Le Président Macron préparerait-il LA transgression ?
Depuis plusieurs mois, tout ne se passerait-il pas comme si le Président Macron préparait l'opinion à une transgression majeure des principes républicains au premier rang desquels l'égalité de traitement des citoyens et la Séparation des églises et de l'Etat.
Ses dernières déclarations à l'occasion de son discours sur la situation des banlieues est d'une grande et dangereuse ambiguïté sur le thème très sensible de l'essentialisation.
L'évocation des "deux mâles blancs ne vivant pas dans ces quartiers" à propos d'un "plan banlieues" qui n'aurait donc pas de valeur, a des raisons d'inquiéter.
Plutôt que de restreindre le débat à une polémique qui ne retiendrait que l'aspect binaire de la situation, habitude propre aux politiques, les francs-maçons doivent essayer de trier dans les arguments échangés et les propos tenus pour comprendre ce qui se dit et ce qui se prépare.
Vouloir tirer les conclusions de plusieurs décennies de politique de la ville (en fait, depuis 1981-1982 avec les rapports Dubedout, Bonnemaison et Schwartz) et constater que si des évolutions se sont produites, la situation n'est toujours pas -loin s'en faut- satisfaisante, est nécessaire.
Signaler que des partenaires associatifs dans ces quartiers se sont engagés et y ont acquis de la légitimité est essentiel. Reconnaître qu'ils sont en situation de faire des propositions, d'élaborer des projets adaptés est juste.
Mais choisir de prioriser cette situation domiciliaire pour disqualifier une réflexion politique et les reconnaître comme seuls légitimes reposerait sur une logique déterministe. Une logique selon laquelle il ne serait possible de concevoir des réponses adaptées à des situations spécifiques qu'en fonction de son propre lieu de vie, voire de son sexe ou de la couleur de sa peau.
Cette logique n'est pas nouvelle et a montré ses dérives vers la radicalisation. C'était celle dite des "Grands Frères", dans les débuts de la politique de la Ville...
Attention, danger !
Qui ne voit le danger de ce genre de propos, dès lors qu'on les sort de leur contexte ? Certes, le Président ne dit pas que cela, il insiste même sur la nécessité de trouver des solutions qui soient des alternatives aux situations vécues dans ces quartiers.
Mais qui ne voit, également, dans les mots eux-mêmes, l'amorce d'une logique qui pourrait mettre à mal l'Egalité entre les membres de la communauté nationale. Pourquoi se référer à un sexe, le mâle et à une couleur de peau, le blanc, d'autant que cela renvoie forcément à ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre ? Qui ne voit que cela institue une différence que l'on a peine à qualifier ?
Deux voies très dommageables pour le rassemblement de nos concitoyens sur les principes républicains.
D'autant plus dangereux que ces propos présidentiels viennent après une série d'autres qui pourraient, eux-aussi, préparer cette transgression majeure, celle du statut des religions dans notre pays.
C'est une question récurrente depuis le 9 décembre 1905 et l'on observera que le Président choisit, depuis septembre dernier, des circonstances symboliques fortes pour s'adresser spécifiquement aux fidèles de tel ou tel culte. Ce qui pourrait s'apparenter à une démarche prosélyte est difficilement conciliable avec le statut de Président de la République française.
Le mot de Laïcité fait toujours débat.
Ferdinand Buisson en donne une première définition dans son Dictionnaire de Pédagogie (300 auteurs, plus de 2.600 articles, 10 ans de travail) paru en 1887.
Aujourd'hui, à fleuret moucheté ou frontalement, par périphrases ou par protestations, l'échange d'arguments est permanent. Pour autant, il est utile de faire une mise à jour. Et l'attitude qu'adopte le Président de la République nous en fournit l'opportunité.
La Séparation n'est pas schizophrénique.
Le Président de la République et le citoyen élu à cette fonction sont deux personnages qu'il faut considérer distinctement et ne jamais les amalgamer. Le premier est le garant des institutions de la République, donc de ses principes et le second est une personne privée qui bénéficie, comme tous les citoyens, de la garantie de disposer de sa liberté de conscience.
Lorsque le second exerce la fonction du premier, celle-ci lui dicte l'impérieuse nécessité de respecter l'ensemble de la communauté nationale, au delà des croyances de telle ou telle "section" du peuple ou de la sienne propre. Le Président de la République, ès-qualité, est indifférent aux cultes puisqu'il est le garant de la liberté de conscience de tous.
L'évolution de la fonction vers un "président 24h/24h" entraîne qu'il soit donc soumis en permanence à cette règle.
Le texte ci-dessous montre comment une transgression s'opère dans le cas de M. Emmanuel Macron avec le soutien du mouvement qu'il a créé.
Vers l'idéologie communautaire ?
Depuis quelques mois, le Président Macron s'applique à s'adresser aux différents cultes en leur tenant un discours d'appel à participer, en tant que tels à la vie de la Nation pour ce qu'ils ont de spécifique. Ce faisant, et malgré ce que prétendent les lignes ci-dessus, il découpe la communauté nationale en communautés distinctes, donc séparées, laissant entendre qu'elles mériteraient un traitement spécifique. Avec un évident talent, il leur dit ce qu'elles ont envie d'entendre.
Il parle devant le colloque organisé à l'occasion du 500° anniversaire des protestants "Protestants 2017", le 22 septembre 1017, en l'Hôtel de Ville de Paris (vidéo du discours).
Le président de la fédération protestante de France, François Clavayrolie avait pourtant insisté préalablement sur le rôle incontournable des institutions républicaines
Il parle au diner du CRIF (discours), le 7 mars 2018.
Pour autant, dans notre pays, les citoyens de confession juive se sont toujours placés sous la protection des lois de la République. Même si, parfois, la douleur des attentats a pu venir modifier cette règle, comme le montre le débat à propos de la participation à la marche blanche pour Mme Knoll, entre son fils et président du CRIF.
Il parle devant la conférence des évêques de France (discours), le 9 avril 2018 au Collège des Bernardins.
.../... Certes, les institutions politiques n’ont pas les promesses de l’éternité ; mais l’Eglise elle-même ne peut risquer avant le temps de faucher à la fois le bon grain et l’ivraie. Et dans cet entre-deux où nous sommes, où nous avons reçu la charge de l’héritage de l’homme et du monde, oui, si nous savons juger les choses avec exactitude, nous pourrons accomplir de grandes choses ensemble.
C’est peut-être assigner là à l’Eglise de France une responsabilité exorbitante, mais elle est à la mesure de notre histoire, et notre rencontre ce soir atteste, je crois, que vous y êtes prêts.
Monseigneur, Mesdames et Messieurs, sachez en tout cas que j’y suis prêt aussi.
Sur le fond, on ne peut s'empêcher d'observer comment la notion de "bien commun" est communément citée sans bien intégrer que cette notion, issue de l'oeuvre de Thomas d'Aquin, est directement la signification de Dieu. La République lui a substitué la notion d'Intérêt Général. C'est l'un des arguments, la République, sur lequel se cristallise le débat.
Auquel répond en écho aujourd'hui le discours des groupes traditionalistes comme Civitas... qui prétend "foncer sur la chiennaille laïciste".
Bien évidemment ce discours est minoritaire et éminemment provocateur. Néanmoins, il entretient la "flamme" anti républicaine. L'intervention ci-dessous est un florilège du genre.
L'ambiguïté du discours présidentiel doit être levée.
La France n'est pas une collection de communautés, un empilement de différentes composantes, toutes définies sur une base cultuelle. Elle est constitutionnellement indivisible, laïque, démocratique et sociale.
Or, l'ambiguïté présidentielle ouvre un boulevard à ceux qui revendiquent la reconnaissance de leur culte, c'est-à-dire -et il faut insister sur ce point- de leurs spécificités, vestimentaires, alimentaires, culturelles, sociale, voire juridiques, comme cela se produit en Angleterre. Elle conduit à la non-neutralité de l'Etat mais, au delà -et c'est le principal danger- elle fait appel aux spécificités cultuelles pour s'y substituer.
Le Président Macron rejoint sur ce terrain, même si ses explications diffèrent, le Nicolas Sarkozy du discours du Latran ou de Riyad et dans une moindre part le François Hollande qui confie à Jean-Louis Bianco l'Observatoire National de la Laïcité ou qui déclare au Parisien dans une formule curieusement retournée que "la République reconnaît tous les cultes".
Ce qui serait particulièrement dangereux dans une telle reconnaissance des religions, c'est l'organisation sociale qui se profilerait alors, où le fait religieux serait réintroduit comme un acteur déterminant dans l'édification de normes. L'ambiguïté du discours présidentiel réside là, lorsqu'il insiste auprès des protestants en leur disant : "j'ai besoin de vous" ?
Et, tous, dans leurs exercices, affectent d'oublier la non-croyance, l'Athéisme.
Refuser l'essentialisation.
La France est un pays où la liberté de conscience est garantie par la constitution. Dans l'exercice de cette liberté, les religieux de toutes confessions sont d'accord sur un point : faire apparaître la vie comme essentiellement guidée par une vérité révélée, une transcendance qui surpasse la raison et qui l'inspire vers les hautes sphères de la mystique religieuse. Chacun serait d'abord défini par sa conviction religieuse avant toute autre considération. C'est l'exact opposé du principe de Laïcité.
Et encore une fois, dans cette représentation de la nation manquent celles et ceux, pourtant majoritaires aujourd'hui, qui ont choisi de ne pas croire, soit parce qu'il doute de toute révélation, les agnostiques, soit qu'ils ont choisi de refuser de s'en remettre à une supposée vérité d'ordre supérieur, les athées.
On peut avancer une autre hypothèse qui consisterait à observer que le Président balaye large, lorsqu'il fait ou laisse tenir par ses ministres des discours aux deux extrémités du spectre.
L'un, Gérard Collomb, défend le principe du "dialogue inter religieux", et deux autres, Marlène Schiappa et Jean-Michel Blanquer, celui d'une laïcité non adjectivée, celle des principes de la loi de 1905.
Deux discours opposés qui permettraient au président, ensuite, de ramasser large en apparaissant comme le garant de l'existence des différentes communautés.
Comment accepter ce grand écart ?
D'autant que le "grand discours" promis sur la Laïcité n'arrive pas. On remarquera qu'en bon gestionnaire du temps politique, il dispose encore de quatre années pour atteindre son objectif.
Mais quel est-il vraiment ce discours ?
D'autant que les prochains travaux parlementaires vont permettre aux religieux de réoccuper le devant de la scène.
La révision des lois de bioéthique.
La prochaine révision de la loi de bioéthique ouvre une troisième hypothèse. Le Président viserait à anticiper sur les oppositions des religieux et/ou des différents courants traditionalistes et fondamentalistes vis à vis des perspectives d'évolution de la loi tant sur la fin de vie que sur la PMA ou la GPA.
Difficile, là encore, de le suivre dès lors que l'on se rappelle que jamais les "gages" donnés préalablement les ont fait reculer en quoi que ce soit sur leurs revendications.
S'appreterait-il alors à faire des concessions aux courants "main stream" des religions face à leurs fondamentalistes pour établir un gentleman agreement en forme de compromis "raisonnable" ?
On voit assez bien le type de résultat susceptible d'être obtenu. Quel progressisme peut-on attendre sur l es questions de bioéthique qui sont le centre de gravité de leurs doctrines ?
Que proposons-nous ?
Face à cette formidable confusion qui se propage dans les esprits ; face aux évolutions TGV qui recomposent le corps social ; quand la République vacille sur ses bases, lorsque certains de ses enfants ne trouvent auprès d'elle ni la Liberté, ni l'Egalité, ni la Fraternité ; quand son école reproduit les inégalités sociales ; quand le niveau de chômage crée une exclusion irrémédiable, l'heure n'est plus aux proclamations.
que faisons-nous ?
Notre principale difficulté tient dans la nécessaire remise en cause de la grille de lecture à laquelle nos générations ont été biberonnées.
Les francs-maçons n'ont pas d'autres choix que de se lever pour affronter
Gérard Contremoulin
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