Le Covid-19 et le Piédestal de la Science.
Il n'y a de vérité que dans la recherche de la Vérité.
Autant dire qu'il s'agit là d'un chemin, jamais achevé, qui occupe tout une vie de maçon, voire toute la durée de la Franc-Maçonnerie, c'est-à-dire celle de l'Humanité...
La Franc-Maçonnerie ne sert donc à rien si son objectif n'est jamais atteint diront celles et eux qui n'y ont strictement rien compris. Sans parler de ceux qui la vomissent.
Pourtant, en pratiquant assidûment l'ensemble des grades d'un rite, et c'est certainement identique pour les autres, on découvre qu'elle n'est pas une fin, mais seulement un chemin, celui d'une recherche permanente, loin des vérités révélées, quelles qu'elles soient.
La "Pierre du 2° Ordre".
Sur la blogosphère maçonnique et les réseaux sociaux, certains auteurs ont récemment publiés sur la "Pierre du 2° Ordre", intitulé iconoclaste pour la Pierre d'Agate ou Pierre cubique, dont Percy John Harvey fait "l'anatomie" dans un petit livre de 2019.
Ils ont même indiqué les endroits qui en détenaient un exemplaire. L'origine de cette publication est contenue dans l'ouvrage de Pierre Mollier "Les hauts-grades du Rite Français", p. 50 et sur la page FB du Musée de la franc-maçonnerie.
Cette actualité tombe bien puisqu'elle nous permet de nous rapprocher de la réflexion sur ce grade des Ordres de Sagesse du Rite Français. Ce travail n'est pas sans rapport avec notre sujet.
Rappel du récit symbolique.
La Pierre, ou Pierre d'Agate ou encore Pierre Cubique, emblème du travail du maçon dans ce grade, est censée représenter la somme des connaissances accumulées par l'architecte du temple de Salomon, Hiram.
Perdue dans des circonstances définies par le rituel, elle fut retrouvée après de longues recherches. Salomon, conscient de l'importance décisive qu'elle représentait pour la poursuite de la construction de son Temple, ordonna qu'elle fut scellée sur un piédestal, le Piédestal de la Science. Lequel fut placé dans un lieu tenu secret, connu nous dit le rituel des "seuls vrais Maçons" et protégé par eux. Ceci est défini dans le Tuileur des Chevaliers Maçons, fixé en 1784 et publié en 1801.
Perspectives.
Aujourd'hui, il est essentiel de décrypter ce récit. Cette pierre symbolise le chemin du maçon vers l'approfondissement de ses savoirs. Il va lui falloir triompher de moult embuches disposées pour tester sa détermination et l'authenticité de sa démarche, faux-semblants, vraisemblances illusoires, pièges. Déjà, son cheminement vers la maîtrise lui en avait fait découvrir trois ; l'ignorance, le fanatisme et l'ambition que l'on peut aussi décliner en obscurantisme, fondamentalisme et égoïsme orgueilleux puisqu'ils représentent les "vices" poussant chacun des trois mauvais compagnons à accomplir l'assassinat.
Dans cette recherche, lui est également fixé une obligation morale essentielle qui est la clé de sa tâche. Il s'agit pour lui de passer de l'union des hommes, aussi différents soient-ils, à l'unité des valeurs, c'est-à-dire à la véritable universalité. Il devra commencer par prendre conscience que des hommes unis ne le sont pas nécessairement pour une entreprise digne de soutien puisque celle des trois mauvais compagnons n'avait qu'un objectif : l'assassinat.
Il pourra aussi faire le parallèle avec la Tour de Babel où les hommes réunis ne pouvant pas s'entendre n'arrivaient à rien et le Temple de Salomon, exemple mythique d'harmonie, de sagesse et de justice. Passer de l'une à l'autre serait donc l'objectif de cet Ordre.
Par ces temps de montée des angoisses, des désespérances et de retour de la Grande Peur, dues au confinement et aux fantasmes qu'il fait naître, nous sommes confrontés au choix essentiel : croire l'immédiat ou chercher à comprendre.
Cette ambivalence fondamentale entre la foi et la Raison nous invite au rendez-vous de la philosophie. Retrouvons Gandhi : "L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur pare que nul de la voit."
L'opinion contre la science.
La marche vers le savoir est-elle une démarche scientifique, une construction d'opinion ou de résultat d'un référendum ?
A observer comment est devenu hyper médiatique, virale dans le langage geek, en quelques jours le débat sur un traitement médical, la question mérite d'être posée.
Et il y a de quoi être médusé par le déchirement des maçons sur le sujet. Les uns s'appuient sur l'angoisse de la population devant les hésitations thérapeutiques face à un virus inconnu, qui peut être létal. Ils s'engouffrent dans un soutien irrationnel (pétition et campagne médiatique à l'appui) à un "remède" qui vaudrait-mieux-que-rien. Les autres font valoir que l'utilisation d'une médication repose sur sa validation par des tests cliniques basés sur un protocole scientifique très strict. Cette opposition pousse certains à "monter dans les tours" et enclenche des échanges passionnels complètement irrationnels et parfois injurieux.
Insuffisance du travail de réflexion, mauvaise compréhension de la méthode, effet anesthésiant du confinement, toujours est-il que l'inquiétude qui nait de ce déchirement autant inattendu qu'injustifiable est réelle, en tous cas pour ce qui me concerne et constitue maintenant un véritable problème de reconnaissance mutuelle.
De quoi s'agit-il ?
Il existe une littérature abondante désormais. Parmi les différents articles sur ce sujet, je vous propose celui du Professeur Philippe-Gabriel Steg, chef du service de cardiologie à l'hôpital Bichat à Paris et coprésident du Comité de pilotage recherche Covid-19 de l'AP-HP. Il aborde une transformation inquiétante, qui renvoie aux tristes moments de l'obscurantisme religieux où la découverte scientifique n'est qu'une opinion comme une autre et où la médecine ne repose plus sur des preuves d'efficience clinique acquises expérimentalement (Evidence-based médecine) mais sur un argument d'autorité (Eminence-based médecine) obtenue par la reconnaissance de l'opinion.
Il considère notamment, dans cet article, que :
"la préférence donnée au jugement des médias, du public et des politiques sur l'évaluation rigoureuse par les pairs et la nécessité d'une réplication expérimentale, a été accompagnée de la théorisation de la supériorité de l'empirisme sur la méthode expérimentale, de critiques contre les essais randomisés, jugés non éthiques, et finalement de la préférence donnée à l'argument d'autorité (« Eminence-based medicine ») par rapport à la médecine fondée sur les preuves (« Evidence-based medicine »)."
La théorie du Complot.
Et puis, lorsqu'il s'agit de jouer l'opinion publique contre "les élites", la théorie du complot n'est jamais bien loin. Pour y voir plus clair, voici une vidéo pédagogique sur les mécanismes qu'utilisent les différentes versions de la théorie du complot.
Vers le processus de déconfinement...
Les semaines et les mois à venir vont continuer à mettre à l'épreuve notre esprit critique et vraisemblablement tester notre fraternité. Ce qui va se vivre à partir de maintenant où des perspectives s'ouvrent, constituera notre capacité à construire cet après confinement, cette capacité que nous aurons ou que nous n'aurons pas, à reprendre nos travaux.
Aujourd'hui, je ne suis pas très optimiste. Savons-nous suffisamment décrypter l'enseignement de la Chambre de milieu, ce creuset du partage de la réflexion des maîtres, de la construction de la parole commune, de l'unité des valeurs ? Savons-nous rechercher à construire les consensus. J'ai beaucoup entendu de critiques sur cet exercice. La plupart ne retenait qu'un seul des deux mots. Or les deux sont essentiels, il s'agit bien de construire un consensus. A ne retenir que le dernier, on passe totalement à coté du travail de la Chambre de Milieu.
Telle va être notre tâche.
En aurons nous la force, la volonté, l'énergie ?
Such is the problem...
Gérard Contremoulin
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