Convent, Paix et Séparation
Il est un respect des plus précieux, celui du principe de séparation des affaires publiques et des affaires privées. Au point qu'il se suffit à lui-même.
Ainsi, chacun s'entendra pour trouver irrespectueux de ce principe tel ou tel responsable de l'Etat qui confondrait ses orientations confessionnelles personnelles et ses obligations électives. Ainsi trouvera-t-on irrespectueux le fait qu'un président de la République, qu'un ministre ou qu'un préfet se signe dans l'exercice de leurs fonctions. Nous l'avons rappelé ici maintes fois, que ce soit lors d'une visite au Vatican, lors de la participation d'un ministre aux cérémonies de béatification d'un pape ou lors du port d'un foulard par une ministre représentant la France à une cérémonie dans les pays du Golfe. Il en est de même du port de la kippa dans des circonstances analogues.
Dès lors qu'un culte célèbre un évènement de sa tradition cultuelle ou rituelle, c'est une affaire tout à fait légitime mais privée. Le principe de séparation impose à un personnage public de s'abstenir d'y participer "ès-qualité". Ensuite, chacun peut trouver la justification de son choix pour y participer, à titre personnel.
L'affaire se complique lorsque l'on justifie cette non participation par un motif extérieur à l'évènement, souvent de nature politique, mêlant les orientations personnelles aux règles publiques.
La semaine prochaine, les délégués au convent de Rouen vont avoir à se prononcer sur le principe d'une interdiction aux conseillers de l'ordre, y compris au Grand-Maître, de participer au repas annuel du CRIF.
L'exposé des motifs évoque la menace pour la paix qu'engendre la reconnaissance de Donald Trump de Jérusalem comme capitale de l'Etat d'Israel, l'annexion du Golan, puis s'appuie largement sur la politique actuelle de l'Etat d'Israel vis-à-vis du "grignotage" des territoires palestiniens, la politique dite du Grand Israel avec l'existence de bantoustans palestiniens pour demander au convent d'interdire la participation au repas du CRIF qui " a applaudi à cette politique de l'extrême droite religieuse", organisation "communautaire et communautarisme qui ne représente que moins de 5% des français d'origine juive de France".
Et cet exposé se conclut ainsi : "Son attitude suiviste de la politique d'Israël conduit à des fractures et à une montée de l'antisémitisme".
Le repas du CRIF, s'il est considéré comme une cérémonie à caractère cultuel, se range dans la catégorie visée par le principe de séparation. Et l'argument se suffit à lui-même. Mais ce n'est pas le cas ici.
L'exposé des motifs est en fait un amalgame de considérations politiques, certes respectables, mais qui font fi des autres considérations, parfois inverses et tout autant respectables, que partagent d'autres francs-maçons.
On peut s'étonner que la méthode maçonnique n'ait pas été appliquée où ce qui compte, plutôt que de diviser, est de chercher à harmoniser les contraires, à chercher l'intelligence, la compréhension du contradictoire.

La recherche de la Paix dans cette région du monde doit être la priorité. Les tentatives de paix ont échouées jusqu'aux accords d'Oslo. Ils représentent la seule perspective en instituant deux états. Ils constituent une solution internationalement reconnue mais aussi un enjeu capital.
Alors cela ne représente-t-il pas pour les francs-maçons un impératif majeur ? Celui de ne pas privilégier ce qui divise ou ce qui peut faire ressurgir tant l'antisémitisme que l'opposition entre palestiniens et israéliens.
Les réactions qui apparaissent depuis quelques jours, notamment chez les frères et les soeurs qui se sentent directement concernés, montrent un grand émoi.
Il est difficile de voir dans un tel exposé, dans un tel amalgame, une piste positive pour la feuille de route du GODF dans sa contribution à la recherche de la Paix.
Gérard Contremoulin
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