Confinement versus Franc-Maçonnerie ? (3) : Comprendre.

Le confinement aura permis une phase de réflexion certainement plus profonde qu'il n'y paraît.

Même en repos forcé, les francs-maçons n'y ont toujours pas aspiré. Ils ont apparemment vécu cette période inédite depuis la dernière guerre mondiale de diverses manières et il sera certainement très enrichissant d'en tirer tous les enseignements.

Collectivement, ils ont expérimenté des outils numériques pour maintenir le lien entre eux. Ils ont imaginé des formules pour se rapprocher le plus possible de ce qu'ils ont l'habitude de pratiquer. C'était le thème du premier article de cette série.

Individuellement, on peut imaginer qu'ils auront mis à profit ce temps rendu disponible pour approfondir leur réflexion personnelle.

Sur les sujets abordés en loge, le confinement aura fait apparaître de nouveaux aspects, de nouveaux reliefs.

La mise à distance imposée aura permis de reconsidérer les rapports humains, d'aller à l'essentiel, de porter sur les caractères un regard différent et de faire apparaître les personnalités sous un jour nouveau.

Chacun d'entre nous en aura peut-être même profité pour "faire un point" sur son parcours maçonnique. Un peu comme ce bilan que l'on aborde dans la dernière étape des grades au delà de la maîtrise. 

Les plus curieux auront peut-être imaginé retrouver ce V° Ordre que Roettiers de Montaleau définissait comme l'étape qui contient "tous les grades physiques et métaphysiques" et ensuite dans une perspective transversale à "tous les systèmes en vigueur" (tels qu'en 1874), c'est-à-dire à tous les rites.

Cette question est bien évidemment aujourd'hui totalement utopique, avec la diversification des obédiences.

Mais à l'instar de Guillaume d'Orange-Nassau, convenons qu' "il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer".

Chercher à comprendre  

Cette réflexion aura peut-être portée aussi sur le sens de l'engagement maçonnique. 

La Franc-Maçonnerie libérale a-dogmatique fixe ses membres l'objectif d'améliorer à la fois l'homme et la société. Dans le monde de l'après Covid - si tant est qu'il y ait vraiment un - la mise en pratique de ce précepte conduira nécessairement à revisiter nos modes de vie, nos savoir-faire et nos savoir-être.

En effet, que l'on ait réussi à éradiquer le coronavirus ou bien qu'il faille vivre avec, nous devrons nous adapter. Alors, peut-être que ce que nous aurons appris de nos pratiques du confinement nous y aidera. 

Dans ce processus, qui, de l'homme et de la société, changera qui ?

- Les deux mon capitaine.

Mais il va falloir tenter de comprendre comment va s'opérer cette modification et d'identifier correctement les phénomènes.

L'homme n'est-il toujours que ce qu'il a été ?

Quoiqu'il fasse, l'homme est identifié par ses combats et les plus emblématiques sont les plus prégnants. De sorte que tout ce qu'il propose est compris et interprété comme la continuité de ce qu'il a déjà accompli. Il est quasiment impossible de sortir de cette identification.

Toute proposition nouvelle est analysée à travers cette grille de lecture. En sortir fait courir le risque de ne pas (plus) être compris, de perdre beaucoup de crédibilité. Peut naître alors du refus, voire du rejet, l'homme étant sorti de son cadre de référence.

Il faut réfléchir à cette continuité. Si l'homme ne peut qu'être ce qu'il a déjà été, l'idée même de progrès serait inconcevable. Tel n'est pas le cas. L'histoire montre que le progrès n'est pas un concept linéaire mais plutôt le résultat du combat de ceux qui le veulent contre ceux qui en refusent même l'idée. Galilée, Giordano Bruno, Martin Luther King, Nelson Mandela en témoignent. Ce combat est au coeur de la relation entre les hommes. Il est le moteur de l'humanité.

Si bien que l'on ne peut pas parler indifféremment de l'homme, des hommes ou de l'humanité. Cette notion de continuité met en évidence l'un des éléments, paradoxal, de l'évolution, son frein.

 

Améliorer l'Homme et la Société...

Cette idée de continuité pose un problème important aux francs-maçons qui y sont naturellement exposés. Comme tous les êtres humains, ils sont culturellement formatés pour reproduire les modes de vie qu'ils ont appris.  

Musée de la Franc-Maçonnerie (Ronan Loaëc)

Leurs premiers travaux commencent par la lutte contre les préjugés, les passions et les idées reçues. 

C'est une lutte permanente. Et les difficultés qu'ils doivent surmonter attestent bien qu'ils restent, quels que soient leurs grades, "toujours apprenti". 

En travaillant à améliorer l'Homme, le franc-maçon ne réalise que la moitié de son engagement. Lui reste à s'investir dans le "perfectionnement de la société". Mais, si l'homme n'est que ce qu'il a été, la société est condamnée à l'immobilisme. 

L'Homme, les hommes, l'Humanité.

Le confinement est un processus qui a privilégié le premier terme pour sauvegarder le troisième. Le deuxième a effectivement été mis de côté.

Pour lutter contre la propagation du virus, le choix s'est porté sur la rupture du lien social entre les hommes pour l'isoler en tant qu'individu.

Ce que traduit assez précisément le terme de distanciation "sociale". Que le gouvernement se soit empressé de le modifier cette expression en remplaçant "social" par "physique", même s'il est heureux, ne fait que souligner la réalité psychologique du confinement, la dissolution du lien social.

C'est précisément ce que les applications de visio-conférence se sont proposées de remplacer, avec plus ou moins de bonheur.

C'est ce lien inestimable qu'il faut reconstruire en essayant de l'améliorer. Retisser, renouer les fils en élaguant ce qui est toxique, fortifier ce qui est apparu essentiel dans cette période a-sociale... Retrouver le sens du collectif qui construit plutôt que celui qui sape. Savoir trouver le maillon pour reconstituer la chaîne rompue. Retrouver nos savoir-être et travailler "au progrès de l'Humanité" comme le font nos frères et nos soeurs du Droit Humain. 

Gérard Contremoulin

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