Les Utopiales à Clermont-Ferrand, le 17 mars
La Laïcité, sans adjectif, est l'outil de la Fraternité
La peur de l'autre, la peur de la différence qu'il incarne, sont le cancer des sociétés désemparées. C'est le terreau sur lequel prospère le pire des systèmes politiques lorsque les humanistes viennent à déserter leurs devoirs.
Au contraire, l'alternative à l'immobilisme, à la régression sociale, est dans l'ouverture, dans le fait d'oser l'altérité, de ne pas la craindre et donc de l'organiser.
Réinvestir le champ du débat public.
Pour envisager les rapports humains sur la base de l'égalité et de la liberté de conscience, il n'est pas d'autre choix que de réinvestir la laïcité parce qu’elle est l'outil d'un tel projet.
On le voit, la pression de ses opposants est forte pour faire de la laïcité un mot-valise aux contenus à géométrie variable. Ils ne le peuvent qu'à la condition que les tenants de la laïcité "tout-court" aient abandonné le champ du débat public.
Le combat pour la Laïcité n'est toujours pas achevé.
Il est indispensable aujourd'hui de nous interroger sur les objectifs que nous, ses défenseurs, devons viser ; quels moyens devons-nous inventer et quels territoires (intellectuels, moraux et physiques) devons-nous reconquérir ?
C'est ainsi qu'une bonne conception de la Laïcité doit conduire à s'attaquer d'abord aux causes de rupture du Vivre Ensemble plutôt qu'à ses seules conséquences. N'est-il pas essentiel de comprendre pourquoi le discours laïque "traditionnel" n'est pas compris dans certains espaces de la République ?
La Fraternité.
C'est un concept complexe, difficile à cerner, ses acceptions et ses emplois sont multiples. C'est un état particulier du Vivre Ensemble où la différence devient complément, l'altérité richesse.
Institutionnellement, il est issu du vocabulaire révolutionnaire. Il traduit la volonté de substituer à l’organisation en ordres de l’Ancien Régime, un lien universel entre les hommes. « Salut et fraternité » est le salut des citoyens pendant la période révolutionnaire.
La Fayette, lors de son serment de la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, l’illustre ainsi :
«Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l'intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu'elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité»
Il faudra attendre la Constitution du 27 octobre 1946 (IV° République) pour qu’elle entre dans le bloc de constitutionnalité, avec la devise "Liberté, Egalité, Fraternité" à l'article 2.
La Fraternité prend son sens général par sa dimension morale. Différents groupes humains s’y réfèrent pour exprimer soit dans leurs intitulés, soit dans leurs propos, la nature tant des liens qui unissent leurs membres que des buts qu’elles poursuivent. Dans cette diversité polysémique, on peut être surpris lorsqu’elle se révèle parfois bien peu universelle...
Gérard Contremoulin
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