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Le Blog pour Tous d'un franc-maçon. "La loi morale au fond de notre coeur et la voute étoilée au dessus de notre tête". Emmanuel Kant Les pseudonymes ne sont plus acceptés pour les commentaires. (4.11.2018)

06 Mar

De la mixité, de la Franc-Maçonnerie, du Grand Orient de France...

Publié par Gérard Contremoulin  - Catégories :  #Régularité - Mixité

 

 

La question de l’accueil des femmes en franc-maçonnerie est aussi vieille que la franc-maçonnerie elle-même, si l’on en juge par l’initiation de la première femme, Lady Aldworth (née Élisabeth Saint-Léger) entre 1712 et 1713.

De la mixité, de la Franc-Maçonnerie, du Grand Orient de France...

 

La question de la mixité fait toujours l’objet, aujourd'hui encore, d’un débat parfois houleux et d’une interdiction absolue émise par la Grande Loge Unie d’Angleterre.

 

Outre la GLNF dont la non présence de femme est une obligationcontractée lors de sa reconnaissance par la GLUA, on trouve dans cette catégorie parmi les principales obédiences, la GLDF, la GL-AMF et d'autres, plus récentes.

 

Nul doute que la chute de cette interdiction soit inéluctable. Pour celles des loges et des obédiences qui résistent, c'est une question de temps et pour celles des obédiences qui la refuseront, probablement une question de survie.

 

 

De la mixité, de la Franc-Maçonnerie, du Grand Orient de France...

 

 

Dans "L'Esprit du Rite Français", j'ai établi un mémo sur cette question.

 

 

 

Mémo sur la mixité en franc-maçonnerie (extrait de "L'Esprit du Rite Français", pages 400 à 403)

 

1712-1713 ( ?) Élisabeth Saint-Léger2 est la première femme « initiée » à la franc-maçonnerie dans des conditions somme toute très particulières, puisque surprise à observer une tenue maçonnique dans l’une des salles du château de son père, celui-ci décida de l’initier pour obtenir son silence.

 

1869-2010

 

1869

Frédéric Desmons dépose un vœu au convent du GODF visant à l’initiation des femmes. Il sera rejeté.

 

1892

Initiation de Maria Deraismes par Georges Martin à la loge du Pecq.

 

1893

Création du Droit humain.

 

1901

Création de la loge d’adoption "Le Libre examen" au sein de la GLDF3 .

Un vœu sur la mixité au GODF est repoussé d’une voix.

 

1934/1935

Les convents de la GLDF décident de « libérer les loges d’adoption et de leur conférer l’autonomie la plus complète ».

 

1945

15 avril, la GLDF se sépare définitivement de ses loges d’adoption. Une loge du GODF, "L’Étoile polaire", leur offrira « le clos et le couvert4 » dans les locaux de la rue La Condamine, Paris 17 e et l’obédience apportera également sa contribution.

21 octobre, Première Assemblée générale de l’Union maçonnique féminine qui consacre la création d’une obédience féminine.

 

1952

22 septembre, fondation de la Grande Loge féminine de France (GLFF).

 

1998

La loge "Delgado" du GODF initie une femme. Elle est dissoute. Apparition de la stratégie dite « PIAF » (Pour l’initiation et l’affiliation féminine) qui installe l’idée qu’il sera nécessaire de contourner la décision du convent par différents moyens, notamment le recours devant la justice de la République pour fait de « discrimination ».

 

2008

Mai et juin, cinq loges5 du GODF décident, en contradiction avec la décision du convent de 2007, de « passer en force6 » et d’initier six femmes.

 

Ne pas (trop) réécrire l'histoire.

 

La revue Humanisme, n° 346 de février 2025, livre un récit de la dernière séquence de l'ouverture à la mixité pour les loges du GODF. Durant cette période, quelques évènements particulièrement importants se sont produits et il serait préjudiciable à l'établissement de la vérité, de les omettre.

 

De septembre 2008 à septembre 2010, le Conseil de l'ordre, sous la grande-maîtrise de Pierre Lambicchi, a eu à connaître des conséquences de la décision des cinq loges évoquées dans l'article et que je rappelle ci-dessous.

 

Voici donc quelques compléments.

 

D'abord d'ordre réglementaire : la procédure d'instruction des candidatures.

 

Lors de toute candidature, les loges sont tenues, pour poursuivre l'instruction, de demander à l'administration de l'obédience (service du secrétariat aux loges) la non inscription du candidat au "fichier des refusés". Si tel n'est pas le cas, la réponse, signée du GSAI (Grand Secrétaire aux Affaires Intérieures), vaut autorisation de poursuivre l'instruction.

 

Or, en 2008, malgré le refus des convents précédents d'autoriser l'initiation des femmes et l'affiliation des soeurs, le GSAI a certifié, avec une certaine ambiguïté en l'espèce, que les candidates n'étaient pas présentes sur ce fichier. Les cinq loges en ont conclu à la possibilité de poursuivre l'instruction des dossiers des candidates.

 

Pour "compléter" l'article d'Humanisme, il est utile de préciser qu'à l'époque, sous la Grande-Maîtrise de Jean-Michel Quillardet, Guy Arcizet était GSAI (et non pas Grand-Maître comme l'article semble le laisser entendre). Les cinq loges se sont appuyées sur sa certification pour passer outre l'interdiction du Convent.

 

Ensuite, d'ordre institutionnel.

 

Ce "passage en force", selon l'expression même du GM Jean-Michel Quillardet, est bien réel en ce sens qu'il méconnaît la décision souveraine du convent, réitérée en septembre 2007.

 

Le GODF se définit comme respectant le principe de séparation des pouvoirs. En l'espèce, le convent représente le pouvoir législatif et le conseil de l'ordre représente l'exécutif. Ce dernier est chargé par nature, d'appliquer et de faire appliquer les décisions du convent.

 

Pourquoi et sur quelles bases, le GSAI a-t-il estimé possible de donner cette réponse aux cinq loges ?

Comment apprécier la nature de la certification qu'il donne, sachant en tout état de cause qu'il autorisait ainsi les loges à poursuivre ? 

Comment aurait-il pu imaginer qu'elles ne profitent pas de cette "ambiguïté" (pour le moins) pour poursuivre le combat qu'elles menaient ?

Toute la question est là.

 

Mais, quoiqu'il en soit, les loges quant à elles, n'étaient pas non plus, fondées à s'en prévaloir pour violer la décision conventuelle.

 

Voilà la situation dont hérite le nouveau Grand-Maître en septembre 2008. Je relate la suite dans le mémo de "L'Esprit du Rite Français".

 

 

Mémo sur la mixité en franc-maçonnerie (suite)

 

2008 (suite) 

Septembre : le convent décide de renvoyer la question de la mixité à l’étude des loges.

Octobre : le Conseil de l’Ordre, chargé de l’application des décisions du convent, suspend les maîtres de ces cinq loges et saisit la CSJM.

Le Conseil de l’Ordre, par la voix du Grand Maître Pierre Lambicchi et les cinq loges établissent un protocole au terme duquel le Conseil renonce à sa plainte et les loges s’engagent à ne pas renouveler les initiations « sauvages », dans l’attente du résultat de la consultation des loges.

Alain Bauer, GM de 2000 à 2003, publie7 un petit historique et une prospective de la mixité au GODF.

 

2009

Janvier : Olivia Chaumont8 est officiellement reconnue femme sur son État civil.

Action procédurière de l’UGODFM (Union pour un Grand Orient De France Masculin).

 

2010

Janvier : le Conseil de l’Ordre reconnaît l’état civil d’Olivia Chaumont.

Septembre : le convent vote le vœu de la loge Les Amis du Progrès (vœu n o 9) qui prévoit l’initiation « sans distinction de genre ».

Décembre : l’UGODFM assigne le GODF devant le TGI de Paris.

 

2011

Mars : le TGI de Paris déboute l’UGODFM.

Avril : l’UGODFM interjette appel.

Juin : la CSJM9 casse le vote du convent 2010 pour des motifs de forme alors que ses attendus sont favorables. Entre-temps, une centaine de sœurs ont été reçues sur la base de la décision conventuelle de 2010.

Septembre : le convent adopte (51,43 %) le vœu de la loge Frédéric-Desmons-Laïcité (vœu n° 95) qui reprend à la fois les motifs du vœu n° 9 et l’esprit (favorable) des attendus de la CSJM.

 

2012

Mars : la cour d’appel de Paris rejette l’appel et condamne l’UGODFM à 10 000 euros au profit du GODF10 .

La CSJM casse à nouveau le vote du convent de 2011. Mais le GODF compte déjà presque 300 sœurs. Il n’est plus possible de revenir en arrière. Sept ans plus tard, elles sont près de 4 000.

 

__________________________

1. Voir le point 9 de la Règle en 12 points : "Les Francs-Maçons ne doivent admettre dans leurs loges que des hommes majeurs, de réputation parfaite, gens d’honneur, loyaux et discrets, dignes en tous points d’être leurs frères et aptes à reconnaître les bornes du domaine de l’homme et l’infinie puissance de l’Éternel."

2. Cécile Révauger, "La Longue Marche des franc-maçonnes", Dervy, 2018, pp. 23 et 25.

3. Voir la chronologie complète des loges d’adoption au sein de la GLDF dans : « La GLFF », Mireille Beaunier-Palson, EMF, février 2018, p. 76.

4. Expression polémique régulièrement utilisée par certaines sœurs de la GLFF.

5. Ce sont les loges "Combats", "L’Échelle humaine", "La Ligne droite", "Prairial", "SaintJust 1793".

6. Expression du GM Jean-Michel Quillardet.

7. Voir https://www.lemonde.fr/idees/article/2008/07/07/grand-orient-les-soeurssont-nos-freres-par-alain-bauer_1067220_3232.html

8. Voir http://yagg.com/2010/01/23/exclusif-olivia-chaumont-trans-franc-maconneet-premiere-soeur-du-grand-orient-temoigne/2/

9. Présidée par le frère Alain Simon.

10. Arrêt de la 2 e chambre de la cour d’appel de Paris, rendu le 9 mars 2012, RG n° 11/07885.

 

Pourquoi "Humanisme" et les rédacteurs du dossier ont-ils passé cet épisode sous silence ?

 

Pour tous les connaître, et en apprécier la qualité et le sérieux, je suis très perplexe.

 

Je ne veux pas croire qu'il puisse s'agir de ressentiments interpersonnels. Pour avoir vécu personnellement le conseil de l'ordre de cette époque (2008-2011), je dois reconnaître que les tensions étaient parfois bien visibles. Mais c'était il y a maintenant plus de quinze ans...

 

Le Grand Maître à l'époque était Pierre Lambicchi.

Pourquoi ne pas rendre compte de l'action du conseil de l'ordre qu'il a présidé ?

Peut-on faire comme si rien n'avait été réalisé alors que les faits montrent le contraire ?

Non seulement dans la gestion de cette question -et je ne nie pas que des erreurs aient pu être commises (de part et d'autre)-, mais il faudrait évoquer aussi d'autres domaines. Par exemple son ambitieuse politique internationale de l'obédience (GSAE : Patrice Billaud-Durand puis Alain Fumaz et Aimé Battaglia), par exemple la politique immobilière (président de la SOGOFIM : José Gulino), par exemple la très sérieuse gestion financière (Grand Trésorier : José Gongora), par exemple encore la gestion des questions intérieures au plus près des intérêts des loges (GSAI : Albert Jabot puis Hervé Quinquis), ...

 

Pour conclure.

 

Il faudra probablement, une fois que les tensions seront définitivement apaisées, les enjeux de pouvoir disparus, rendre compte à plusieurs mains de la vie de l'obédience durant cette période. L'histoire mérite cette initiative et ses différents protagonistes, d'abord opposés comme dans tous les conflits, devront tous (principalement) agir en maçons, maîtriser leur amertume et se retrouver pour rendre compte, honnêtement, maçonniquement de ce qui a été construit.

 

 

Gérard Contremoulin

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C
Mon TCF Gérard<br /> Pour avoir personnellement lancé la dernière phase de l'initiation des femmes au GODF, réussie par les 5 Loges, j'ai été opposé, de 2008 à 2010, au Conseil de l'Ordre dont tu faisais partie. Je n'en suis que mieux placé pour convenir avec toi qu'une histoire maçonnique, honnête, doit être écrite. Pour ce faire, je renvoie au numéro 87 de janvier 2019 de La Chaîne d'Union, dans lequel j'ai produit une chronologie des évènements complémentaire de la tienne.<br /> Oui, "c'était maintenant il y a plus de 15 ans", et je n'ai pour ma part conservé aucune "amertume" - au contraire- de cette période : tu le sais bien. Je fais d'ailleurs observer qu'aucun des membres des 5 Loges pionnières n'est à l'origine des frictions qui ont entouré la parution du numéro 346 d'Humanisme. <br /> Je m'honore de fréquenter fraternellement Pierre Lambicchi au sein de la Juridiction du Rite Français. Je n'oublie pas qu'au total, il aura été paradoxalement le premier Grand Maître du GODF à inscrire des Soeurs initiées à l'état J de leurs Loges. C'est historique, et cela mérite bien qu'on oublie les "tensions" passées : seul compte le progrès pour l'Obédience dont a accouché la crise de 2008-2010.<br /> Ceci posé, permets-moi de rectifier et de compléter ta présentation.<br /> 1) Il n'y a jamais eu de "décision" du Convent interdisant l'initiation des femmes. Le rejet d'une proposition en faveur de la liberté des Loges ne constitue en aucun cas une décision contraire. Par ailleurs, le Convent n’a juridiquement aucun pouvoir en matière d'initiation des personnes : tout ce qu’il peut faire, c'est modifier le Règlement Général. Il ne l'a pas fait.<br /> 2) Tu t’interroges à juste titre sur la réponse donnée par le Conseil de l’Ordre aux 5 Loges, concernant l’existence ou non d’une précédente demande d’admission des 6 impétrantes. En effet, ce fut le véritable fait générateur des 6 initiations de Sœurs de 2008 : car les 5 Loges ont veillé scrupuleusement à ce que le Règlement général soit en tout point respecté. Il n’y a eu aucun « passage en force », contrairement à certaine légende, mais bien une subtile évolution du Conseil de l’Ordre, qui refusait jusqu’alors de répondre quand l’impétrant était une impétrante. Comment cela s’est-il passé ?<br /> Le Conseil de l’Ordre a été destinataire d’une note juridique (dont je connais un peu l’auteur), lui expliquant 1° qu’il n’avait pas « pouvoir discrétionnaire » de refuser sa réponse, mais « compétence liée » : il était obligé de répondre ; 2° que, dans le cas contraire, il commettait une discrimination en raison du sexe, punie par les lois de la République. En 2008, cette note fut a posteriori validée auprès du Grand Maître suivant par notre regretté F:. Henri Caillavet. <br /> En 2007-2008, le Conseil de l’Ordre a senti que notre situation était « délicate » « sur le plan juridique et judiciaire » (selon le GM J.M. Quillardet dans une circulaire aux Loges). Il a donc choisi de répondre, disant qu’il ne lui appartenait « ni d’encourager ni de dissuader » les Loges de leur démarche, et constatant simplement : « c’est un fait que la profane X n’a pas fait l’objet d’une précédente demande d’admission » ; il rappelait néanmoins aux Loges que le Convent n’avait pas donné avis favorable à l’initiation de femmes. La lettre, reçue à tour de rôle par les 5 Loges, était signée J.M. Quillardet (GM), Guy Arcizet (GSAE), et Claude Vaillant (Grand Orateur).<br /> 3) Faisons grâce aux lecteurs de ton excellent blog des épisodes de tension qui ont émaillé les années 2008 à 2010, malgré la signature d’un protocole d’accord. Mais n’oublions pas que C’EST LA CSJM, par une décision du 8 avril 2010, confirmée en appel le 10 juin 2010, qui a constaté la parfaite régularité des initiations de Sœurs et enjoint leur inscription à l’état J de leurs Loges. Le GM a respecté cette décision.<br /> 4) A l’ouverture du Convent 2010, l’affaire était donc pliée. Le vœu des « Amis du Progrès » (dont je connais également le rédacteur) visait seulement à recueillir l’accord politique du Convent : ce qui fut fait, même si les conditions de sa présentation (la CCVR ayant refusé son avis) ont justifié son annulation. Il en est allé de même en 2011, la CSJM estimant qu’un vœu ne saurait interpréter le RG. Mais la majorité du Convent a confirmé deux années consécutives son basculement en faveur, non de la « mixité », mais de la « liberté des Loges ».<br /> Excuse-moi d’avoir été long, mais il y a de quoi écrire un ouvrage entier (à quatre mains, pourquoi pas ?) sur « l’évènement le plus important dans la vie du GODF depuis le Convent de 1877 ».<br /> Bien fraternellement<br /> Charles
Répondre
Il fallait que cela fut dit. Notre TCF Charles, expert en la matière, l'a fait.<br /> Je le remercie de ce commentaire, à la fois par le choix des mots et par la précision des faits.<br /> Cet "important" épisode de la vie du GODF vaut effectivement une écriture multiple, enrichie du croisement des points de vue.<br /> Je me réjouis que Charles puisse y contribuer.

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