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Le Blog pour Tous d'un franc-maçon. "La loi morale au fond de notre coeur et la voute étoilée au dessus de notre tête". Emmanuel Kant Les pseudonymes ne sont plus acceptés pour les commentaires. (4.11.2018)

19 Mar

Les Utopiales maçonniques entre Bordeaux et Clermont-Ferrand.

Publié par Sous la Voûte étoilée  - Catégories :  #Réflexions - Conférences - TBO

Les Utopiales maçonniques entre Bordeaux et Clermont-Ferrand.

Plaidoyers pour la Fraternité, voilà les ordres du jour de la 5° édition des Utopiales maçonniques qui se sont déroulées cette année dans différentes villes de France .

 

Les francs-maçons du Grand Orient de France et leurs loges ont présenté leur méthode de travail. A l'invitation lancée dès son installation en septembre dernier par leur Grand-Maître, Philippe Foussier, ils ont évoqué dans les formes les plus diverses, à leur image, ce principe fondamental pour eux : la Fraternité.

 

A Bordeaux, lors d'un rassemblement des francs-maçons autour de trois de leurs loges, nous avons évoqué : 

 

"La Fraternité, perspective pour demain".

Voici l'introduction que j'ai proposée :

 

Élément la devise de la franc-maçonnerie et de la République à partir de la moitié du XIX° siècle, la Fraternité est un concept complexe, difficile à cerner tant ses acceptions et ses emplois sont multiples.

 

L’histoire atteste qu’elle est un défi permanent. Autant la Liberté et l’Égalité sont encadrés par des normes institutionnelles, législatives et réglementaires, et qui génèrent des infractions susceptibles d’être sanctionnées, autant la Fraternité ressort du domaine de la morale.

 

Et lorsqu’elle est évoquée dans un texte fondamental, comme l'article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, c’est en ces termes :

"Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité."

 

La fraternité se construirait alors sur la conscience du lien de ressemblance entre les êtres dotés de raison, sur le choix de se réunir plutôt que de se séparer.

 

J’envisagerai :

  • La Fraternité et son histoire
  • Les enjeux de la Fraternité
  • Les perspectives qui se dessinent pour la construire.

 

I – La Fraternité et son histoire.

Terme essentiel de 1789, la Fraternité traduit la volonté de substituer à l’organisation en ordres de l’Ancien Régime, un lien universel entre les hommes. « Salut et fraternité » est, alors, le salut des citoyens.

 

La Fayette, lors de son serment[1] de la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, l’illustre en parlant des « liens indissolubles de la Fraternité » qui doivent permettre de « demeurer unis ».

 

Sous La Terreur, ce sera : « Liberté, Égalité, Fraternité ou la Mort ».

 

Il faudra attendre novembre 1848 pour qu’elle apparaisse dans les textes constitutionnels à l'article IV du préambule : « Elle (la République française) a pour principe : la liberté, l’égalité et la fraternité. »

Et c’est sur elle que se fonde le droit social dans l'article VIII du même préambule : « Elle (la République) doit, par une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler ».

 

Sous l’Occupation, Fraternité est le titre d'un journal clandestin de la Résistance.

 

Mais il faudra attendre le 27 octobre 1946 (IV° République) pour qu’elle entre dans le bloc de constitutionnalité[2]. Le terme est consacré dans les Constitutions de 1946 et de 1958, où il apparaît à l’article 2 dans la devise de la France : « Liberté, Égalité, Fraternité ».

 

Une obligation morale.

On le voit, la Fraternité prend son sens, y compris dans les textes officiels, par sa dimension d’obligation morale, la perspective d’unir tous les êtres humains.

 

Différents groupes humains s’y réfèrent pour exprimer soit dans leurs intitulés, soit dans leur objet social, la nature des liens qui unissent leurs membres ou des buts qu’elles poursuivent. Dans cette diversité, on peut être surpris qu’elle soit discriminante.

 

L’église catholique, lors du concile Vatican II, parle de « Fraternité universelle [3]». Mais cette universalité est cantonnée au dialogue interreligieux, excluant ainsi les non-croyants.

 

Les sectes par exemple, avec « la Fraternité Blanche Universelle ». Véritable alliance de mots, il s’agit là d’un mouvement sectaire important, créé en 1947, implanté dans le sud de la France (au Bonfin près de Fréjus).

 

Les fondamentalistes musulmans. S’appeler « Frères » est paradoxalement discriminant. Le monde est partagé entre ceux qui le sont et les autres.

 

A l’inverse, les évènements des 7 et 8 janvier 2015 (Charlie Hebdo, Hypercasher) ont suscité le 11 janvier un fort élan de Fraternité, à l'origine de nombreuses prises de positions, appels, initiatives.

Ainsi Abdennour Bidar, dans « Plaidoyer pour la fraternité » en février 2015 :

« ... je marche avec tous ceux qui veulent aujourd'hui s'engager pour faire exister concrètement, réellement, quotidiennement, la fraternité la plus large. Du côté de tous ceux qui ont compris que la fraternité universelle est la valeur qui a le plus de valeur ».

 

La Franc-Maçonnerie fait de la fraternité le socle de sa démarche qui s’illustre dans « La Chaîne d’Union » :

Promettons de conserver les uns pour les autres la plus fraternelle affection et de travailler sans relâche à réaliser la Fraternité Universelle.

 

Cette universalité se lit dans le temps et dans l’espace, à l’intérieur comme à l’extérieur des temples, posant ainsi la double perspective du cheminement du franc-maçon, temple intérieur et temple extérieur, introspection et extériorisation.

 

.../...

 

[1] La Fayette : «Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l'intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu'elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité»

[2] L’article 2 cite explicitement la devise : Liberté, Egalité, Fraternité.

[3] Vatican II, 1965, déclaration « Nostra Aetate », (« A notre époque »).

 

 

 

 

Les Utopiales maçonniques entre Bordeaux et Clermont-Ferrand.

​​​​​​Clermont-Ferrand. En début de soirée, pour commencer les cérémonies de son 150° anniversaire, la loge historique "Les Enfants de Gergovie" invitaient à une conférence publique dans l'amphithéâtre Michel de l'Hospital de la Faculté de Droit  :

 

" la Laïcité sans adjectif est l'outil de la Fraternité" .

 

que nous avons traité, Alain de Keghel (membre de cette loge) et moi devant un auditoire de trois cents personnes, francs-maçons et "profanes", en présence de Gérard Verrier, conseiller de l'ordre du GODF.

Les Utopiales maçonniques entre Bordeaux et Clermont-Ferrand.

Voici l'introduction de mon propos à cette conférence :

 

Laïcité ou Laïcisme, laïcité tout court ou avec un adjectif, anticléricalisme ou anti religion, liberté de conscience ou prosélytisme, intimité ou ostentation, sphère publique ou sphère privée, voire sphère « intime », voilà les termes du débat.

 

Les Francs-Maçons du Grand Orient de France « accordent une importance fondamentale à la laïcité ». Ce n’est pas une simple valeur mais un principe que l’on applique : « point, à la ligne ». Vouloir lui adjoindre le moindre adjectif, c’est vouloir la restreindre, la confiner dans un espace contraint, alors qu’elle n’aspire qu’à s’épanouir dans toutes les dimensions, dans tous les secteurs de la société.



 

Avec la philosophie des Lumières, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, clé de voûte du bloc de constitutionnalité, institue les principes de Liberté et d'Égalité comme premières caractéristiques de l'être humain : "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit"[1].

 

Elle garantit sur son sol l’exercice de la liberté de conscience afin que chacun puisse choisir librement son orientation politique, philosophique, confessionnelle.

L’article 1° de la loi de 1905 institue un principe clé :

"La République assure la Liberté de Conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public."

 

Ce principe guide les pouvoirs publics vis-à-vis des cultes, de la commune au sommet de l'État. Il stipule l'indifférence totale de l'État vis à vis des églises et de leurs cultes pour permettre la coexistence de toutes les sensibilités, de toutes les opinions, sans exclusive, sans préalable autre que le respect de la pensée d’autrui

L’article 2 trace sa feuille de route :

"La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.

 

Mais ses adversaires ne désarment pas.

 

Le Vatican et le clergé catholique ne se remettent toujours pas de la perte d'influence notamment sur le contrôle des consciences que lui assurait sa situation sous l'Ancien Régime.

 

Et si elle a fini par accepter la loi de 1905, c'est au prix d'une lutte qui perdure dans l'espoir d'affaiblir toutes ses conséquences, particulièrement dans les domaines de l'école et des mœurs. La franc-maçonnerie est l’une de ses cibles privilégiées depuis le pontificat de Clément XII, et la Bulle « In Eminenti » de 1738, dix ans seulement après l’arrivée de la franc-maçonnerie en France.

 

Contrairement à ce que prétend cet "éminent" écrit, il le faut pas cesser de redire que la Franc-Maçonnerie de propose AUCUNE Vérité. Au contraire, pour elle, "il n'y a de vérité que dans la recherche de la vérité". Et c'est probablement là que réside la source de cette haine : le refus de toute vérité révélée !

 

Le militantisme laïque n'est pas l'athéisme militant. Pour lutter efficacement contre tous les fondamentalistes, ce n’est pas refuser aux fidèles le droit d'exercer leurs cultes. C’est, en revanche, en fixer strictement les limites.  La loi de 1905 garantit leur exercice, dans le respect de l'ordre public, « dura lex sed lex » (la loi est dure mais c’est la loi).

 

Pour Catherine Kintzler, Le régime de laïcité articule le principe de laïcité (ou principe de réserve, d’abstention) dans l’espace participant de l’autorité publique avec le principe de liberté de manifestation dans l’espace civil public et privé (et intime).

On peut en déduire les deux dérives les plus fréquentes qui se présentent sous le terme de « laïcité » :

  • vouloir étendre la liberté dont jouit l’espace civil à la puissance publique (c’est la laïcité adjectivée : positive, plurielle, modérée, raisonnable, ouverte, apaisée…) ;
  • inversement, vouloir durcir l’espace civil en exigeant qu’il applique le principe d’abstention partout (extrémisme laïque). Une grande partie des questions posées récemment deviennent intelligibles à la lumière de cet effet de balancier.

 

.../...

 

 

[1] Article 1° de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 aout 1789.

Les Utopiales maçonniques entre Bordeaux et Clermont-Ferrand.

Pour tracer une perspective : promouvoir notre culture maçonnique, l’universalisme.

 

Enseignement de la philosophie des Lumières, l’universalisme pose l’humain comme créature supérieure à toutes les autres puisque disposant de la Raison, de la parole et de la faculté de s’organiser sur la base du consentement mutuel.

 

Accepter le débat contradictoire.

La base de la réflexion est la confrontation à la différence. L’homme se définit par rapport à ce qui est différent de lui. Mais la confrontation des idées n’est pas synonyme d’affrontement des personnes ; un rapport de force ne se traduit pas forcément par la violence ; dans un échange il n’y a pas obligatoirement un vainqueur et un vaincu. Les francs-maçons savent qu’il y a une troisième voie. Celle de la recherche de la vérité parmi les contradictions, une voie qui accepte la différence comme un enrichissement de la pensée.

Loin d’être une pétition de principe, c’est un projet de vie, un projet politique majeur : l’universalisme.

 

Respecter toujours notre règle d’or.

Concevoir les hommes en tant que citoyens réunis dans une même communauté de destin, et envisager d’étendre cette communauté à l’ensemble de l’humanité, telle est l’ambition maçonnique, son utopie fondamentale. Nous y retrouvons les idéaux de 1789, « éclairés », corrigés parfois, par ceux des Lumières. Tout ce qui sépare les hommes, naissance, couleur, sexe, handicap, religion, richesse, qui les renvoie à la situation d’avant l’avènement de la suprématie de la Raison est à proscrire.

 

Cette règle d’or ne connaît aucune frontière, ni intellectuelle ni terrestre. Elle a vocation à s’appliquer là où l’Homme se trouve. Elle proclame la profonde unité du genre humain, au-delà des pays, des couleurs, des cultures, et la légitime aspiration de chacun de ses membres à la connaissance, à la paix et au bonheur. Elle envisage les conditions pour se dérouler : accepter l’autre dans ses différences ; elle ouvre la perspective :  construire avec lui la société de demain. Elle trace les contours de cette société : liberté, égalité, fraternité pour tous et par tous.

Cette Règle d’or, l’universalisme est à la fois le but et le moyen. Voilà pourquoi s’engager dans l’universalisme c’est réinvestir le champ de la bataille des idées.

 

Dans cette bataille, on ne peut faire l’impasse sur le Transhumanisme et s’interroger pour savoir s’il peut être un nouvel humanisme.

L’ancien Grand-Maître Christophe Habas a fortement œuvré pour que le GODF s’implique dans la réflexion prospective ouverte par le Transhumanisme et les recherches sur l’Intelligence artificielle.

 

Il faut aborder cette question sous l’angle de l’avènement de la troisième révolution industrielle (voir Luc Ferry, La Révolution transhumaniste, Plon 2016) : celle provoquée par le formidable développement des NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique (big data, Internet des objets) et cognitivisme (intelligence artificielle et robotique)). Révolution conduisant à la fois au transhumanisme, l’homme augmenté et au posthumanisme, l’homme hybride (humain-machine).

 

Si l’on perçoit assez bien ces deux orientations et les questions qu’elles posent à notre conception de l’humanisme, il est moins aisé en revanche d’envisager celles qu’ouvre l’Intelligence Artificielle.

 

L’une est connue, l’IA faible. Elle se constitue d’apprentissages successifs mais son extraordinaire capacité de calcul dégage une impression de puissance phénoménale. Ne faisant que répéter, elle n’a pas conscience d’elle-même.

 

Et l’autre, l’IA forte qui n’est encore qu’un pari de chercheurs, aurait la capacité de réfléchir d’une manière autonome et surtout d’avoir conscience d’elle-même. Cette IA forte serait capable, en alimentant les NBIC, de développer tout azimuts les potentiels (longévité, santé, performances intellectuelles, physiques, de mémoire, etc.) de cet homme « augmenté ».

Pourrait-on alors parler d’humanité nouvelle, de post humanisme, d’une nouvelle conception de l’humanisme, en accord avec nos principes ?

Telle est l’une de nos tâches prioritaires, l’une de nos utopies.

 

Aller vers l’obédience idéale.

Si nous mettons en chantier, dans nos loges, une réflexion prospective visant à une réelle, concrète, "amélioration de l'Homme et de la Société », hors des cadres habituels du prêt-à-penser contemporain, alors, peut-être que cette pensée jauressienne « Partir du réel pour aller à l’idéal », tracerait, à sa manière, notre perspective.

 

Ne nous interdisons rien, ni sujet, ni expression, ni bouleversements éventuels.

L'heure est à la mise en commun de nos ressources, tant intellectuelles que matérielles pour chercher des issues, apporter des réponses humanistes aux questions qui assaillent et vont assaillir notre société.

Indéniablement, les Sœurs et les Frères, dans leurs Loges, dans les obédiences libérales, abordent ces questions. Peut-être faudrait-il penser aux convergences possibles ? Il revient aux exécutifs obédientiels d’en organiser les conditions.

 

Le Grand Orient de France, peut penser avoir, par son histoire, la responsabilité de créer les conditions pour construire un avenir à la hauteur de cet enjeu. Ce défi nous commande de développer une maçonnerie de l’engagement au service des principes d’émancipation de toutes tutelles. Ce challenge sera un excellent moyen de lutter contre un déclinisme qui nous dessine un monde sur lequel plane une nuée inquiétante d’incertitudes, où les Lumières s’éteignent une à une. Une maçonnerie idéale pourrait naître de cet enjeu…

 

L’utopie est un chemin.

 

 

Gérard Contremoulin

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