Hollande-Nétanyahou : le malaise...
La rencontre entre le président François HOLLANDE et le 1° ministre de l'Etat d'Israël Benyamin NETANYAHOU, crée un malaise tant dans sa séquence élyséenne que dans l'hommage qu'ils ont rendu aux victimes de Mohammed Merah à Toulouse.
Un malaise qui vient tout à la fois de la période politique israélienne où des élections législatives vont se dérouler le 22 janvier 2013 (dans 3 mois et demi) et où le 1° ministre est candidat et du statut de cette réunion toulousaine. Un malaise ressenti en écho aux principes de non ingérence d'abord dans la vie politique nationale d'un pays ami et ensuite, de séparation des Eglises et de l'Etat.
Dans chaque cas, outre la visite officielle, on ne peut que s'interroger sur l'opportunité de la présence de l'un ou de l'autre de ces deux responsables politiques.
Dans la séquence élyséenne, il s'agit de la réception d'un hôte politique, dirigeant d'une puissance amie, lors d'un voyage officiel : rien à dire. Cela s'appelle le jeu normal de la diplomatie. Cela se complique lorsque le 1° ministre invite les membres d'une "communauté" religieuse à venir s'installer dans son pays ! En effet, ou bien il est reçu en chef de gouvernement et il évoque toute question relative aux relations entre nos deux Etats, ou bien il vient en chef de "communauté" (pour ne pas dire religieux) et il invite ses correligionnaires à "faire leur alya", c'est-à-dire à venir s'installer en Israël. Ces deux attitudes sont, théoriquement d'un point de vue laïque, inconciliables. D'ailleurs, le Président Hollande a du mettre les choses au point.
L'hommage à Toulouse présente lui aussi deux aspects. D'abord l'hommage et le recueillement devant la douleur des familles endeuillées à la suite des assassinats perpétrés par Mohammed Mérah. Poignante cérémonie, marquée de témoignages vibrants. Nulle envie ne me prend de les passer sous silence. Et comme dans tout drame de cette atrocité, il faut chercher la manière la plus rapide et la plus efficace pour que cela ne se reproduise pas. Il s'agit là de français. Ils ont été assassinés en raison de leur foi et cela n'est pas acceptable. Le Président l'a rappelé sans hésitation.
On a écouté avec beaucoup de gravité le témoignage de la femme du professeur assassiné avec ses deux enfants. Là encore, recueillement et respect. Et lorsqu'elle évoquait sa foi et sa grande connaissance de son contenu, on comprenait qu'elle puisait là la force de continuer à vivre depuis qu'elle avait perdu sa famille. On était dans la compassion, légitime, généreuse...
Pendant ce temps, les deux dirigeants étaient cote à cote, quasiment mêlés aux officiels et aux familles. Je crois que le malaise vient de là. Les organisateurs ont pris leurs distances avec le protocole de la République. Pourquoi parler de "protocole" en pareille circonstance au risque de paraître insensible ? Parce que non pas que je sois inflexiblement attaché au protocole républicain, mais parce ce protocole permet de respecter, dans ce genre de circonstance, le principe d'égalité dans la dignité que la République doit à tous ses enfants. A ceux de Toulouse, à ceux de Montauban et à toutes celles et à tout ceux qui ont été victimes de leur devoir lorsqu'il s'agit de militairse (voir les cérémonies aux Invalides) ou victime de ce type d'assassinat.
Et là, le Président a dérogé. Et s'est installé progressivement un état compassionnel, digne bien évidemment, mais qui donnait l'impression que les proches de ces victimes de Toulouse occupaient une place inédite en pareille circonstance. Certes, il a prononcé, lors de son intervention, des paroles fortes et responsables devant ce drame de l'antisémitisme. Il a pris des engagements en matière de sécurité des enfants et des maîtres, il s'est situé au niveau des principes et c'était une attitude républicaine. Et puis le Premier ministre Israélien a pris la parole.
D'abord en français, et longuement, ce qui est tout à fait inhabituel. Puis tout naturellement il a indiqué qu'il allait poursuivre - et ses mots ont leur importance - non pas en hébreu, la langue nationale, mais "dans la langue de la Bible" ! Dès lors, le ton était donné. Avec sa connaissance du français et de notre culture de la Laïcité dans la République, il ne pouvait ignorer qu'il envoyait ainsi un message. C'était davantage le leader communautaire qui parlait que le 1° ministre de l'Etat d'Israël. Il terminera d'ailleurs son intervention sur le modèle d'un meeting politique. Là, le Président de la République n'avait pas sa place !
C'était extrêmement choquant de voir ainsi se mêler les genres.
Alors la question se pose de savoir ce que nous retiendrons de ce moment très particulier de notre vie publique. L'Hommage rendu et les engagements pris au nom de la République Française et/ou le positionnement d'un Premier ministre candidat ayant essayé de jouer sur les deux aspects, non sans talent...
Tristesse, je ressens beaucoup de tristesse devant cela. Car je lis les commentaires que suscite ce moment de rapprochement entre la France et Israël. Et devant la nécessaire retenue et le nécessaire équilibre de la considération entre les parties au conflit, qui doivent être l'attitude d'une grande puissance ayant la volonté de jouer un rôle dans la recherche des conditions de la paix dans cette région du Monde, avons-nous convenablement jouer notre rôle ? Poser la question, c'est déjà y répondre, bien évidemment... J'attends avec une grande impatience les prochaines initiatives en direction de la Palestine...
Je ne suis pas "naïf". J'entends tout ces mots en "isme" et je sens une implacable volonté d'en découdre alors qu'il est tellement important d'être serein...
Et j'entends aussi ces critiques contre le Président François Hollande. Alors, réfléchissons : avec qui réussit-on à faire la paix ? Avec ses amis, non. Avec ses ennemis, évidemment. Je veux voir là, outre le fait que dans notre République, c'est le Président qui reçoit ses homologues étrangers, la raison de la décision de François Hollande d'être allé à Toulouse.
Gérard Contremoulin
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