Jeux de mots - 3 - La Résilience.

Les mots ont un sens et une histoire. Profitons en.

Les langues évoluent. Le Français, placé sous le contrôle de l'Académie Française par Richelieu en 1634, chargée d'en établir le dictionnaire, c'est-à-dire de le stabiliser et d'en maintenir les normes, évolue néanmoins avec la société. Les évènements sociaux et/ou politiques donnent aux mots une tonalité particulière tout en s'en rendant les témoins. Selon la prégnance de ces évènements et la charge émotionnelle qu'ils continuent de provoquer sur leurs locuteurs, les mots prennent une importance particulière qu'ils conservent même longtemps après les évènements.

Deux précédents articles, Dictature, Fascisme et Génocide, ont amorcé une réflexion sur des utilisations impropres et pointé les conséquences qui peuvent conduire à de véritables difficultés sémantiques. Elles sont de trois ordres. 

D'abord, lorsqu'elles sont volontaires, les auteurs contribuent à l'affaiblissement du sens, à l'affadissement de la langue.

Ensuite, cet affadissement contribue à brouiller les pistes et rend plus difficile l'identification des faits. Et mal nommer les choses, comme disait Albert Camus, c'est ajouter aux malheurs du monde. 

Enfin, qu'un mot soit rendu polysémique par les usages dans le temps ou difficile à aborder car d'une apparition récente dans un domaine particulier de recherche, il reste toujours utile d'en approfondir la connaissance.

Jean-Alain Steinfeld a ouvert un échange passionnant sur Facebook à propos du concept de Résilience, importé par le neuropsychiatre et psychanalyste Boris Cyrulnik.

Résilience.

Comme la plupart des concepts issus des domaines spécialisés de recherches pointues, sa signification n'est pas immédiate. C'est bien le cas pour la "résilience".

Le post est introduit par cet extrait :

S'ensuit un débat allant de sa définition en physique à l'assertion où il est tenu pour un "mot-valise" et qui n'aurait donc pas de sens particulier.

Pour l'un, c’est un mot emprunté à la physique (aptitude d’un matériau à reprendre sa forme initiale après une déformation), et qui donc n’est applicable au comportement humain qu’au prix d’un gros travail métaphorique...

Pour l'autre, résilience est un mot valise qui n a aucun sens ne veut rien dire

Jean-Alain reprend à propos du sens issu de la physique : oui, mais c'est le fruit d'un gros travail sur le rétablissment de conditions psy extrêmes sur lequel il (Cyrulnik) a beaucoup travaillé. Les mots vivent, le Français est une langue vivante.

Auquel le scientifique répond : C’est même l’essence de la littérature, dont la poésie au premier chef. Je ne conteste ni l’expertise ni le travail de Cyrulnik, mais je signale celui de la LANGUE, à supposer qu’il soit détachable de celui des locuteurs qui la mettent en discours. Et il précise : c’est mon domaine de compétence.

Après plusieurs échanges, un dernier intervenant conseille d'aller voir les tutos de YouTube sur Boris Cyrulnik.

La résilience est un travail qui explore les qualités propres à chaque individu. La culture populaire en est émaillée.

L'aventure démarre avec les observations de la psychologue américaine Emmy Werner sur des enfants traumatisés.

Boris Cyrulnik précise qu'on ne peut pas ne pas être résilient après une agonie psychique, quelles qu'en aient été la cause... Il faut favoriser le déclenchement du processus qui repose sur plusieurs facteurs.

Pour finir ce bref exposé, écoutons Boris Cyrulnik exposer sa théorie lorsqu'il rend hommage à la résistante Germaine Tillon. 

Nous savons maintenant que la sortie du confinement imposé pour limiter la diffusion de la pandémie sera elle aussi un processus. Pour certains, cette période aura créé des traumatismes. Dans quelles conditions l'aborderons-nous ? Comment trancherons-nous la question de savoir si nos liens fraternels, familiaux, amicaux distendus peuvent être restaurés ou bien s'ils doivent être reconstruits ? 

Gérard Contremoulin

______________________________________________