Avortement : l’Europe confirme la possibilité d’objection de conscience
Publié par JIM.fr
Paris, le vendredi 8 octobre 2010.
La chaîne de prière semble avoir porté ses fruits.
Alors que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) paraissait prête à adopter un projet de recommandation et de résolution remettant significativement en cause l’utilisation par les professionnels de santé de la clause de conscience qui leur permet de refuser de pratiquer certains actes contraires à leurs convictions religieuses et idéologiques, les mouvements anti-avortement de l’Europe entière s’étaient mobilisés pour que soient profondément amendés ces textes. Une chaîne de prière avait même été initiée qui semble avoir été entendue puisque hier, l’APCE a adopté un projet de recommandation et de résolution qui souligne au contraire « la nécessité d’affirmer le droit à l’objection de conscience » et qui rappelle que « nul hôpital, établissement ou personne ne peut faire l’objet de pressions, être tenu responsable ou subir des discriminations d’aucune sorte pour son refus de réaliser, d’accueillir ou d’assister un avortement ».
Le soulagement ne s’observe pas seulement chez les militants anti-avortement, qu’ils aient ou non fait de la prière leur arme de bataille principale, mais également chez les professionnels de santé. L’Ordre des médecins lui-même s’était élevé contre un projet de texte qui proposait de mettre en place un « registre des objecteurs de conscience », qui semblait prêt à « obliger les professionnels de santé à donner le traitement désiré auquel le patient a légalement droit en dépit de son objection de conscience » et qui désirait contraindre les praticiens à « prouver que leur objection est fondée en conscience ou sur des croyances religieuses et que leur refus est donné en toute bonne foi ». Ces propositions extrêmes avaient inquiété même les partisans de l’avortement. Ainsi, présidente de l’Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception (ANCIC), le docteur Marie-Laure Brival, interrogée par le Figaro insistait il y a quelques jours : « la liberté de conscience reste un droit fondamental » et considérait que certaines des dispositions allaient « trop loin ».
Ayant renoncé à ces mesures drastiques, l’APCE invite néanmoins « les Etats membres du Conseil de l’Europe à élaborer des réglementations exhaustives et précises définissant et réglementant l’objection de conscience eu égard aux soins de santé et aux services médicaux ». De fait, ces précisions manquent dans de nombreux pays : « L’Andorre, la Lettonie, Malte, le Monténégro, l’ex-République yougoslave de Macédoine et la Suède ne réglementent pas l’objection de conscience. En Suède, on se montre accommodant envers les prestataires de soins de santé et il semble que se posent quelques problèmes pour réaliser un équilibre entre les droits des prestataires de soins de santé et les droits de la femme », note le rapport de l’APCE, qui souligne encore que dans d’autres états, le « cadre réglementaire de l’objection de conscience » est appliqué de manière insatisfaisante et cite le cas de la Pologne, de la Slovaquie et de l’Italie. Ainsi, dans ce dernier pays, la situation représente un véritable danger pour l’accès des femmes à l’avortement puisque 70 % des gynécologues refusent de pratiquer cet acte, un pourcentage qui a progressé de 12 point entre 2003 et 2007.
L’APCE souligne que les réglementations concernant l’objection de conscience doivent prévoir « que les patients soient informés en temps utile de tout cas d’objection de conscience et envoyés chez un autre prestataire de santé ». A cet égard, le rapport de l’APCE épingle les réglementations qui « ne prévoient pas de mécanisme de surveillance pouvant vérifier l’application de cette mesure, de nombreux patients n’étant donc pas orientés vers un autre prestataire de soin de santé ». C’est notamment le cas de la Pologne, de la Hongrie et de la Croatie, tandis que dans ce derniers pays des pratiques malhonnêtes sont mises à jour par le rapport : « En Croatie, certains médecins opposeraient une objection à pratiquer l’avortement mais offriraient aux patientes de se faire avorter dans un cadre privé pour des motifs financiers ». On notera enfin que l’APCE souhaite que les réglementations de l’objection de conscience « garantissent que les patients bénéficient d’un traitement approprié, notamment en cas d’urgence ».
Il est à noter qu’aux côtés des pays peu scrupuleux, où l’objection de conscience semble parfois utilisée sans aucune considération de la nécessaire garantie de l’accès aux soins, le rapport cite à plusieurs reprises le cas d’états plus vertueux, où l’équilibre entre conviction des praticiens et droit à l’avortement est bien respecté. La Grande-Bretagne, la Norvège et la France comptent parmi ceux là. Cependant en France, l’accès à l’avortement se révèle parfois difficile. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales l’an dernier avait noté que le nombre d’établissements réalisant des IVG était passé de 729 à 630 au cours des vingt dernières années. Or, cette question de la réduction de l’offre figure parmi les préoccupations de l’ACPE qui dans l’introduction de son rapport note que « les signataires du projet de résolution s’inquiètent tout particulièrement de la manière dont la non réglementation de l’objection de conscience touche disproportionnellement les femmes (…) qui ont de faibles revenus ou qui vivent dans les zones rurales ». Cependant, en France, une utilisation trop importante de l’objection de conscience ne semble pas être la principale raison expliquant la dégradation de l’accès à l’avortement.
Aurélie Haroche
JIM = Journal International de Mèdecine
JIM.fr est réservé aux professionnels de santé. Ces derniers doivent être identifiés comme tels pour accéder à l’ensemble des pages du site. A titre exceptionnel, cette rubrique est accessible sans login et mot de passe. Toutefois, sur ces pages Pro et Société, les lecteurs non logués ne seront pas exposés à des publicités pharmaceutiques et devront s’identifier pour accéder aux autres rubriques médicales du site JIM.fr.
http://www.jim.fr/en_direct/pro_societe/e-docs/00/01/D3/02/document_actu_pro.phtml