L'Italie, l'Europe et les vieux démons.
Les dernières élections italiennes ont conduit à un accord politique (le code éthique) entre la Ligue (ex Ligue du Nord) de Mattéo Salvini (37%) et le Mouvement 5 Etoiles de Luigi Di Maio (32,7%). Cet accord prévoit d'interdire aux francs-maçons l'entrée au gouvernement.
Mais, si l'on a frôlé la crise politique lors de la mise en place du gouvernement issu de ces élections, ce n'est pas sur cette question.
Lorsque le Président de la République italienne, Sergio Mattarella, refuse la première proposition de Giuseppe Conte, il s'oppose à la nomination d'un euro sceptique notoire aux finances. Il s'appuie sur le rôle historique de l'Italie dans la construction européenne. Les éléments d'une crise politique sont en place.
Luigi Di Maio, le leader du Mouvement Cinq Etoiles et Matteo Salvini, du parti d'extrême droite la Ligue. Photos Tiziana Fabi. AFP
Moyennant quelques aménagements prenant en compte le veto présidentiel, elle est rapidement déliée. Sergio Mattarella finit par accepter une nouvelle composition de gouvernement qui obtiendra le 6 juin une large confiance au Parlement.
Fermer le ban !
Plus personne n'évoque désormais l'interdit scandaleux fait aux francs-maçons.
Pourtant.
Ne nous y trompons pas, les vieux démons de l'Italie fasciste de Mussolini refont surface. En 1925, le Duce avait commencé par interdire la Franc-Maçonnerie pour passer ensuite, à l'interdiction de la presse puis, une à une, à contrôler, restreindre et à interdire les libertés publiques.
Le populisme est un courant politique qui connaît une forte croissance en Europe avec des succès électoraux importants en Tchéquie, en Autriche, en Hongrie, en Pologne, en Italie. Partout, il se fait menaçant pour les Droits de l'Homme et les libertés publiques.
La maçonnerie a très vite réagi.
La Franc-Maçonnerie a toujours été la cible des mouvements autoritaires, sous toutes leurs formes. La Liberté, qu'elle soit de penser, de pensée, de conscience, individuelle et collective, est leur principal adversaire.
Que La Ligue tente de justifier sa position par le souci d'éviter les dérives mafieuses, laisse pantois. En effet, on pense immédiatement à la "loge P2" du néofasciste Licio Gelli.
Or celui-ci est un proche de Sylvio Berlusconi, qui a soutenu avec tous ses moyens La Ligue.

Le Grand Orient d'Italie, par la voix du Grand-Maître Stefano Bisi, indique :
«Les citoyens doivent comprendre que ce qui touche aujourd’hui la franc-maçonnerie peut très vite concerner d’autres associations. La mesure contenue dans le contrat de gouvernement est une sorte de ballon d’essai.»
Les autres obédiences italiennes joignent très rapidement leurs voies à cette avertissement.
Puis, les obédiences maçonniques françaises et l'Alliance Maçonnique Européenne ont réagi.

Voici l'interview que Philippe Foussier, Grand-Maître du GODF a donné à Conspiracy Watch :

L'Alliance Maçonnique Européenne, qui représente 34 Obédiences implantées dans 14 pays en Europe et leurs 170.000 membres, a publié cette prise de position :
Une menace à prendre très au sérieux, en France aussi.
Cette interdiction s'inscrit dans un mouvement en pleine croissance, qui menace les libertés publiques alors que nos pays sont touchés de plein fouet par les conséquences de l'ultralibéralisme. Et l'histoire nous a montré que chacun de ce type d'interdiction commence par les francs-maçons.
Il faut donc prendre cette interdiction pour ce qu'elle est : la volonté de disqualifier, par principe, les francs-maçons dans leur qualité de citoyen. Et l'on aurait tort de s'abriter derrière son inconstitutionnalité alors qu'on a vu comment, devant une volonté politique ou un rapport de force, la loi constitutionnelle pouvait être abolie.
Depuis plusieurs années, nous en connaissons les prémisses. Des forces politiques, des médias s'en font l'écho quand ils ne participent pas directement à son expansion.
Le projet d'interdire par exemple aux francs-maçons l'accès à la fonction publique n'est pas seulement le fait de l'extrême droite ou des fondamentalistes de toutes religions (catholique, musulmane, évangélique ou juive), il est exprimé ouvertement par des "journalistes d'investigation" qui ont connu de beaux succès de librairies avec leurs "enquêtes". Les protestations ont été timides.
Cette offensive anti-maçonnique concerne tous les francs-maçons, de quelque obédience qu'ils soient. La Franc-Maçonnerie, qui représente une alternative à la pensée soumise, est un rempart qui, pour les anti-maçons, doit céder.
Comprenons bien ce que cela va entrainer pour chacun de nous et pour chacune de nos obédiences.
Une contre offensive, large, interobédientielle, qui prenne appui sur les Droits de l'Homme, la séparation des églises et de l'Etat, la liberté absolue de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, est absolument indispensable pour contenir cette menace contre les libertés publiques constitutionnelles.
Gérard Contremoulin
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