Questions aux obédiences maçonniques
Dire explicitement que le soutien aux organismes à caractère sectaire est incompatible avec la franc-Maçonnerie.
La participation de Philippe Liénard, ès-qualité de franc-maçon, à des conférences organisées par la Scientologie, à Bruxelles et à Paris, a soulevé un tollé quasi général sur les réseaux sociaux.
Sur le fond, cette participation pose un problème sérieux que les obédiences, garantes des valeurs maçonniques, devront aborder en dépassant leurs particularismes. Condamnée en France pour "escroquerie en bande organisée", la Scientologie est citée dans les trois rapports parlementaires (1995, 1999 et 2006).
Dans le rapport parlementaire de 1995
La Scientologie y est classée comme "mouvement sectaire".
Le rapport établit une liste de 173 mouvements sectaires, classés par nombre estimés d'adeptes.
- Mouvements sectaires de 2.000 à 10.000 adeptes :
Association Lucien J. Engelmajet
CEDIPAC SA (ex-GEPM)
Chevaliers du Lotus d'or
Communauté des petits frères et des petites soeurs du Sacré-coeur
Eglise de scientologie de Paris
Eglise néo-apostolique de France
Eglise universelle du royaume de Dieu
Energie humaine et universelle France - HUE France
Institut de science vedique maharishi Paris - C.P.M. - Club pour méditants ( " Méditation transcendentale " )
Mouvement Raëlien français
Shri Ram Chandra Mission France
Soka Gakkai internationale France
Dans le rapport parlementaire de 1999 sur "Les sectes et l'argent"
La structure de la Scientologie y est largement décrite .
b) La Scientologie ou l'exemple d'une organisation pyramidale particulièrement poussée
L'organisation de la Scientologie est aujourd'hui devenue un sujet d'étude, et plusieurs ouvrages portant sur la secte lui consacrent des développements particuliers. On a notamment beaucoup écrit sur les instances internationales du mouvement auxquelles il est généralement attribué une ambition planétaire et l'utilisation de techniques de renseignement redoutables. La Commission n'a pas pu vérifier l'existence de telles pratiques qui, au demeurant, n'entraient pas directement dans son objet. En revanche, elle a pu constater le degré de sophistication de l'organisation scientologue.
Dans chacun des pays où elle est implantée, la Scientologie assure un maillage très serré du territoire destiné à assurer le fonctionnement pyramidal de la secte.
De la base aux instances nationales, il existe trois niveaux de structure dont le rôle et la place au sein de l'organisation sont strictement définis par un règlement interne.
- Les missions de la Scientologie
Les missions constituent l'outil de base de la propagation de la secte. Elles sont chargées de s'adresser aux personnes qui n'ont jamais eu de contact avec cette dernière, et ne peuvent proposer que les prestations élémentaires de la Scientologie. Elles sont cédées à des adeptes confirmés sous la forme d'un contrat de franchise qui prévoit le reversement d'un pourcentage (10 % en général) du chiffre d'affaires de la mission. Les missions sont liées entre elles par des relations fédérales, et sont placées sous l'autorité d'un bureau territorialement compétent, comme le Bureau de SMT installé à Copenhague, en charge de l'ensemble de l'Europe. Elles sont également surveillées par le Bureau international des missions scientologues dont le siège est à Los Angeles, et qui est chargé de leur apporter conseil et assistance.
Lorsqu'elles n'ont pas les moyens d'assurer l'enseignement de R. Hubbard, les missions renvoient leurs adeptes vers les églises, et touchent une commission sur les revenus perçus par ces dernières sur chaque nouvelle recrue.
- Les églises de Scientologie
Les églises forment les principales instances de la Scientologie dont elles coordonnent l'ensemble des associations présentes sur leur territoire de compétence. Elles dispensent les cours jusqu'au niveau V, et restent soumises aux directives transmises par l'organisation internationale de la secte. Elles sont traditionnellement découpées en plusieurs sections (finances, éthique, comité de surveillance...).
- Les celebrity centers
Les celebrity centers servent de vitrines à la Scientologie. Ils s'adressent aux adeptes ou futurs adeptes pour lesquels la secte entend réserver un traitement particulier, justifié par leur position sociale, et notamment par leur appartenance au monde du spectacle ou des affaires. Ces centres dispensent des cours de niveau V, ainsi que des formations spécifiques destinées aux chefs d'entreprise. Les membres des celebrity centers sont mis en avant par la secte pour cautionner son existence et sa réputation.
La Scientologie disposait d'un celebrity center en France, installé à Paris. Il a fait l'objet d'un redressement fiscal pour activité lucrative non déclarée et le Tribunal de commerce de Paris a prononcé sa liquidation judiciaire par un jugement du 10 juillet 1997.
La branche française de la Scientologie a subi une restructuration en 1996 qui a abouti à une multiplication des structures. Chaque église de Scientologie a été dédoublée en, d'une part, une association dénommée " Eglise de Scientologie " chargée des rites et des cérémonies et qui prétend profiter du statut d'association cultuelle, et, d'autre part, une association intitulée " Association spirituelle de l'Eglise de Scientologie " chargée d'assurer certaines prestations proposées par la secte (cours de dianétique, auditions...). Ce dédoublement existe ainsi dans cinq villes : Paris, Lyon, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand et Angers. En outre, les associations revendiquant le statut cultuel ont été regroupées dans une " Union des églises de France ". Parallèlement, il existe toujours quatre missions scientologues implantées à Bordeaux, Toulouse, Nice et Marseille, qui constituent des associations autonomes, chargées d'assurer les services de base. Les centres de dianétique forment les établissements locaux de la secte, dénués de personnalité morale et rattachés à une église. Enfin, la SARL Scientologie Espace librairie a été créée pour regrouper les aspects les plus directement lucratifs des activités de la secte (vente de produits et d'ouvrages). Cette société dispose d'un établissement secondaire auprès de chaque église de province et assure ainsi, à travers la commercialisation des produits scientologues, la liaison entre ces différentes associations.
Pour tenter d'être complet, il faut ajouter que certaines activités périphériques ont été confiées à des associations spécifiques créées à cet effet, comme " Non à la drogue, oui à la vie " ou les centres Narconon, qui constituent la vitrine présentée comme " caritative ", et la concrétisation de son implication dans la lutte contre la drogue.
Cette organisation aboutit à un cloisonnement des structures qui entretient l'illusion d'une séparation des activités. La branche spécifiquement prosélyte est constituée par les églises et les associations spirituelles. Les activités économiques sont ventilées entre d'une part les associations spirituelles et les missions pour ce qui concerne les prestations " intellectuelles " tournant autour de la diffusion de la dianétique, et d'autre part la SARL pour la vente de produits. Cette dernière sous-loue également des immeubles aux associations. Une telle séparation a l'avantage de créer une étanchéité entre les différentes structures, cette démarche n'étant pas propre à la Scientologie. C'est l'argument qui a été utilisé par la présidente d'une église scientologue qui, devant la Commission, a déclaré ne rien connaître des activités de l'association spirituelle pourtant installée à la même adresse, et dont elle est membre, et a par conséquent refusé de répondre à certaines questions.
La restructuration de la Scientologie ne doit tromper personne. Au-delà des découpages juridiques, les associations scientologues restent soudées par une communauté de locaux, de pratiques et d'intérêts, et entretiennent des liens financiers étroits qui seront examinés plus loin.
Dans le rapport parlementaire de 2006 sur "l'influence des mouvements à caractère sectaire sur la santé physique et morale des enfants".
b) L'exploitation psychosectaire des enfants souffrant de troubles psychiatriques
Il est à noter que le problème des enfants dits hyperactifs a été intégré par la Scientologie à la campagne que celle-ci mène contre la psychiatrie. Sur ce sujet, les efforts de cette organisation ont été couronnés de succès avec l'adoption, par la commission permanente, agissant au nom de l'Assemblée du Conseil de l'Europe, le 29 mai 2002, d'une résolution intitulée « Contrôler le diagnostic et le traitement des enfants hyperactifs en Europe ».
Cette recommandation (n° 1562) a fait l'objet d'une réponse du Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 26 mars 2003 qui précise que : « certains des points soulevés dans la recommandation ne concordent pas avec l'opinion de la grande majorité de la communauté scientifique et sont dangereusement proches de certaines théories bien connues que l'église de Scientologie prône depuis un certain temps mais qui ne résistent pas à un examen scientifique sérieux. Le Groupe Pompidou (153) fait observer que ces théories sont non seulement dépourvues de tout fondement scientifique mais aussi que, si elles étaient appliquées, elles mettraient gravement en danger la santé des enfants en question en les privant d'un traitement approprié.[...] [ Le comité des ministres] déplore que l'adoption et la publication de la recommandation 1562 pourrait permettre à l'église de Scientologie de s'y référer comme à un document faisant autorité, sur la base d'un prétendu consensus au sein du Conseil de l'Europe, induisant ainsi en erreur notamment les non spécialistes, comme les parents et les enseignants, mais aussi certains médecins et pharmaciens qui connaissent mal les problèmes du diagnostic et du traitement des enfants souffrant du TDA/THK »(154).
On relève que le 11 octobre 2006 une nouvelle proposition de recommandation à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a été déposée. Intitulée « Le droit des enfants à surmonter l'hyperactivité et les problèmes de concentration dans de bonnes conditions » (Doc.11070 rev), celle-ci reprend les affirmations contenues dans la recommandation adoptée le 29 mai 2002. La commission d'enquête appelle les délégations de parlementaires au Conseil de l'Europe à une particulière vigilance face à ce qui se présente comme une nouvelle tentative d'officialiser les thèses de la Scientologie.
Il est à relever que les actions les plus récentes de la Scientologie passent aussi par la commission des citoyens pour les droits de l'homme (CCDH). Celle-ci a, par exemple, organisé à Paris, le 22 juin 2005, un colloque : « Les jeunes en danger : les enfants européens, un nouveau marché pour la psychiatrie ». Votre rapporteur avait attiré à cette occasion, sous forme de question écrite, l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur le danger de cette propagande(155).
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B. L'ENFANT, UN OBJET DE DÉMARCHAGE POUR DES CAUSES APPAREMMENT HUMANITAIRES
Qualifiée de « perverse » par M. Jean-Michel Roulet (175), l'exploitation par différents mouvements de thèmes humanitaires permet d'attirer dans leurs rets des adolescents souvent épris d'idéal.
Les mouvements à dérives sectaires les plus connus ont, de ce fait, créé des filiales dont les thèmes ne peuvent qu'interpeller et séduire la jeunesse, sans faire naître des soupçons puisque le rattachement à la maison mère n'apparaît pas immédiatement. En outre, comme le constate la MIVILUDES : « militer pour la paix mondiale ou en faveur des droits de l'homme, lutter contre les méfaits de la drogue, œuvrer sur le terrain de l'action humanitaire : voilà des engagements suscitant le respect et conférant une notoriété certaine »(176).
Ces « faux nez » ont pour nom : « Fédération pour la paix » (mouvement Moon), « Non à la drogue, oui à la vie » (Scientologie), « Jeunes pour les droits de l'homme (Scientologie), etc. Leurs publicités sont particulièrement soignées et attractives : belles affiches(177), visages souriants d'enfants ou d'adolescents...
Par ailleurs, ces mêmes mouvements s'investissent de façon particulièrement efficace auprès des jeunes en difficultés personnelle ou sociale. Ainsi, selon M. Daniel Groscolas : « lors des manifestations contre le CPE, plusieurs sectes se sont investies dans la contestation. Tabitha's Place était présente dans le Sud-ouest et délivrait des tracts. Le « Mouvement humaniste », qui est une secte, était présent dans les manifestations »(178).
M. Jean-Michel Roulet a, quant à lui, rapporté à la commission d'enquête que, lors des émeutes de l'hiver 2005, la Scientologie s'est beaucoup déployée en banlieue, notamment en Seine-Saint-Denis. « On a vu de jeunes scientologues en chasuble jaune proposer des ouvrages de Scientologie. On a vu également s'investir sur le terrain de jeunes scientologues ou des enfants de scientologues adultes membres de l'organisation Youth for Human Rights. Les « Jeunes pour les droits de l'homme », c'est très sympathique. La Scientologie a aussi proposé des actions de soutien scolaire, ou encore des distributions de cadeaux de Noël aux plus défavorisés. Cette stratégie a un double but : recruter, et donner de la Scientologie une image sympathique » (179).
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Le mouvement sectaire revient sur le devant de la scène sous des formes nouvelles, autour des grands mouvements anciens. Tous recherchent la reconnaissance. Les stratégies qu'ils utilisent visent la banalisation et leur reconnaissance "officielle".
La Scientologie tente de se faire reconnaître comme religion, où les préoccupations financières (le statut fiscal des cultes) ne sont pas étrangères.
Dans tous les cas, ces organismes visent, directement ou indirectement à détruire, à déstabiliser ou à aliéner l'être humain.
Les obédiences maçonniques doivent déclarer l'incompatibilité entre les organismes sectaires et la Franc-Maçonnerie.
Gérard Contremoulin
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