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Le Blog pour Tous d'un franc-maçon. "La loi morale au fond de notre coeur et la voute étoilée au dessus de notre tête". Emmanuel Kant Les pseudonymes ne sont plus acceptés pour les commentaires. (4.11.2018)

16 Feb

GLDF : nouvel épisode de révisionnisme historique.

Publié par Gérard Contremoulin  - Catégories :  #Obédiences, #Formation et Histoire maçonnique

GLDF : nouvel épisode de révisionnisme historique.

 

Lors d'une conférence publique à Bangkok (Thaïlande), le Grand-Maître de la Grande Loge de France (GLDF), Thierry Zaveroni aurait déclaré que la Grande Loge de France a été fondée en 1738.

 

Il aurait ajouté qu'à ce titre, elle est l'une des plus anciennes obédiences de France.

 

L'actuelle Grande Loge de France reprend à intervalles réguliers, cet épisode du révisionnisme historique. Pour ce faire, elle se base sur son homonymie avec la première "Grande Loge de France", dont l'origine se situe en 1728.

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Reprenons l'histoire.

 

 

L'implantation de la Franc-Maçonnerie en France.

 

Les premières loges s'implantent en France dès 1721. Notamment à Dunkerque, la Respectable Loge "Amitié et Fraternité" est créée par le duc John Montagu, alors Grand-Maître de la Grande Loge de Londres et de Westminster (créée, elle, en 1717).

 

En 1728 (juillet) un Grand-Maître est élu, Philip, duc de Wharton. Il est investi des titres et prérogatives de Grand-Maître pour l'ensemble des loges du Royaume de France. C'est la naissance de la première Grande Loge de France.

 

En 1738, cette première Grande Loge de France élit son 4° Grand-Maître, Louis de Pardaillan de Gondrin, duc d'Antin. Il est le premier Grand-Maître français. Son élection marque l'indépendance de la maçonnerie française par rapport à Londres.

 

Comment travaille cette Grande Loge de France ?

 

Elle importe en France la Franc-Maçonnerie anglaise des "Modernes" et travaille selon son rite, traduit en français.  

 

L'obédience se transforme en GODF en 1773. Pour uniformiser les pratiques sur l'ensemble du territoire, il met en chantier la codification du Rite que les loges pratiquaient avec beaucoup de disparités. Il charge Alexandre-Louis Roettiers de Montaleau et la Chambre des Grades, de ce travail. Pour les grades symboliques, paraîtra en 1801  : "Le Régulateur du Maçon".

Une deuxième tâche lui est aussi confiée, celle de codifier les grades post maîtrise. Avec cette fois le Grand Chapitre Général de France, il synthétisera plus de deux-cents rituels qui existaient au XVIII° siècle, en quatre Ordres. Ils seront publiés également en 1801 : "Le Régulateur du Chevalier Maçon". Roettiers de Montaleau insistait sur la continuité de ces travaux qui donnaient "un rite en sept grades + un", connu sous le nom de "système du GODF".

 

Le nom de "Rite Français" ne lui sera donné qu'après l'arrivée à Paris de De Grasse Tilly en 1802. Ce dernier importe de Caroline du Sud, un nouveau rite, le Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA), rite qui ne contient pas de grades bleus. Pour l'ensemble des grades et notamment les trois premiers, il sera constitué de beaucoup d'apports du Rite Français auquel seront combinés des éléments issus de la Grande Loge des Anciens de Laurence Dermott (2° obédience créée à Londres en 1751). Il sera reconnu et intégré au GODF en 1804. Il sera codifié en 1821 et publié sous le nom de "Guide des maçons écossais". 

 

Puis, le Grand-Maître, Lucien-Charles Napoléon, Prince Murat (1852-1861), le dotera de son siège actuel, rue Cadet, à Paris.

 

 

La fondation de l'actuelle GLDF (Grande Loge de France).

 

Une nouvelle "Grande Loge de France" sera créée en 1894, sur proposition de certaines loges bleues du Suprême Conseil de France, dont la Loge de Lille "La Fidélité". Ces loges ne supportent plus l'empreinte symboliste trop imprégnée de références religieuses issues des structures du Suprême Conseil de France. 

 

Qu'un Suprême conseil administre à la fois des Hauts-Grades et des loges bleus (symboliques) est un fait d'exception française par rapport aux pratiques des Suprêmes Conseils des autres pays. 

 

Cette nouvelle obédience est créée un an après la Fédération Française du Droit Humain. Elle a son siège rue de Puteaux à Paris.

 

Elle a édité pour son centenaire ce timbre :

 


 

Par conséquent, le nom de "Grande Loge de France" est resté sans utilisation de 1773 à 1894, soit pendant cent-vingt-et-un ans.                   

 

 

 

Mais reprenons aussi l'histoire récente...

 

2008 : Une crise assaille la Grande Loge Nationale Française (GLNF). Jean-Laurent Turbet, blogger émérite de la GLDF, la commente sur son blog en 2010.

Elle atteint son paroxysme en 2012 lorsque la Grande Loge Unie d'Angleterre (GLUA) lui retire sa reconnaissance de représentativité. Et comme la GLUA ne reconnait qu'une seule Grande Loge par pays, d'aucuns estiment que la question est ouverte en France, et que cette reconnaissance est devenue disponible.

 

L'Appel de Bâle.

 

La GLDF pense le moment venu de se porter candidate sur les déboires de la GLNF. D'autant que les cinq Grandes Loges européennes lancent un appel en ce sens, à Bâle, le 10 juin 2012. Ce sont la Grande Loge de Suisse (Alpina), la fédération des Grandes Loges d'Allemagne, les Grandes Loges d'Autriche, de Belgique et du Luxembourg. On sera particulièrement attentif au quatrième point de cet appel. 

 

S'ouvre alors un long chemin de consultations, négociations, convents, décisions de nouvelles superstructures. 

 

RPMF et CMF.

 

La séquence suivante est marquée par la création de deux processus maçonniques. L'un est intitulé : RPMF (Recomposition du Paysage Maçonnique Français), rien que ça ! L'autre consiste en la création d'une structure, la CMF : la Confédération Maçonnique Française. Un "Haut représentant" est même désigné en la personne du TRF Jean-Jacques Zambrowski. Voir ici.

 

On retrouve sur les colonnes de ce blog des échos de cette séquence maçonnique "européenne" : iciici, ici, ici, ici.

 

On sait maintenant qu'elle s'est achevée sur un fiasco dès que la GLUA a rétabli sa reconnaissance à la GLNF, le 11 juin 2014.
 

 

Fermé le ban, sauf pour quelques unes des cinq obédiences européennes qui ont cherché, pas bien longtemps d'ailleurs, une sortie par le haut de cette tentative bien peu reluisante.

 

 

Discussion.

 

Si la déclaration du Grand-Maître Thierry Zavéroni était fondée, cela signifierait que la GLDF aurait commencé son histoire en travaillant au rite des Modernes, c'est-à-dire au Rite Français ?

 

Il faudrait alors expliquer pourquoi, quand et dans quelles conditions ses loges ont  toutes choisies de changer de rite et d'adopter, unanimement, le REAA. Et dans quelles conditions ce rite est devenu le seul admis pour l'ensemble de cheminement maçonnique (du 1° au 33° degrés).

 

Il faudrait aussi expliquer cette absence d'utilisation de son nom pendant cent-vingt-et-un ans (1773-1894).

 

Il faudrait encore expliquer comment la GLDF imagine une obtention de la reconnaissance de Régularité de la GLUA. En effet, celle-ci exige que l'obédience demanderesse ne soit pas issue elle-même d'une obédience administrant à la fois des loges symboliques et des loges ou chapitres post maîtrise (Hauts-Grades). Or, la GLDF a été fondée à partir des loges bleues du Suprême Conseil de France, c'est-à-dire une obédience qui administrait précisément des loges bleues et des Hauts-Grades.

 

Il faut, enfin, se poser la question de l'intérêt de cette énième tentative de révisionnisme historique par rapport aux défis sociaux qui nous attendent et dont on ne peut éviter de penser que certains dirigeants populistes pourraient aller jusqu'à la mise en cause de l'existence même de la Franc-Maçonnerie dans leurs pays.

 

 

Gérard Contremoulin

_____________________________

 

 

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J
Même si on sait que cette prétention sur la date de fondation et la filiation avec la première Grande loge de France par la GLDF est aussi un pied de nez au GODF et s'inscrit dans une gué-guerre entre les deux obédiences malgré les relations fraternelles qui, historiquement, les unis. La GLDF a toujours jalousée le GODF pour sa place dans la maçonnerie française et européenne. Le GODF est à la fois la plus importante obédience française en terme d’effectif et aussi la plus vieille de France et d'Europe continentale. Car rappelons-le, le Première Grande loge de France est le GODF d'aujourd'hui, puisqu'en 1773, il n'y a pas eu dissolution de la Première Grande loge de France et création du GODF, mais uniquement un changement de nom qui devait marquer une grande réforme structurelle dans le fonctionnement de la Première Grande Loge de France (démocratisation de l'obédience, abandon des charges viagère, etc...). Les frères en désaccord avec ces réformes ont quitté la Première Grande Loge de France pour fondé la Grande Loge de Clermont (du nom de l'ancien GM). Cette seconde obédience, essentiellement aristocratique, n'a pas survécu à la période révolutionnaire.<br /> Mais la Première Grande Loge de France existe toujours aujourd'hui sous le nom de Grand Orient de France qu'elle a adoptée en 1773. Donc l'obédience qui peut le plus revendiqué la date de fondation de 1738 est bien le GODF, qui préfère cependant se contenter de la date de 1773, qui est celle de l'adoption de sa dénomination actuelle, car celle-ci marque aussi un changement structurelle majeur dans le fonctionnement de l'obédience.<br /> Mais celà ne doit pas déranger le rédacteur en chef du site 450.FM, le frère Franck Fougeray, qui semble avoir développer ces dernière années une aigreur particulière envers le GODF. Il a déjà utilisé son site 450.FM pour s'en faire l'écho. Le dernier convent du GODF a d'ailleurs, je crois, évoqué ce sujet.
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J
MBCF, le site 450.FM s'est aussi fait l'écho de cette date erronée, alors qu'il se réclame du journalisme.Un journaliste est censé vérifié l'exactitude de ces informations avant de les publier.Sur le moment, je me suis dit que cela ne servais à rien de réagir, mais finalement à la lecture de cet article, j'ai finis par poster un message sur le site de 450.FM.
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