Pour le paiement proportionné de la cotisation !
Les difficultés financières touchent la Franc-Maçonnerie comme elles touchent toutes les associations de la société civile.
Mais compte tenu de l'idéal humaniste qui l'anime, rien n'est pire que de constater que la lourdeur de la cotisation maçonnique dissuade les candidats et que certains maçons ne peuvent plus assumer leurs obligations.
Il faut prendre toute la mesure de cette situation. Elle constitue un défi car la solidarité est un devoir fondamental pour les francs-maçons. Saurons-nous le relever, sachant que maints exemples de son accomplissement jalonne notre histoire ?
Dès le XIX° siècle, des francs-maçons ont participé à la fondation des premières sociétés de secours mutuel alors qu'ils étaient membres d'organisations du mouvement ouvrier. Des loges ont pris des initiatives de solidarité pour venir en aide à leurs concitoyens, tant sur le plan pécuniaire, alimentaire, sanitaire que de l'enseignement.
Organiser la solidarité.
Progressivement, les obédiences se sont dotées d'instances nationales qui rassemblent des moyens pour exercer cette solidarité. Elles ont créé des orphelinats, des centres de vacances et même, à certains moments de l'histoire des ambulances et des centres de soins, des cours de langues, notamment d'allemand à partir de 1919...

Aujourd'hui, plusieurs Fondations et associations existent, animées par les obédiences. Et toutes interviennent dans la société. Elles reposent sur les dons de leurs membres. Compte tenu des nécessités d'intervention en constante augmentation, l'ampleur des dons est devenue insuffisante.
Paradoxe.
Pour autant, on assiste aujourd'hui, à une certaine césure entre l'échelon national et les loges, structures locales. Un peu comme si elles lui déléguaient le soin d'intervenir en leur lieu et place ; comme si les Soeurs et les frères choisissaient de déléguer à la structure nationale le soin de suppléer leur obligation de solidarité.
Un peu seulement car pour être complet, il faut préciser que dans la tradition maçonnique, chaque loge doit se doter d'une "caisse hospitalière" qui se manifeste à chaque fin de réunion par la circulation du "Tronc de la Solidarité" ou "Tronc de la Veuve" pour recueillir l'obole de chaque membre, les absents pouvant déléguer à celui qui l'excuse le soin d'y déposer la leur.
Paradoxe qui s'explique aussi par la relative modestie des sommes ainsi recueillies, alors que la crise s'accentue, que la pression s'exerce de plus en plus sur les citoyens, c'est-à-dire aussi sur les soeurs et les frères. Pour y pallier, certains loges invitent, de temps en temps, au "tronc papier". Le message est clair et recommande à chacun de faire l'effort de déposer un billet, à la mesure de ses possibilités.
Le paradoxe devient vraiment insupportable lorsqu'il apparaît que le niveau de la cotisation constitue une barrière à la candidature à une loge maçonnique.
Il est donc urgent de prendre en compte toutes les dimensions de cette difficulté.
Or, une solution existe.
Elle est expérimentée dans plusieurs loges du GODF. Elle consiste à personnaliser le montant de la cotisation et à en fixer le montant en proportion des ressources de chaque membre.
Deux difficultés ont été rencontrées :
- la décision de pratiquer un tel système appartient à chaque loge en raison du principe de souveraineté, du moins au GODF ;
- ce système apparaît comme dérogatoire au principe d'égalité entre francs-maçons. En fait ce n'est qu'une apparence puisqu'il revient à situer l'effort financier demandé en proportion du niveau de revenu. Ce qui remet un peu plus d'égalité entre les membres.
Ce débat est bien connu dans le monde profane sous le nom de progressivité, par exemple des contributions directes par opposition à la TVA sur les produits de consommation courante. Il est simple à comprendre que l'effort demandé pour payer le prix d'un steak est plus important pour un petit salaire que pour un salaire plus élevé.
Ces deux difficultés peuvent rendre assez ardu un débat en loge sur ce thème. Pourtant, ce système permet que la solidarité s'exprime au niveau de la loge, directement entre ses membres.
Comment fonctionne ce système ?
Il repose sur deux principes essentiels :
- la confidentialité entre deux acteurs, le trésorier et la Soeur ou le Frère dans un échange destiné à choisir le catégorie de référence ;
- le régime de la simple déclaration, sans exigence de preuve. En loge, sincérité et confiance sont de règle.
Il se déroule en 3 étapes :
1°/ Le montant de la cotisation.
Le Convent vote en Septembre le montant de la "capitation" due par chaque membre dans le cadre de l'adoption du budget général. La Loge va adopter ensuite, en début d’année maçonnique, la cotisation de base en ajoutant à la "capitation" les sommes qu'elle estime nécessaire pour son fonctionnement, à partir d'un budget prévisionnel présenté par le Trésorier.
2°/ Le barème.
La loge établit ensuite un barème qui comporte, par exemple, 5 tranches de revenus, celles établies par l’administration fiscale.
La 3° tranche, médiane, correspond à la cotisation de base "x".
Les tranches 1 et 2, inférieures en montant de revenus, correspondent à deux cotisations inférieures à la base, séparées l’une de l’autre de 50 €.
Les tranches 4 et 5 correspondent aux tranches supérieures et aux cotisations supérieures…
Ce barème peut se présenter ainsi :
Tranches |
Cotisation |
|
|
x - 100 € |
2 6001 à 12.000 |
x - 50 € |
3 12.001 à 26.000 |
x € |
4 26.001 à 70.000 |
x + 50 € |
5 70.001 et plus |
x + 100 € et plus |
3°/ Le positionnement sur la grille.
Le montant des revenus à prendre en compte est le revenu personnel de la Soeur ou du Frère. Chacun indique au Trésorier, dans un échange bilatéral et discret, la place qu’il occupe sur cette grille.
Nous situant dans un contexte de confiance fraternelle, il n’est pas demandé la production d’aucun document fiscal. Le Trésorier a tout pouvoir, en liaison avec le Président de l'Atelier, pour examiner les situations particulières qui pourraient lui être présentées.
Sur la base de cette collecte d’informations, le Trésorier peut ensuite établir un état des recettes prévisibles et vérifier sa compatibilité avec son budget prévisionnel.
Réflexions.
En plusieurs années d’expérience de ce système dans une Loge dont j'étais le président, le rendement aura été souvent supérieur à celui qu’aurait produit un système sans proportionnalité !
Il permet aux jeunes maçons, dont les moyens financiers sont plus incertains ou à celles et ceux qui rencontrent des difficultés passagères, de pouvoir faire face à leurs obligations trésorières sans faire appel à la solidarité de l’Obédience. La proportionnalité y pourvoit au sein de la Loge.
Le périmètre de cette expérience, limité à quelques Loges du GODF, ne permet pas, évidemment, de conclure qu’elle serait une réponse à la trop grande lourdeur de la cotisation qui éloigne de nos colonnes les jeunes et les profanes aux moyens modestes. Mais elle en constitue néanmoins une sérieuse hypothèse.
Bons débats.
Gérard Contremoulin
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