Bioéthique : de la propriété du corps humain.
par Eric BODEAU*
Au Grand Orient de France, obédience maçonnique adogmatique, les Francs Maçons prônent un engagement humaniste, initiatique et fraternel.
Cet engagement philosophique se traduit également par une réflexion sociétale et notamment en matière de bioéthique
La réflexion engagée porte entre autre sur « la propriété du corps humain » et en particulier sur « les greffes et dons d’organes », avec un regard sur les trafics en tout genre qui s’installent à travers la planète.
L'habeas corpus, un des fondements du droit anglais, affirme que l'individu a un corps. L'apôtre Paul dit que notre corps appartient à Dieu. Rousseau reprend cette idée religieuse en remplaçant Dieu par la communauté, et affirme que notre corps appartient à cette dernière. La question de la propriété du corps est donc assez problématique mais paradoxalement, si on pose cette question à quelqu'un dans la rue, il va répondre naturellement que son corps lui appartient. Le corps, cette partie matérielle des êtres humains, appartiendrait donc à un propriétaire qui aurait un droit réel sur le corps c'est-à-dire un « droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements » (art 544 du Code Civil).
On peut remarquer que depuis quelques temps, la question de la propriété du corps humain est posée et semble même de plus en plus pressante. Des philosophes éprouvent aujourd'hui la nécessité de clarifier cette question parce que la société est confrontée à de nouvelles questions et que le droit semble perdu au milieu de ces questions. En effet, le corps a du être introduit dans l'espace juridique à cause des nouvelles technologies qui permettent de modifier son corps. Alors qu'auparavant le corps de l'homme était fixé naturellement à un sexe et soumis au hasard de la procréation, aujourd'hui l'homme revendique de pouvoir changer son devenir qu'il ne veut plus contingent. Ces nouvelles revendications de la libre disposition de son corps ont conduit à des innovations technologiques qui ont dépassé le rythme de progression du droit. On s'est donc retrouvé face à un vide juridique d'autant plus intolérable qu'il concernait notre corps et le législateur a du innover pour trouver un nouveau cadre juridique au corps.
On comprend les enjeux pratiques de savoir à qui le corps humain appartient, mais il existe avant tout des enjeux philosophiques. En effet, répondre à la question de l'appartenance du corps humain revient à se poser la question de la nature humaine et donc de la liberté de l'homme. il existe une opposition entre deux définitions majeures du corps humain, le corps perçu comme une chose et le corps qui est un substrat de la personne, à laquelle correspond deux définitions de la liberté de l'homme. Cependant, une seconde analyse montre que ces définitions théoriques du corps se heurtent à des réalités technologiques et de société où le droit a du innover et dépasser les catégoriques philosophiques.
Je souhaite que le GODF prenne part pleinement à ce débat, avec ses valeurs humanistes et sa conception de l’éthique qui replace l’homme au centre même des préoccupations scientifiques dans le respect imprescriptible de la notion même de liberté absolue de conscience
*Eric BODEAU est conseiller de l'ordre du GODF