Réfléchir n’est pas toujours désobéir…
1968 nous enseignait que pour accéder à la plage, il fallait soulever les pavés. En 2019, la liberté de penser redevient un espace à conquérir.
Les habitudes et le conformisme de la pensée officielle ont repris leurs droits autour d’un espace vital qui se réduit, aujourd’hui, à l’hexagone. L’espace de la pensée prospective s’est réduit à celui des frontières qui, comme on l’a vu avec le nuage de Tchernobyl, ne se franchissent pas. Il faut savoir résister aux passions tristes de Spinoza, celles qui diminuent la puissance d’agir de l’Homme.
Sortir notre réflexion de l’hexagonalité, oser aller découvrir les cultures des peuples, mettre notre énergie à comprendre pourquoi les langues, qui en sont le reflet, ne permettent pas la traduction de certains concept. Tel le concept de laïcité.
Nous déplorons cette incompréhension, voire cette ignorance qui bloquent la vitalité d’une Europe du 21 eme siècle dans de nombreux domaines mais sommes incapables dans nos organisations de dépasser ces lacunes. Ainsi en franc maçonnerie nous repoussons les difficultés d’oser l’international.
Transparence.
L’intérêt pour la « chose maçonnique » est présent comme en témoigne le nombre de lecteurs de ce blog. Elle attire tant les profanes que les maçons désireux d’élargir leur réflexion sur les questions sur lesquelles nous nous penchons en loge.
Les questions d’actualité qui y sont travaillées, sont celles que nous voyons traitées dans des essais, dans des revues, dans la presse. Comme son nom l’indique le sujet est d’actualité. Les « mettre sur le tapis » sur un blog ne ressort pas d’un viol d’un secret imaginaire mais de la volonté de montrer que la Franc-Maçonnerie du Grand Orient de France doit rester une réalité vivante, vivace et une perspective pour construire la société de demain.
Citons cet aphorisme du grand Jaurès : « la tradition ce n’est pas de veiller des cendres mais d’entretenir un brasier ». Il répond en écho à celui de Joannis Corneloup : « Médite dans le Temple, agis sur le forum mais garde-toi de transformer le temple en forum ».
Ce sont, tous les deux, mes garde-fous, les jalons de trente-huit années de cheminement maçonnique. Je poursuis mon cheminement tel que mes maîtres me l’ont tracé : chercher, toujours, la vérité. La Ligne éditoriale de ce blog en est l’expression.
Comment faire avancer un débat, faire évoluer une idée sans affirmer une opinion, construire une analyse différente du « politiquement/maçonniquement correct ». Cela conduirait non pas à l’ouverture d’un débat, ce que la méthode maçonnique recommande, mais laisserait supposer qu’un franc maçon ne peut s’écarter d’une ligne décidée en quelque lieu mystérieux. Quid de la liberté de conscience et du respect de la liberté d’expression, « un maçon libre dans une loge libre ».
Autant le dire tout net : ce genre de police de la pensée serait insupportable.
Particulièrement dans l’obédience qui m’a fait découvrir les richesses de la franc-Maçonnerie, le GODF.
Revenons à la place de la maçonnerie à l’international.
Les situations internationale, européenne, nationale, montrent la résurgence des réflexes identitaires et populistes. Les vieux démons réapparaissent. Dans ce contexte, n’oublions pas que la multiplication des structures de proximité ne remplace pas une grande union, alors que nous entrons dans une zone de grandes turbulences.
Alors, cette année, avec vous, je poursuivrai l’expression de mes analyses.
L’explosion du numérique
La vie maçonnique du XXI° siècle suppose que les obédiences vont devoir prendre la mesure du poids et des exigences de la communication numérique. La question sous-jacente, omniprésente dans les esprits, doit être mise à plat, sereinement : qu’en est-il alors du serment maçonnique ? C’est probablement LA question que se pose tous les frères, toutes les sœurs qui se sont confrontés à la question de l’extériorisation maçonnique à l’ère du numérique. Inutile de se cacher les yeux, chercher des boucs émissaires revient à admettre que l’on refuse de traiter la question.
Comment se pose la question du serment maçonnique ?
Le franc-maçon, au moment de sa réception, jure de ne jamais révéler ce qu’il a vu et entendu lors de la cérémonie puis du déroulement des travaux, puis des débats qui ont lieu.
Pour éclairer cette légitime question, il faut revisiter l’histoire des trois siècles de vie de la Franc-Maçonnerie. En 1717 est fondée la Grande Loge de Londres et de Westminster qui fait vivre la Franc-Maçonnerie des « Moderns ». Les premières divulgations des rites maçonniques ont lieu dès 1723 avec le « dialogue entre Simon et Philippe » qui décrit le rituel de cette première obédience, puis, en 1730 avec « La Maçonnerie disséquée » de Samuel Pritchard. La divulgation n’est pas un phénomène nouveau mais consubstantiel à la Franc-Maçonnerie.
Traduction actuelle.
Nous sommes aujourd’hui dans la seringue. Ou bien nous ne nous autorisons aucune diffusion dans les médias numériques, laissant à nos contempteurs tout latitude pour occuper l’espace médiatique ou bien nous assumons nos responsabilités d’extérioriser la spécificité de notre Franc-Maçonnerie libérale, c’est-à-dire la liberté de penser, le libre examen et la liberté de conscience et donc, tels qu’ils se traduisent dans la liberté d’expression.
La liberté d’expression est un processus qui suppose qu’un débat respecte la forme humaniste du contradictoire. C’est-à-dire que soient garanties l’apport de toutes les informations à ceux qui ont la responsabilité de trancher le nœud gordien d’un débat, que chacune des parties dispose de la liberté de s’exprimer et de répondre à ses contradicteurs.
La pratique de la méthode maçonnique permet aux francs-maçons d’ensemencer le débat citoyen. A la condition que les loges s’y plient et que les francs-maçons s’engagent dans la société. Nulle règle dans la Franc-Maçonnerie libérale ne peut s’y opposer. Comprenons ce que représente le principe de la séparation des pouvoirs et le rôle qu’il impartit à chacun des trois, très distinctement.
Cette séparation garantit notre liberté de débattre. Ne la laissons pas s’abîmer dans des règles conjoncturelles, le plus souvent destinées à réduire la souveraineté des loges, où qu’elle s’exprime, dans la loge, au congrès, au convent. Le Grand Orient de France, fort d’une ancienneté de trois siècles, la seule du monde maçonnique, doit conserver sa capacité à générer un espace de réalisation de l’homme dans la société, un projet politique d’émancipation de l’Homme de toute tutelle et de sa capacité à penser seul. De cette manière, il est en capacité de créer la différence dans l’offre sociétale.
Notre responsabilité dans le monde.
Ce projet sociétal, Liberté, Égalité, Fraternité, est attendu par nombre de peuples dans le monde. Non pas que notre système institutionnel puisse s’exporter (comme nos anciens ont pu, à tort, l’imaginer), mais que nous sommes devant la responsabilité de le mettre à leur délibération. Le message des Lumières s’énonce ici tel qu’il apparaît au XVIII° siècle : diffuser le message que la Raison, exercice universel de l’homme responsable, quoiqu’en pense quelques détracteurs réactionnaires.
Créer, développer des loges, autant de lieux de travail maçonnique nouveaux pour réunir des humanistes préoccupés de défendre dans leurs pays les principes de la Franc-maçonnerie libérale doit être une priorité absolue. Prenons garde de ne pas confondre la lettre des principes (la manière dont nous les appliquons) avec les objectifs qu’ils visent (c’est-à-dire l’esprit qui se décline en fonction des spécificités des peuples).
Attention au néo-colonialisme.

Nous devons prendre toute la mesure de cette réalité. Si nous devions nous comporter comme des évangélisateurs, nous serions ridicules et anachroniques. Créer des loges hors de l’hexagone n’est pas simplement créer une loge. C’est mettre en réflexion la manière la plus adaptée de faire porter la méthode maçonnique là où s’ouvre cette nouvelle loge.
Ce qui pose toute une série de questions sur les gestes symboliques, les contenus symboliques, les symboles eux-mêmes, les "récits historiques", les personnages mythiques, etc.
Voilà de nouveaux chantiers. Une belle perspective.
Gérard Contremoulin
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