A l'été, convent tu prépareras.
Curieux été où rien ne s'annonce comme prévu.
Une canicule à répétition a sévi plus d'un mois durant et il a plu des balles de tennis ;
le Stromboli a affirmé ses preuves fulminantes de vie et semé panique et mort à l'entour ;
Carola Rackete, capitaine-courage du Sea Watch, a su bravé Mattéo Salvini, redopant le courage des humanistes ;
quatre-vingt-cinq femmes ont péri sous les coups féminicides de leurs conjoints ou ex ;
un maire soucieux de faire respecter la propreté de sa commune est mort écrasé ;
des permanences parlementaires ont été saccagées en obtenant une approbation à peine voilée d'autres élus et d'une partie de la population.
Et le GODF a communiqué.
Solstices dans les loges.
Comme à l'accoutumé, fin juin les loges ont procédé à leurs élections générales ; les congrès régionaux ont collecté les voix des loges pour le "quitus financier" et élu les nouveaux conseillers de l'ordre.
Le soleil irradie et les maçons partent en vacances. Le farniente va nous submerger de ses sollicitations et pourtant, la confiance habituelle en de pareils moments n'est pas au rendez-vous.
Pourquoi me sens-je en dehors de cette tradition ?
Le convent 2019
Seconde année de son édition rouennaise, le convent du GODF se déroulera du 29 au 31 aout au Zénith de Rouen.
Lors de son installation en septembre dernier, le Grand-Maître Jean-Philippe Hubsch avait lancé la perspective d’un Livre Blanc sur la politique Internationale du GODF. Et il avait été salué pour cette initiative.
La politique internationale devrait donc y tenir une place plus importante que les précédentes années. Cet axe de son programme a du susciter un débat, riche des expériences de nos loges.
Il convient de poser quelques réflexions préliminaires pour planter le décor d'un tel dossier.
L’universalité ne connaît ni frontière terrestre ni frontière intellectuelle. Elle s’épanouit dans l’échange, la confrontation et se nourrit des différences. Avec cette perspective, la dimension internationale de la Franc-Maçonnerie apparaît alors consubstantielle de son projet.
Néanmoins, la Franc-Maçonnerie qui se veut universelle n’est pas universellement libérale et a-dogmatique. Et les conséquences méritent d’être analysées.
1 – Les projets des Maçonneries.
Si la Franc-Maçonnerie semble se définir selon des buts communs, toutes les obédiences ne poursuivent pas exactement les mêmes objectifs, parfois loin s’en faut. C’est pourquoi les francs-maçons du GODF vont devoir prendre conscience de l’importance stratégique de l’action internationale de la maçonnerie libérale a-dogmatique au moment où l’on observe une nette perte d’influence de la Maçonnerie « Régulière » dans le monde.
Il faut bien comprendre qu’il s’agit de l’opposition entre deux modèles de maçonnerie.
- L’une libérale et adogmatique, porteuse des valeurs d’émancipation de l’Homme ET de la Société et du principe de Liberté Absolue de Conscience.
- L’autre s’interdit tout sujet religieux et politique et rejette formellement tout travail rituel en mixité.
Offrir une voie alternative à la maçonnerie régulière est aujourd’hui l’un des enjeux que le GODF devrait être en mesure de relever dans un contexte mondial où l’influence londonienne prédomine encore.
2 – La caractéristique d’une action internationale.
L’efficacité de toute action internationale se mesure à sa capacité à résoudre plusieurs difficultés :
- Savoir construire un projet dont le cœur vise l’émancipation humaine, l’égalité entre les hommes et les femmes, le développement de la Liberté Absolue de Conscience et la séparation des églises et des États.
- Permettre l’expression de la volonté du Convent souverain dans ce domaine et s’assurer de la constance dans l’action au niveau de l’Exécutif, ce qui ne va pas de soi avec le très important turn over au sommet de l'exécutif..
Pour ce faire, des pistes de solutions existent d’ores et déjà sur chacun de ces points et peuvent être renforcées.
- Tenir compte de nos capacités de financement pour programmer les objectifs,
- Mobiliser nos ressources internes pour contourner la barrière des langues.
Cela suppose qu’un nombre significatif de loges s’en emparent et l’inscrivent régulièrement dans leurs travaux, que des échanges puissent se réaliser, que des extériorisations régulières soient organisées. Bref qu’un rayonnement certain soit orchestré.
3 - Définir une stratégie.
Le développement d’une telle politique de développement doit reposer sur une stratégie de développement qui prenne en compte le bilan complet de nos actions aujourd'hui en rapport avec les structures maçonniques Internationales, les obédiences françaises présentes à l’international, avec nos contacts en Europe, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie.
4 - Les relations maçonniques internationales seront également au menu avec l’introduction aux débats du Livre Blanc, notamment avec la proposition de quitter le CLIPSAS.
Qu'est-ce que le CLIPSAS ?
Un peu d’histoire…
L’histoire des tentatives de rassemblement des obédiences est jonchée d’échecs, certains dus à l’impossibilité de surmonter les nationalismes guerriers des conflits de 1870, de 14-18 et de 39-45 entre les maçonneries française, allemande, italienne et espagnole principalement, d’autres à l’hostilité de la GLUA (voir ci-après la dissolution du BIRM et l’AMI).
Depuis la fin du XIX° siècle, des tentatives se sont faites jour et se sont confrontées aux différents courants du pacifisme dans la maçonnerie des pays d’Europe.
Sur la base des conférences de la Paix de La Haye, se sont construits :
- le BIRM (Bureau International des Relations Maçonniques : 1903-1920[1]). Il réussit à sortir du cadre bilatéral pour faire travailler les obédiences en multilatéral.
Mais, en 1920, le BIRM, créé sans le concours de la Franc-Maçonnerie anglaise, demande à ses pays membres de lui allouer des moyens supplémentaires pour développer la coopération entre les pays. Les obédiences maçonniques nationales régulières, refusent. La GLUA va en profiter pour reprendre la main. Elle somme la Grande Loge Suisse Alpina de rompre ses relations avec le GODF. C’est la fin du BIRM et sa dissolution.
- l’AMI (Association Maçonnique Internationale : 1921-1950[2]) va prendre la suite. Elle sera le partenaire maçonnique de la SDN (Société des Nations) de notre F\Léon Bourgeois. Elle comptait 30 obédiences en 1923 et quelques 500.000 maçons.
Mais la GLSA, administrateur opérationnel de l’AMI, la dissoudra en 1950 au profit de la Convention du Luxembourg (1954), plus conforme aux souhaits londoniens.
Cette convention reprenait, avec la GLS Alpina, les « 5 points de Winterthur » :
- La Grande Loge suisse Alpina reconnaît le Grand Architecte de l'Univers et L'invoque dans ses Travaux.
- Conformément aux anciennes traditions de l'Ordre, la Bible est placée sur l'Autel.
- La Suisse. La Grande Loge Alpina proclame solennellement son indéfectible Fidélité et son total Dévouement à la Patrie.
- La Grande Loge et les Loges ne s'immiscent pas dans les Affaires politiques et religieuse. A une demande d'instruction, un échange de vue mutuel est permis sur ces questions, mais il est interdit de voter ou d'en délibérer, ce qui entraverait la liberté de chacun.
- La Suisse. La Grande Loge Alpina se réfère pour les Points non traités par les présents Principes, aux Anciens Devoirs
Au passage, il n’est pas inutile de noter que la GLDF se rapprochera de cette Convention du Luxembourg, soutenue par la GLUA. On ne s’étonnera pas de retrouver des conditions, assez « curieusement » semblables à celles du projet avorté de Confédération Maçonnique Française (CMF) créée par la GLDF dans le prolongement de l’Appel de Bâle des 5 Grandes Loges Régulières d’Europe de juin 2012 (appel pour une Recomposition du Paysage Maçonnique Français (RPMF).
C’était une opération qui visait à ce que la GLDF obtienne la reconnaissance londonienne de Régularité que la GLNF venait de perdre. Pour ce faire, la GLDF devait se mettre en conformité avec la Règle. Les 7 points de l’article 1° de la CMF étaient :
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On sait depuis que la CMF n’aura vécu que quelques jours…
Mais cette séquence met en relief le rôle déterminant de la GLUA, directement ou indirectement.
Elle a établi une ligne de démarcation entre deux pratiques maçonniques : notre perspective maçonnique humaniste de maçonnerie libérale et sa propre politique internationale. Basée sur sa règle en douze points, elle ne s’embarrasse pas du respect des droits de l’Homme, de leur émancipation, de l’autodétermination des peuples et des principes issus des Lumières. Sa pratique est de ne reconnaître qu’une seule obédience par pays. Il existe donc une seule « Grande Loge Régulière nationale ».
Ce projet mort-né de RPMF autour de la GLDF montre qui donne le ton en matière internationale et comment elle procède.
Il faudra attendre 1961 et l’action résolue du couple GODF-GO de Belgique pour que le CLIPSAS soit fondé, sans la GLUA.
Pourquoi vouloir quitter cette organisation ?
La question est posée en ces termes :
Le GODF peut-il continuer, par sa présence, à cautionner un fonctionnement peu conforme à ses valeurs ? Ou doit-il se retirer définitivement du CLIPSAS ? En cas de retrait, la mise en place d'une nouvelle structure maçonnique internationale libérale, adogmatique et démocratique serait-elle pertinente ?
Deux types de raisons sont données.
A/ Le CLIPSAS ne serait pas fidèle aux valeurs de sa fondation.
Depuis 1945, les tentatives de rassemblement ont été nombreuses, assez disparates et à de rares exceptions près, éphémères. Dès lors, le CLIPSAS apparaît comme une initiative pérenne.
Le bilan qui nous en est fourni fait apparaître qu’il aurait lui-même manqué au respect de nos principes, au point que la seule solution serait de quitter cette organisation. Nous n’aurions de solution que la pratique tactique de la « chaise-vide » ?
Ceci suppose des éclaircissements, notamment sur le rôle que nous avons joué au cours des dernières années, depuis notamment que nous l’avons réintégré en 2010.
Quelle a été la politique du GODF durant cette période ?
2010-2018.
La constance dans l’action n’a pas vraiment été la marque de l’exécutif en la matière, le convent du GODF ne s’étant jamais vraiment doté d’une politique internationale. Les actions conduites l’ont été du seul choix des Grands-Maîtres, de leurs GSAE et des majorités qu’ils ont su réunir au sein du Conseil sur leurs choix.
Neuf années, sept Grands-Maîtres !
Lesquels n’ont pas, ni nécessairement ni systématiquement (litote !), choisi de poursuivre l’œuvre de leurs prédécesseurs. L’absence d’une feuille de route explicite aura été préjudiciable à notre lisibilité internationale là où certains responsables maçonniques sont constants depuis une dizaine d’années.
Ce préjudice se constate vis-à-vis des obédiences membres du CLIPSAS. Il touche le rôle à assumer à leur égard et les choix stratégiques qu’il aurait été indispensable de mettre en place. Une telle action n’est efficace que sur la durée, la détermination, l’audace et, surtout, la constance. C’est peu dire que la grande rotation à la Grande-Maîtrise et l’absence de feuille de route obédientielle n’a conduit qu’à l’illisibilité du GODF.
Le résultat s’est traduit par l’élection à sa présidence de François Padovani, ancien GM de la GLMF, lequel a su réunir sur son nom une majorité des 107 obédiences membres.
Comme dans toutes structures internationales, les alliances tactiques sont déterminantes. Chacun le sait et en tient compte, enfin, devrait… Là encore, l’échec de nos candidatures tout autant que, parfois, leur non présentation auraient dû être évaluées.
B/ Le GODF serait le principal contributeur du CLIPSAS.
Présenter la question quasi essentiellement sous l’angle budgétaire n’est pas le meilleur moyen d’engager le débat au fond. Voudrait-on échanger la défense de nos principes humanistes contre une économie de 3.625 € ? Car, c’est malheureusement à cela que revient la présentation qui est faite de la question des moyens.
Or, cette assertion n’est pas exacte et doit être corrigée par une meilleure connaissance de la règle en vigueur.
La cotisation est fixée à 50 centimes d’€ par membre + 125€.
Cette règle est assortie deux précisions importantes :
1 - elle plafonne à 7.000 membres la base du règlement de la cotisation des obédiences.
De sorte que les principaux contributeurs sont tous logés à la même enseigne soit 3.625€.
Ils étaient au nombre de 5 : GODF, GO de Belgique, FFDH, GLFF et GLI.
2 - Les obédiences dont l’effectif est inférieur à 7.000 paient au nombre exact de membres.
Ainsi :
- La GLMF, 4.800 membres, paie 4.800 x 0,50 = 2.400 + 125 = 2.525€.
- Le GO du Luxembourg, 518 membres, paie 518 x 0,50 = 259 + 125 = 384€.
Et si l’on rapporte cette cotisation à chaque membre
- GODF, 3.625€ : 53.000 = 0,07 € par membre
- GLMF, 2.525€ soit 0,52 € par membre
- GOL, 384€, soit 0,74€ par membre.
Cet argument est faux et particulièrement mal venu dans un argumentaire qui n'est composé que d'arguments qui se veulent "à charge".
En conclusion
Le choix de la forme référendaire, nécessairement binaire, se conjugue mal avec la complexité d’un tel sujet. D’autant qu’elle s’adresse à des Soeurs et des Frères qui sont peu ou pas du tout sensibilisés aux enjeux de l’action internationale du GODF comme l’attestent les précédents convents.
Aujourd'hui, la conclusion que propose le Livre Blanc serait de quitter le CLIPSAS.
Et, pour faire bonne mesure sans doute, est évoquée la perspective de créer une autre structure. Le GODF n'a-t-il pas, déjà, expérimenté une telle alternative avec le Secrétariat International Maçonnique des Puissances A-dogmatiques, le SIMPA, qui constituait à l’époque une initiative collective ? Qui se souvient même du nom aujourd'hui ?
Le GODF a montré sa grande difficulté à soutenir une politique internationale crédible dans le temps long. Dans ces conditions, il semblera bien difficile de convaincre les obédiences de la viabilité d’une nouvelle structure internationale, plus performante.
Peut-être faut-il raison garder.
Une politique internationale ne se vit que dans la durée, sur des objectifs clairs assortis de moyens adéquats. Or, le CLIPSAS est la seule structure réellement internationale maçonnique qui subsiste, certes bon an, mal an, mais quand même depuis 1961, soit depuis plus de 58 ans.
C’est ce à quoi le travail de réflexion initiée par le Livre Blanc devra s’attaquer en s’attachant à définir les axes de cette politique.
Et, au nombre de ces axes devra figurer le maintien du GODF au sein du CLIPSAS,
- assortie d’une définition claire des orientations à poursuivre,
- de l’attributions de moyens de réalisation précis
- et d’une grille d’évaluation.
L'organisation du GODF au niveau international y sera également abordée sous l'angle de la réduction du nombre de régions maçonniques de 17 à 15.
Plusieurs propositions sont faites dont l'une consiste à fusionner les deux régions hors métropole, la région 1, Antilles-Guyane et la région 3 dite Monde qui regroupe les loges du Togo, de Côte d'Ivoire, du Burkina Faso, du Cameroun, du Sénégal, de Tunisie, du Canada, des USA, d'Israël, du Liban et des TOM-DOM.
Le plus curieux tient dans la raison avancée selon laquelle cela permettrait de mieux respecter l'identité nationale.
Intéressante conception progressiste que celle qui renvoie à la période de l'empire colonial français.
Pourtant…
Vouloir développer une Franc-Maçonnerie qui promeuve les principes et les valeurs de la Maçonnerie Libérale, a-dogmatique suppose d’aborder sereinement et sans complexe les conditions d’existence de notre maçonnerie et de délibérer tout aussi sereinement des moyens qui doivent lui être attribués.
5 – Perspectives de développement.
Si « nul n’est prophète en son pays », les francs-maçons du GODF seraient bien inspirés de regarder et surtout d’entendre ce que certains des Frères et des Soeurs à l’étranger disent et attendent du GODF.
Trois siècles d’histoire attribuent à l’obédience une aura que ses membres sont probablement les seuls à ne pas voir, trop occupés qu'ils sont à traiter des problèmes hexagonaux.
La première obédience du pays des Droits de l’Homme, de la liberté absolue de conscience, qui a accueilli dans ses loges Voltaire, d’Alembert, Guiseppe Garibaldi, Simon Bolivar, Benjamin Franklin, l’émir Abd-El-Kader, Blaise Diagne, Félix Eboué, Léon M’Ba, est considérée comme le conservatoire de la tradition maçonnique d’émancipation. Cela crèe des devoirs à tout ses membres.
Gérard Contremoulin
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