A propos du prosélytisme fondamentaliste sur le service public.
Qu'un archevêque développe des propos parmi les plus fondamentalistes, dans la droite ligne des cathos-tradits, n'est en fin de compte qu'une confirmation de la dangerosité de la croyance religieuse. Mais, qu'il le fasse en direct sur une radio du service public, France Culture, est parfaitement incompréhensible.
Dimanche 15 juillet, M. Cattenoz, archevêque de son état, s'est répandu sur France Culture, dans une attaque homophobe particulièrement nauséabonde. Toute la diatribe de la Manif pour tous est au rendez-vous et pour faire bonne mesure, il ose mettre en cause la mémoire de la courageuse inspiratrice de la législation permettant l'avortement, Simone Veil.
Merci à Thierry Sessin-Caracci d'avoir signalé cette vidéo.
La Laïcité, une nouvelle fois, pâtit de cette abdication de la volonté républicaine que devrait pourtant illustrer le service public.
Au moins, aurait-il été logique que la contradiction lui soit apportée par un commentaire soit d'un journaliste, rappelant par exemple les antécédents de ce Monsieur à propos de la GPA, PMA, mais surtout sur sa mise en cause de la République, soit par un invité laïque, athée ou agnostique. Mais cette pratique du contradictoire, pourtant marque du raisonnement, est absente des usages de France Culture.
Pas de prosélytisme religieux sur le service public.
En l'absence de contradiction, cette émission apparaît comme un acte prosélyte, ce qui n'est pas acceptable sur le service public.
Et pourtant, cela a été accepté. Pourquoi ?
Les pouvoirs publics semblent s'orienter vers une vision concordataire des relations entre l'Etat et les religions. Le dialogue inter religieux, prôné par le ministre de l'intérieur avec le soutien de plus en plus avéré du Président de la République, tend à remplacer la logique de séparation des églises et de l'Etat.
Serions-nous entrés dans la phase de préparation de l'opinion à des concessions majeures en matière de relations entre Etat et cultes ? Assisterions-nous à la "réparation" du lien dont Emmanuel Macron considérait devant la conférence des évêques de France, qu'il était "abimé" ?
Quoiqu'il en soit des développements de la stratégie anti laïque de l'Exécutif, il est urgent de se préparer à le contrer, y compris en cette période estivale.
Pour une véritable pédagogie de la laïcité.
L'enjeu de la période se situe désormais dans la capacité des humanistes à se relancer dans la bataille des idées, à réinvestir le débat idéologique sur les grands choix de société.
En matière de Laïcité, nous devons faire le constat que la manière dont nous en parlons, n'a pas apporté tous les fruits que nous étions en droit d'attendre. Nous devons comprendre que les grandes célébrations de la Laïcité ne s'adressent finalement qu'à celles et ceux qui sont déjà convaincus. Ce sont, bien évidemment, des cérémonies qui font chaud au coeur des militants laïques. Mais force est de constater, si l'on fait un retour sur la dernière décennie, que nos appels à la fraternité, au rétablissement des conditions du Vivre-Ensemble, sont toujours autant nécessaires, montrant par là qu'ils n'ont pas eu l'effet attendu.
Il faut probablement changer notre méthode.
Nous ne pouvons plus nous contenter de répéter, nous devons innover, adapter nos explications aux préoccupations de ceux qui sont le plus éloignés de nous. Tout simplement parce qu'ils ne comprennent pas ce que nous essayons de leur dire. Nous devons prendre en compte les spécificités des territoires de la République, de tous les territoires. Refuser l'essentialisation, le différentialisme, n'est pas qu'une position philosophique. Ce sont aussi des attitudes de la vie quotidienne qu'il faut pouvoir déconstruire auprès de ceux qui les pratiquent usuellement comme la seule référence culturelle.
De même pour l'égalité entre les femmes et les hommes, par exemple à l'hôpital, dans les quartiers, il faut expliquer en quoi elle est essentielle pour le bien vivre. Nous sommes bien dans la bataille des idées.
Les pratiques de l'Education populaire sont certainement à redécouvrir.
Voilà le chantier qu'il faut ouvrir. J'aurai l'occasion de vous en dire davantage dans le courant du trimestre de la rentrée.
Gérard Contremoulin
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