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Le Blog pour Tous d'un franc-maçon. "La loi morale au fond de notre coeur et la voute étoilée au dessus de notre tête". Emmanuel Kant Les pseudonymes ne sont plus acceptés pour les commentaires. (4.11.2018)

11 Dec

La laïcité n'est pas une opinion, mais la possibilité d'en avoir une et de l'exprimer librement.

Publié par Sous la Voûte étoilée  - Catégories :  #Laïcité - Religions

Nous venons de célébrer le 112° anniversaire de la loi capitale, dite de "Séparation des églises et de l'Etat", adoptée le 9 décembre 1905.

 

Les francs-maçons, les humanistes et plus généralement les républicains multiplient les occasions de se retrouver à cette occasion pour célébrer cette date. Depuis l'initiative interobédientielle des "Chantiers de la Laïcité", en 2005, une revendication monte de plus en plus pour que la République la reconnaisse comme la Fête Nationale de la Laïcité.


 

Philippe GUGLIELMI, Très Sage et Parfait Grand Vénérable du Grand Chapitre Général du Grand Orient de France-Rite Français

Philippe GUGLIELMI, Très Sage et Parfait Grand Vénérable du Grand Chapitre Général du Grand Orient de France-Rite Français

Que le Grand Chapitre Général du Grand Orient de France (GCG-GODF-RF), présidé par Philippe Guglielmi, ait attribué pour sa septième édition, le prix spécial du jury de la Laïcité à Mme Marlène Schiappa, ministre de la République, est un acte majeur. Non en raison de la fonction de la récipiendaire mais de la qualité des actes politiques qu'elle pose avec courage dans un environnement quelque peu "balancé" sur le plan idéologique :

"en honneur de l'action qu'elle est en train d'initier en faveur de l'émancipation humaine par la défense des droits de la femme".

Le jury, présidé par Alain Simon, a bien situé les enjeux de la période.  

Philippe Guglielmi, Philippe Foussier, Joan Francesc Pont Clemente, Alain Simon.

Philippe Guglielmi, Philippe Foussier, Joan Francesc Pont Clemente, Alain Simon.

Voir le compte-rendu de Joan Francesc Pont Clemente sur sa page Facebook

Et celui de Marianne.

 

 

La laïcité n'est pas une opinion, mais la possibilité d'en avoir une et de l'exprimer librement.

Et celui de Marianne.

Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes
Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes

Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes

 

Nous ne sommes pas les "Village People" !

 

Mme Schiappa a notamment déclaré :

"La laïcité, ce n'est pas l'oecuménisme. Ce n'est pas un gâteau que l'on partage entre les différentes religions, en distribuant un morceau aux non-croyants, (...) C'est la laïcité qui permet d'éviter la communautarisation de la société. C'est elle qui fait que nous sommes une nation unique, un peuple unique, et pas un mille-feuille, les "Village People" ou une addition de communautés."

 

Le groupe  "Village People"

Le groupe "Village People"

Car le président de la République avait généré quelques justes inquiétudes après ses déclarations lors du 500° anniversaire du protestantisme :

"La manière que j'aurais d'aborder ces débats ne sera en rien de dire que le politique a une prééminence sur vous et qu'une loi pourrait trancher ou fermer un débat qui n'est pas mûr."

 

Quant à l'initiative de son ministre de l'intérieur, de constituer auprès de lui un comité inter-religieux, elle mordait carrément le trait de l'article 2 de la Loi.

 
Le Grand Chapitre Général, juridiction des grades ultérieurs à la Maîtrise de rite français, a souligné qu'au sein du Grand Orient de France, les membres, soeurs et frères, entendent préserver ce principe essentiel de la République qu'est la Laïcité.
 
Et comme ses adversaires ne font jamais l'économie d'une bataille, il en est une qui ressurgit actuellement sur les réseaux sociaux : l'orthographe du qualificatif, parfois substantivé, issue de Laïcité, laïc ou laïque...
 
On se souvient que Charles Maurras avait créé celui de "laïcard".
 
Mais peut-être est-ce utile de préciser. Parmi les nombreuses dissertations, je vous propose de retenir celle que Joel Dechaume, longtemps membre de la Commission Nationale Permanente de la Laïcité (CNPL) du GODF,  publie sur Facebook :
 
Trop souvent, dans la presse ou ici et là... il est écrit LAÏC au lieu de LAÏQUE au sujet des défenseurs de la LAÏCITÉ ! 

La fausse synonymie des deux mots a été entretenue par les cléricaux, et surtout adoptée par les néo-cléricaux au début des années soixante aux fins d’altérer la Laïcité authentique, anticléricale, dans la perspective d’une Laïcité ouverte (en fait, cléricalisée). 

Petite analyse étymologique et lexicologique. "L’ensemble morphologique formé par les termes de la Laïcité porte les traces des grandes étapes de la laïcisation en France " (Pierre Fiala) (1).
Les intégristes de l’enseignement catholique remplaçaient enseignement laïque par enseignement laïc, modification d’apparence anodine. En réalité, l’écriture "laïc" permettait d’englober tout le domaine de l’enseignement non religieux, sans distinction public-privé. La confusion devenait totale. Les défenseurs "laïques" de l’enseignement catholique tenaient à distinguer catholique et privé. Une définition généralement admise parmi eux est Enseignement laïc : Enseignement non confessionnel d’inspiration chrétienne. Dans la première moitié du XXe siècle, l’usage, puis les dictionnaires avaient imposé les deux substantifs. 

Laïc : adepte non clerc d’une religion. 
Laïque : partisan de la Laïcité. Au moins, là, c’était clair. Restait le problème de l’adjectif. 

Essayons de retracer cette longue histoire lexicographique française. L’étymologie est admise par tous : du grec laos, "qui a rapport au peuple", on passe au latin laicus pour parvenir aux formes médiévales lay, laye, en usage courant au Xlle siècle. L’emploi est toujours antonymique avec prêtre ou clerc. La graphie lai, laie, apparaît chez Nicot en 1606 avec cette définition : “celui qui n’a nul degré de cléricature". Dans l’anglais Cotgrave on trouve en 1611 : lay, secular.
 
Pour l’évolution sémantique plus récente la mémoire est conservée par le Dictionnaire de l’Académie Française (fondée par Richelieu en 1634).
La première édition, en 1694, retient deux adjectifs : laïque : adjectif de tout genre. Séculier. Il est opposé à clerc. Une personne laïque, un officier laïque. Lay, laye : adj. laïque. Un Conseiller lay. On appelle un frère lay, un moyne lay, les frères servants, qui ne sont point destinés aux ordres. De même, une soeur laye : qui n’est point du choeur. La forme lai, laie apparaît dans l’édition de 1740 et disparaît après l’édition de 1935 qui en dit : "il n’est plus employé que dans cette expression : Frère lai". La forme laïc apparaît à la nomenclature de 1798 avec un féminin laïque calqué sur caduc-caduque et va servir de base dérivationnelle à toute la famille, avec pêlemêle : laïcat, laïquat, laïcation, laïcocéphale, laïcité, laïcisme, laïciser, laïcard.

Cette alternance morphologique de genre sera réinterprétée, par la suite, tantôt comme une alternance catégorielle : laïc est le substantif, laïque l’adjectif (jusqu’au grand Larousse de 1975), tantôt comme variation sémantique du substantif : Laïc désigne un adepte d’une religion qui n’est pas un clerc, Laïque désigne un partisan du principe de Laïcité. Cette distinction claire, sans être systématique, tendra à se généraliser au XXe siècle.

"Cette réinterprétation sémantique d’une simple variation graphique met en lumière la nature profonde du conflit idéologique" (Pierre Fiala, lexicométrie et textes politiques, CNRS)
En 1878, la définition s’étend aux termes non humains (habit laïque, de condition laïque.
 
Mais c’est l’édition de 1935 qui marque la coupure sémantique profonde. 
Laïque : qui est étranger à toute confession ou doctrine religieuse. État laïque, les lois laïques. Il convient de revenir sur l’abominable mot laïcocéphale. Il s’agit d’un terme théologique retenu dans l’édition de 1842. Il avait été introduit par les Jésuites de Trévoux, en 1732, dans leur reprise du Furetière, après les démêlés de ce dernier avec l’Académie. 
Laïcocéphale : hérétique qui reconnaît un laïc pour chef de l’Église. “On a donné ce nom aux Anglicans, qui reconnaissent le Roi du lieu où ils vivent pour chef de la religion". L’Encyclopédie de Diderot avait retenu l’usage matériel de l’adjectif : "biens laïques, puissance laïque" par opposition à puissance ecclésiastique.

Émile Littré a été le premier à faire de laïc et laïque deux substantifs bien démarqués. Mais du coup, il n’avait plus d’adjectif ! Qu’à cela ne tienne. Il préconise dans son supplément de 1877 l’adjectif laïcal, attesté au XVIe siècle, et introduit par les Jésuites dans le Trévoux de 1774 avec un exemple : dîme laïcale. Émile LITTRÉ le définit ainsi : Laïcal : qui a rapport aux laïques par opposition à clérical.

Le mot est bon et mérite d’être retenu et employé. Hélas, il ne le fut pas et ainsi l’ambiguïté fut cultivée par les nouveaux cléricaux des années 1960-1970.
 
Larousse avait introduit dans son Encyclopédie de 1873 le mot Laïcité : caractère de ce qui est laïque, d’une personne laïque, la Laïcité de l’enseignement. « Il fut un temps où la Laïcité était comme une note d’infamie»
[/Claude de Nardi (La Calotte)/]
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(1) Pierre Fiala : professeur de linguistique à Paris I, puis associé au CNRS pour des recherches en linguistique.

Note : ce texte, écrit à usage interne de la Ligue des Droits de l’Homme au début des années 70, reste très d’actualité. Source principale de sa documentation, la "Revue des Presses de la fondation des sciences politiques", avec la collaboration du CNRS, de YENS et des Universités de Paris 1 et Paris XII (Lexicométrie).
La laïcité n'est pas une opinion, mais la possibilité d'en avoir une et de l'exprimer librement.

 

Merci Joël pour cette précieuse contribution.

 

Gérard Contremoulin

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