Rejoindre un chapitre de Rite Français : pour faire quoi ?

Poursuivre son cheminement initiatique après la maîtrise répond à un souci d'approfondissement du but de la Franc-Maçonnerie. Tous les parcours proposés ne reposent pas sur le même projet.  

Choisir de le faire dans un Souverain Chapitre de Rite Français du Grand Chapitre Général du GODF mérite quelques informations sur l’objectif poursuivi, sur les modalités du travail que l’on y fait et sur sa structure.

Le Rite Français codifié par Roettiers de Montaleau et ses équipes est une suite initiatique en 7 grades "+ un". Dans le contexte du XVIII° siècle, il représente une indéniable aspiration à faire réfléchir pour élaborer une alternative à la société politique et sociale. Cette suite s'organise en deux grandes étapes : les loges bleues ou symboliques et les Ordres de Sagesse, qui font l’objet de deux Régulateurs distincts (publiés néanmoins ensemble) : celui du Maçon et celui du Chevalier Maçon.

1/ L’étape des trois grades symboliques de la Franc-Maçonnerie bleue : les outils.

 Le cheminement du franc-maçon de l’Apprenti au Maître procède par acquisitions successives d’outils symboliques. Les positions respectives de l’équerre et du compas aux trois grades expriment toute la symbolique de l’apprentissage, selon la tradition issue des métiers de la construction de la maçonnerie opérative des XV° et XVI° siècles.

La loge bleue a vocation à faire des Maîtres-maçon selon une progression en trois grades : apprendre au premier, comprendre au deuxième et transmettre au troisième. Chaque grade se caractérise soit par l'acquisition d'outils, soit par une autre manière de les utiliser. Chacun des trois grades symboliques représente une progression dans la pratique initiatique par l'approfondissement du symbolisme maçonnique et l'approfondissement  de la place de l'homme dans la société et seul le maître bénéficie de la plénitude de ses droits maçonniques qu'il doit à la communication du récit de la mort d’Hiram.  

Néanmoins, cette situation est insatisfaisante. En effet, outre le constat de l’affliction dans laquelle cette mort plonge la Chambre de Milieu, les Maîtres assemblées semblent ne pas tirer de conséquences particulières de cet acte délictueux. Ils le constatent, tiennent un discours plus ou moins moralisateur et en reste là. Situation incomplète et particulièrement inconfortable où le meurtre (à moins que ce ne soit un assassinat), n'a pas de conséquence. En cela, il prépare l'après-maîtrise. La mort délictueuse d'Hiram peut-elle n'avoir aucune conséquence ?

2/ L’étape des Ordres de Sagesse : les récits et les préceptes.

De même que le baccalauréat est à la fois le dernier titre du cycle secondaire et le premier titre universitaire, le troisième grade est acquis non seulement par la maîtrise des outils symboliques des loges bleues, mais aussi sur la base d’un récit, celui de la mort d’Hiram. Or, les quatre Ordres de Sagesse s’acquièrent tous sur une telle base : le récit.

Que faire d’un assassinat et particulièrement de ses conséquences sociales ? La question de la vie et, corolairement, du droit de tuer ont depuis la plus profonde antiquité, générés des pratiques puis des règles sociales. Le Premier Ordre poursuit, par son récit et son précepte, la situation de la maîtrise.

Ceux de chacun des quatre Ordres sont différents. Toutefois, les Ordres ne sont pas hiérarchiquement situés les uns par rapports aux autres. Ils se suivent en complémentarité. Chaque ordre aborde une étape de la hiérarchie des Devoirs. Ce sont eux qui se suivent hiérarchiquement, pas les titulaires d’Ordres.

Il s’agit là d’une différence capitale avec les loges bleues.

3/ Car un Souverain Chapitre n’est pas une « super loge bleue ».

Il faut comprendre l’acte d’agrégation[1] du GCG au GODF de 1786 comme la traduction du projet social des rédacteurs autour de Roettiers de Montaleau dans le contexte de l’époque, c’est-à-dire trois ans avant la Révolution française.

L’équipe de Roettiers de Montaleau, sans probablement le vouloir, fit un pari. Ses héritiers accepteraient-ils de poursuivre cette logique où l’initiatique se conjugue avec le sociétal pour améliorer la société des hommes ? Au-delà des siècles, nous sommes les héritiers de cette logique, tout simplement parce qu’elle est arrivée jusqu’à nous en dépit de beaucoup de vicissitudes.

Aujourd’hui, et particulièrement depuis la reconstitution du Rite dans les années 1998 et 1999, poursuivre le cheminement post maitrise du Rite Français n’est pas continuer à faire la même chose qu’en loge bleue. Quel en serait d’ailleurs l’intérêt ? Sauf à se laisser mystifier par l’attrait de nouveaux décors et la flamboyance de nouvelles appellations, cette « suite pour » a été écrite dans une perspective simple : poursuivre, par un autre chemin, l’amélioration de l’homme et de la société, telle qu’elle est prescrite dans l’article Premier de la Constitution du GODF. C’est l’une des explications de l’existence de ces deux régulateurs.

4/ Comment travailler en Souverain Chapitre[2] ?

Le travail en Souverain Chapitre ne s’articule plus à partir de planches tous azimuts, au gré de ses membres comme cela se produit souvent en loge bleue, dans le but de faire acquérir des outils de réflexion pour faire atteindre la maîtrise. Dans les Chapitres, tous les membres sont maîtres, à égalité de droits et devant l'étude de la hiérarchie des devoirs de l'homme dans la société. C’est la deuxième étape du projet de Roettiers de Montaleau : faire réfléchir les maçons à leurs devoirs de citoyens à partir d’une grille de situations, les récits, organisée dans la perspective de la mise à nue de la parole substituée : JURÉ.

Il devient donc indispensable de travailler chacune de ses lettres pour percevoir l’ensemble de la méthode et comprendre le changement de paradigme opéré lors de la reconstitution. On lira utilement l’article de Jean-Charles Nehr sur le passage de la formule INRI (la passion du Christ) à l’acronyme JURÉ (l’épanouissement du Citoyen)[3].

Pour ce faire, nous avons à notre disposition des récits et des préceptes dont le contenu permet l’étude des devoirs qui s’imposent aux citoyens.

1° Ordre, de la Vengeance à la Justice. -  J

2° Ordre, de l’Union des hommes à l’Unité des Valeurs. -  U

3° Ordre, de la destruction à la Reconstruction. -  R

4° Ordre, de la Libération à l’Épanouissement.  -  É

Chaque question qui touche la société, qu’elle soit envisagée d’un point de vue hexagonal, européen ou mondial, mérite d’être traitée par le filtre de chacun de ces préceptes[4].

Et Jean Xech[5] résume le cheminement initiatique du Rite Français ainsi :

« Dans le rituel historique, au troisième grade, on abandonne la parole divine, qui ne peut qu’être révélée. C’est-à-dire qu’au mot de Maître « JHV », on substitue « MB », qui rappelle la finitude de l’Homme. Au Deuxième Ordre, la parole divine est retrouvée, mais elle n’est plus utilisée. Au Troisième Ordre, le temple est détruit, avec son dépôt précieux : l’humanité n’a plus le choix, elle doit réinventer sa propre parole. Et au Quatrième Ordre, après l’échec de la tentative de reconstruction, apparaît la parole de l’Homme. Le Rite, ainsi organisé, correspond bien à une logique d’émancipation, de la vérité révélée vers la vérité construite par l’Homme. »

Les Ordres de Sagesse du Rite Français posent aux maîtres-maçons un défi majeur : accepter de poursuivre la logique de Roettiers de Montaleau et entrer dans la démarche de la seconde étape ou rester dans la redondance de ce qu’ils ont l’habitude de faire dans la première ?  

 

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[1] Voir : https://www.cairn.info/revue-la-chaine-d-union-2017-1-page-38.htm

[2] Voir : https://souslavouteetoilee.over-blog.com/2021/12/travailler-les-quatre-ordres-de-sagesse-du-rite-francais.html

[3] La Revue Joaben a consacré son numéro 13 de juillet 2019 à ce remplacement.

[4] Voir quelques pistes de réflexion dans mes quatre bouquins sur les Ordres de Sagesse, Détrad, décembre 2021.

[5] Ancien Grand Chancelier du V^eme Ordre.

Gérard Contremoulin

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