Les dix armes des adversaires de la Laïcité.
Depuis le 10 décembre 1905, c'est-à-dire dès le lendemain de l'adoption de la loi instituant la Séparation des églises et de l'Etat et le principe de la Liberté de Conscience, les cultes se déchainent contre cette loi qui fonde l'esprit de liberté de conscience dans notre République.
Si l'église catholique a pris la première l'offensive, n'acceptant que contrainte et forcée la loi républicaine, c'est parce que cette loi, en radiant les communautés religieuses de l'enseignement, leur a retiré le contrôle des consciences que l'ancien régime leur accordait.
Les autres cultes ont adopté des attitudes différentes. Les cultes juif et protestants ont accepté, très rapidement les règles républicaines.
Mais il n'en est pas de même du culte musulman qui, au fil de son développement sur le territoire national, a vu s'affirmer une large fracture interne entre ceux qui acceptent les lois républicaines et ceux qui affirment une volonté d'hégémonisme autour de la Charia, incompatible avec l'esprit de nos lois.
Tels sont les constats sur la qualité de notre vie citoyenne que l'actualité met en relief avec cette Xème version de la crise du voile, intraitée depuis l'affaire de Creil de 1989.
Il est utile de revenir sur dix armes qu'utilisent les adversaires de la laïcité.
1 - Laïcité has been : L’offensive des néo-conservateurs.
Les bases de l'humanisme laïque sont sapées par un travail idéologique conduit par ce qu’il conviendrait d’appeler les « Anti-Lumières » ou encore les « néo-conservateurs », qui contestent les bases de l'édifice républicain, et notamment son objectif d'émancipation de tout dogme et de toutes tutelles.
Plusieurs axes :
La philosophe Juliette Grange[1] décrit et analyse cette offensive idéologique, depuis les années 70 et qui s’est déployée d’une manière très significative avec « La Manif pour Tous » ou les manifestations du « Printemps Français ».
« Depuis les années 2000, des groupes jusqu'alors discrets (Ichtus, Institut Montaigne, Opus Dei) ciblent le "grand public éclairé" en faisant croire que les idées passéistes et réactionnaires, voire fantaisistes, sont l'objet des recherches les plus sérieuses. »[2]
Il s’agit pour eux, de démontrer que la société républicaine, empreinte d’humanisme laïque, ne pourrait plus être la réponse adéquate aux besoins de la société.
Et l’on voit apparaître, comme en écho, une nouvelle idéologie réactionnaire l’ILLIBERALISME depuis 2014 autour de la Hongrie de Viktor Orban, suivie de la Pologne de Jaroslaw Kaczyński puis de l’Italie de Mattéo Salvini et Luigi Di Maïo.
2 - Laïcité tronquée : L’extrême droite : laïcité versus Islam.
Ce travail de sape s’appuie sur une conception tronquée de la Laïcité. Certains extrémistes, notamment l’extrême droite, développent leur combat en une opposition entre chrétiens, plus spécialement catholiques, et musulmans. La radicalité de certains propos anti musulmans, amplifiée dans les périodes électorales, est patente. Et ces propos font mouche sur un électorat sensible aux déclarations racistes.
3 - Laïcité « plurielle » : Le communautarisme, religion, secte, particularisme.
La Laïcité consisterait à accepter l’existence de doits différenciés au nom de la Liberté. C’est le Communautarisme où s'expriment des revendications spécifiques, dérogatoires aux lois de la République, le droit commun. On l'a vu à propos des menus scolaires, des dates d'organisation des examens, du port de vêtements ou de bijoux ostensibles, des heures d'ouvertures des piscines différenciées en fonction du sexe, des dérogations aux obligations scolaires. Toutes s’appuient sur des raisons religieuses.
4 - La Laïcité raisonnable : « Les accommodements raisonnables ».
C’est un concept issu du droit du travail, décrit dès 1985 par la Cour suprême du Canada, qui recherche un compromis entre les règles du droit commun et les exceptions accordées pour des motifs communautaires ou religieux.
Les fondamentalistes revendiquent pour leurs coreligionnaires l’application de leurs dogmes (alimentaires, vestimentaires, sexuels) au détriment des textes réglementaires. Tous tendent à une communautarisation de la société.
5 - Laïcité modérée : le concordat.
Celle qui comprendrait qu’il lui faut être modeste pour être acceptée.
Le citoyen existe du seul fait qu’il s’inscrit dans la vie collective de la Nation, quels que soient ses orientations, ses choix de vie. La République lui garantit un principe fondamental : l’égalité de traitement sur tout son territoire.
Pour l’hexagone, le concordat s’applique en Alsace-Moselle car ces territoires étaient allemands en 1905. Et il n’a jamais été abrogé ! C’est une dérogation au droit commun.
Pourquoi n’est-on pas surpris qu’il y existe donc un délit de blasphème, institué dans les territoires d’Alsace-Moselle par l’article 166 du code pénal local :
Cette disposition, toujours applicable bien qu'elle soit en contradiction avec la liberté d'expression, n'a pas été activée depuis 1954.
6 - Laïcité positive : le chef de l’État… Les lieux de culte
Le Président de la République est le garant des Institutions, donc de la liberté de Conscience. Son attitude doit illustrer en toute circonstance le principe de Séparation des Églises et de l’État.
N’ayant à se soumettre à aucune "autorité morale", ès-qualité, il ne sollicite aucune audience à une autorité religieuse, ne manifeste aucun signe de ses éventuelles orientations religieuses personnelles dans l’exercice de ses fonctions républicaines. Nous sommes en droit d'attendre des signes forts de nos représentants.
On se souvient enfin du discours du Latran – (20 décembre 2007) :
«L’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance”.»
De même pour les ministres de Nicolas Sarkozy et de François Hollande lorsqu’ils assistaient, ès-qualités, aux cérémonies internes des cultes (par exemple les cérémonies de canonisation de Jean XXIII ou de Jean-Paul II). Elles satisfont probablement les fidèles en tant que tels, mais elles ne les concernent pas en tant que citoyens français.
Ou encore Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, ministre d’État (!), lorsqu’il réunit autour de lui un conseil interconfessionnel et qui ne répugne pas à évoquer cette : « laïcité de liberté que le ministère de l’intérieur doit promouvoir».
On pourrait aussi relever les atermoiements des parlementaires et des élus locaux sur le financement des lieux de cultes ou de l’organisation des menus scolaires ou encore de l’édification de statues cultuelles sur des espaces publics (Ploermel).
7 - La Laïcité ouverte : les décoloniaux
L’Égalité est le principe d’abolition des ordres de l’Ancien Régime, visant à établir la plus parfaite égalité en droit entre les hommes[3] et [4]
Certains mouvements de pensée posent au contraire le postulat selon lequel existerait une différence essentielle, caractérisée par le sexe, l’ethnie, l’espèce, la culture, etc. C’est la négation absolue de l’égalité entre les êtres humains. Le différentialisme tend à nous renvoyer à une société d’ordres où les êtres humains n’existaient qu’en fonction de leurs origines, confinés dans leurs différences, instituées comme indépassables.
Certains extrémistes, notamment à l’extrême droite, développent leur combat en une opposition entre chrétiens, plus spécialement catholiques, et musulmans et pensent trouver avec la laïcité le moyen de protéger le catholicisme de l’Islam !
C’est particulièrement le cas de l’ex FN.
D’autant plus qu’à droite, la radicalité de certains propos anti musulmans, amplifiée dans les périodes électorales, est patente.
La présence de l’ancien ministre sarkozyste Thierry Mariani sur la liste du RN, ses déclarations sur la question des « Migrants » construit un pont entre le courant politique de Laurent Wauquiez et le RN.
Parallèlement, certains à gauche avancent la dimension raciale comme base de leur recrutement. Ils s’appuient sur une stratégie prétendument antiraciste dont l’objet est de favoriser les regroupements communautaires « racisés »
Lors des étés 2016 et 2017 furent organisés à Reims et en Corse, des réunions interdites aux blancs, à la « blanchité[5] » dénommés « camps d’été décolonial ».
Ces réunions étaient « réservées uniquement aux personnes subissant à titre personnel le racisme d’État en contexte français » selon le site des organisatrices, la journaliste Sihame Assbague et la militante « afroféministe » Fania Noël, avec le soutien de Médiapart !
Récemment, un syndicat enseignant, SUD 93[6], a organisé des stages avec des séquences « non mixtes » pour des enseignants « non racisés », c’est-à-dire en langage clair « non blanc », pour traiter d’un prétendu « racisme d’État » ?
Soutenu par le CRAN[7]) et le PIR (Parti des Indigènes de la République) d’Houria Bouteldja et d’éminents intellectuels[8], ces stages postulent que, dans une perspective de combat contre une discrimination, la parole circule mieux lorsque les groupes sont constitués exclusivement de ceux qui en sont victimes.
D’une manière générale, il convient d’interroger ces pratiques qui appellent à la création de regroupements en fonction de spécificités pour revendiquer des dérogations au droit en fonction de ces spécificités. Il faut les dénoncer en ce qu’elles constituent autant de fractures du corps social républicain.
8 - La Laïcité apaisée, douce, non répressive :
Celle que revendique Jean Baubérot pour qui il serait nécessaire de lui trouver une place qui serait acceptable par ceux qui précisément n'en veulent pas telle qu'elle est. Il fait d’ailleurs un mauvais procès au GODF à propos du Mariage pour tous.
Jean Baubérot feint d’ignorer que le Grand Orient de France est constant dans son affirmation que la Laïcité est la condition qui assure la liberté de tous, qu’elle n'est pas une démarche spirituelle de plus mais un cadre social qui les permet toutes.
Ainsi revendique-t-il :
« Une laïcité douce, donc, ce qui n’empêche pas de rappeler quelques règles.
« On aimerait en tout cas que celles et ceux qui se veulent les défenseurs intransigeants de la laïcité y compris dans la voie d’une laïcité répressive ne se montrent pas absents du débat. …/… Le GOF est-il toujours un fervent « défenseur » de la laïcité quand celle-ci redevient une laïcité de liberté ?»[9]
9 - La Laïcité « laïcarde »
Une mention spéciale pour le mot « laïcard » que l’on doit à Charles Maurras. Il traduit toute « l’affection » que portent les adversaires de la laïcité aux militants laïques.
10 - Enfin, cette affaire du lien « abîmé »
L’actuel Chef de l’État a cru pouvoir considérer devant la conférence des évêques de France que le lien entre l’État et les religions serait « abîmé », laissant ainsi entendre qu’il faudrait le « réparer » ?
Nous disons, nous, que depuis la loi de 1905, il est purement et simplement ROMPU.
Les laïques, au nombre desquels les associations du Collectif Laïque et les obédiences maçonniques s’étaient mobilisés pour lui faire connaître leur ferme opposition à toute modification.
Avant hier, devant un parterre d’intellectuels, il semble que le Président ait déclarer vouloir abandonner le projet. Mais puisque « Chat échaudé… », il faut rester vigilant.
Plutôt qu’une société organisée autour d’une philosophie qui place l’être humain, quelle que soit sa naissance, au cœur de toute démarche, les adversaires de la laïcité poursuivent l’objectif de construire une société essentialisée, balkanisée en communautés fermées sur elles-mêmes. L’exact inverse de la société du Vivre Ensemble et d’une communauté nationale unie dans une communauté de destin.
[1] Agrégée de philosophie, docteur d’État, enseignante à l’université François Rabelais de Tours. Auteure de « Les Néoconservateurs », Edition Pocket, Agora Oct. 2017.
[2] http://data.over-blog-kiwi.com/0/93/14/92/20140417/ob_b9d845_juliette-grange-l-offensive-des-ne.pdf
[3] Article 1° de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.»
[4] Article 1° Déclaration universelle du 10.12.1948 : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité."
[5] https://www.marianne.net/societe/interdit-aux-blancs-le-camp-d-ete-decolonial-remet-ca
[6] Union syndicale « Solidaires ». SUD : « Solidaires, Unitaires, Démocratiques », scissions de la CFDT à partir de 1989 (SUD-PTT)
[7] Conseil Représentatif des Associations Noires de France
[8] Michel Wiéwiorcka
Gérard Contremoulin
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