble rendre caduque la répartition antérieure. Nous sommes entrés dans un espace incertain où tout devient possible, d’où tous les modèles de recomposition politique peuvent se produire….

D'autant qu'il est indispensable d'aborder un autre élément, tout aussi fondamental :

 

Le vote ou la démocratie par délégation.

 

Notre système démocratique repose sur le vote et sur la délibération collective. Le «suffrage universel» évoque le grand nombre, c’est-à-dire toutes les citoyennes et tous les citoyens, et lorsque néanmoins, la participation chute scrutin après scrutin, jusqu’à atteindre le niveau inégalé du second tour des législatives, ne doit-on pas considérer que cela éclaire sous un jour bien pâle le bulletin de santé de notre démocratie…

 

Plus inquiétante encore est l’habitude que nous avons prise (ou que nous nous sommes laissés imposer) de déléguer la Démocratie à l’une de ses composantes, littéralement mythifiée, le vote. Il est devenu l'acte unique, suprême, quasi magique.

République, Démocratie et Ordre maçonnique. 2/3

Ces quelques minutes passées dans le bureau de vote, puis dans l’isoloir, semblent suffire à faire considérer que nous aurions accompli notre devoir," comme par "miracle" !

 

Alors, de la Caverne au soleil, où en sommes-nous ?

 

Le soin pris à trouver des formes de vote, s’il atteste de la grande faculté imaginative de l’homme, traduit aussi la relativité de l’acte de voter.

 

Qu’on en juge plutôt à propos du seul suffrage universel :

 

Mains levée. Hérité des Grecs et adopté en France dès la création de l’Assemblée nationale en 1789, il y est encore aujourd’hui, la forme la plus courante de vote.

 

Scrutin public. Au Parlement français, permet le décompte nominal des votes. Il est de droit dès qu’un groupe le demande.

 

Assis-Debout. A l'Assemblée Nationale, c'est au président de séance qu’en revient le choix. Les Pour restent assis et les Contre se lèvent. Il permet un décompte précis et plus rapide lors des votes serrés.

 

République, Démocratie et Ordre maçonnique. 2/3

Hammelsprung. Mode de scrutin au Bundestag (Parlement allemand) lorsque le décompte devient difficile. Les parlementaires sortent et reviennent en séance par des portes différentes selon qu'ils votent OUI, NON, ou Abstention.

Hammelsprung au Bundestag.

Hammelsprung au Bundestag.

 

Il faut ajouter, dans le cadre de votes visant à élire des personnes, ces différentes modalités :

 

- Scrutin proportionnel lors d’élection par listes (municipales, européennes, professionnelles, internes aux organisations politiques), avec deux modes différents de dépouillement… (plus fort reste ou plus forte moyenne).

 

- Scrutin majoritaire de liste ou uninominal, à un tour (Angleterre) ou deux tours (France).

 

Sommes-nous si sûrs qu’aujourd’hui, le processus de décision soit réellement satisfaisant ?

 

Comment évaluons-nous la faiblesse de la participation ? Que dire lorsque l'on vote souvent (notamment aux scrutins uninominaux) plutôt contre celui-ci que pour celui-là, que l’on choisit plutôt la sanction que l'adhésion ?

 

Nous touchons là, probablement, à l’une des faiblesses majeures de notre Démocratie.

 

Winston Churchill ne disait-il pas que c’était :

« le plus mauvais des systèmes à l’exception de tous les autres. »

 

Et l’on se souvient alors du rôle joué par le mode du « tirage au sort » dans la démocratie grecque… système encore proposé aujourd’hui par un Etienne Chouard…

 

Et puis encore cette phrase, énigmatique, de Jean-Jacques Rousseau :

« A prendre le terme dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable démocratie et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel que le plus grand nombre gouverne et que le petit nombre soit gouverné. »

(Le Contrat Social)

République, Démocratie et Ordre maçonnique. 2/3

 

 

DANS UN ORDRE INITIATIQUE.

Un Ordre initiatique se définit en théorie comme la progression dans la Connaissance, la question de l’évaluation et de sa sanction est centrale. Et là aussi se pose la question des modalités :

 

comment va-t-on prendre la décision ?

 

Progresser dans l'ordre Maçonnique, c'est franchir les différentes étapes vers chacun de ses Grades et de ses Ordres, les 7 étapes du Rite Français, les 33 degrés du Rite Ecossais Ancien Accepté et les 95 du Rite de Memphis-Misraïm...

 

Au Rite français, les Grades et les Ordres sont définis par des contenus initiatiques (progression dans le cheminement), symboliques (symboles, rituels et pratiques), éthique (hiérarchie des devoirs, obligations). Et par la maîtrise de chacun des contenus dans la compréhension d’un continuum dont les Ordres de Sagesse (après la maîtrise) sont comptables.

 

La progression de l'un à l'autre est le résultat d'une évaluation validée par une décision, puis de l’accomplissement d'un rite de passage, rites qui sont encadrés par des membres de l'ordre, titulaire du degré au moins supérieur.

C'est une organisation pyramidale. Elle repose sur une vision certes progressive mais nécessairement élitiste, chaque degré en ayant un qui lui est immédiatement supérieur et ainsi de suite, jusqu’au grade sommital qu’est le 4° Ordre.

 

Mais, comment voter sur une matière essentiellement initiatique ?

 

Nous ne sommes pas dans le domaine des sciences exactes mais dans celui de l’intime conviction. Cette évaluation est toujours confrontée à des points de vue, à des savoirs personnels, à des expériences humaines, et donc, est par définition discutable, interprétable, qui met en jeu la liberté de conscience et le libre arbitre.

 

On s’éloigne radicalement d’un mode de scrutin de type universel pour en revenir à un mode comparable à un suffrage censitaire, dont le cens serait défini là par le niveau initiatique possédé.

 

Le système n’est viable qu’à la condition que toute décision prise ainsi repose sur un haut niveau de confiance (la légitimité) accordée au degré supérieur par le degré inférieur ou que ce dernier ait l’autorité suffisante…

 

C’est le cas pour le bandeau

Qu'essayons nous d'apprécier et comment, avec quels outils nous forgeons-nous notre "intime conviction" ? Celui qui demande accepte par principe la décision prise.

 

Mais pour l'augmentation de salaire ?

Que juge-t-on ? Cela fait débat car il n’y a pas de règle universelle sur cette question en Franc-Maçonnerie. La décision, le choix appartient à chaque frère, à chaque sœur, dans le secret de sa conscience.

 

L’autre spécificité de la Franc-Maçonnerie, c’est sa compositionUne Franc-Maçonnerie de progrès comme se veut être celle du Grand Orient de France a-t-elle vocation à être composée à l’image de la société ?

 

Il y a trois types de réponses :

- Sur des critères sociologiques ou politiques où l’on veillerait à une représentation très structurée et « calquée » sur les statistiques de la société. Autant dire un recrutement mécanique, où la réalisation de quotas primerait sur la personnalité des candidats,

- Sur des critères qualitatifs où les candidats auraient un talent particulier comme le pratiquait la Respectable Loge "Les Neuf Sœurs". Si ses travaux ont été d’une rare fécondité, elle n’aura toutefois vécu qu’une quinzaine d’années.

- Sur des critères qualitatifs comme aujourd’hui, où la personnalité des candidats, ses potentialités, ce que nous imaginons de la faisabilité de son initiation, sont les éléments constitutifs du choix.

 

La question du recrutement en Loge bleue ne peut pas se formuler en termes de quotas, qu’ils soient maximalistes ou élitistes. Le recrutement doit rester l’affaire d’une relation humaine entre un ou une profane et un groupe de francs-maçons engagé dans une démarche initiatique et collective qui conduit à la construction des Maîtres Maçons. Ce que nous appelons la cooptation.

 

De sorte que l’on peut dire que la démocratie en Franc-Maçonnerie est un exercice basé sur la confiance où la transmission joue le rôle de garant de la stabilité de l’édifice, selon une pratique pluri centenaire.

 

Nouvelle difficulté : le Maître a atteint « la plénitude de ses droits maçonniques ». Il peut voter en toutes circonstances et, le moment venu, représenter sa loge, être élu aux instances de l’obédience ou entamer son parcours au-delà de la Maîtrise.

Cela met l’accent sur ce que l’on entend par cet objectif assigné à chaque Respectable Loge : "former des maîtres maçons"

 

Et force est de constater qu’en fonction du principe de souveraineté des Loges, il est quasiment impossible de définir un contenu précis. Le Grand Orient de France se limite à une description assez sommaire de ce qu’il faut vérifier dans « le contrôle des connaissances maçonniques » à chaque grade et s’en remet à chaque loge pour la décision. Ce qui est une spécificité du Rite Français

Il faut donc non pas rechercher dans une « majorité démocratique » l’issue d’une décision sur cette question, ni d’une manière générale, sur l’initiatique.

 

Il faut explorer d’autres voies.

 

Gérard Contremoulin

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[1] Spécialiste de la physique du désordre, Serge Galam, directeur au CNRS, inventeur de la socio-physique, science qui tente d'élaborer des modèles de comportements politiques et sociaux en étudiant les mouvements d'idées et les comportements des individus, au sein des groupes sociaux auxquels ils appartiennent, à partir des modèles mathématiques utilisés dans le domaine de la physique qui observe les désordres de la matière .

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