L'adultère, motif de licenciement pour la Cour européenne
Voici un article de Rue89 qui témoigne des risques pour le principe laïque de séparation des sphères privé et publique en Europe dans le domaine du droit du travail.
Certes, il n'est pas anodin d'observer que les employeurs sont des organisations l'une religieuse et l'autre sectaire, dont les règles d'embauche ("obligations de loyautés spécifiques" !) sont discriminantes et à la limite de l'absurdité comme le notent certains commentaires du site Rue89...
Néanmoins, dans chaque cas, c'est une atteinte inadmissible aux droits de l'Homme !
Pour la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), un employeur dont l'éthique est fondée sur la religion ou une croyance philosophique peut imposer à ses employés des obligations de loyautés spécifiques. En l'occurrence, le respect de la fidélité conjugale….
Michael Obst était « directeur pour l'Europe des relations publiques » de l'Eglise mormone ; Bernhard Schüth, lui, était l'organiste et le chef de chœur d'une paroisse catholique. Tous les deux entretenaient (chacun de leur côté, qu'on se rassure) une relation adultérine qui leur a valu un licenciement pour faute.
La Cour fédérale du travail allemande a estimé que la décision était justifiée car les employés ont « manqué à leur obligation de loyauté » :
« Les exigences respectives de l'Eglise mormone et de l'Eglise catholique en matière de fidélité conjugale n'étaient pas en contradiction avec les principes fondamentaux de l'ordre juridique. »
La Cour européenne, elle, devait dire si l'équilibre avait été respecté entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et familiale des deux salariés (garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme) et, d'autre part, les droits dont jouissent l'Eglise catholique et l'Eglise mormone en vertu de l'article 9 (liberté de religion), interprété à la lumière de l'article 11 (liberté de réunion et d'association).
Le 23 septembre dernier, elle a validé le principe selon lequel « au regard de la convention, un employeur dont l'éthique est fondée sur la religion ou sur une croyance philosophique peut […] imposer à ses employés des obligations de loyauté spécifique. »
Dans le cas de l'organiste, elle estime qu'il y a eu violation du droit à la vie privée et familiale. Pas dans celui du directeur des relations publiques de l'Eglise mormone.
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« Une vertueuse opposition entre vie privée et professionnelle »
Tout ça se passe en Allemagne, qui ne connaît pas de réelle séparation entre l'Etat et l'Eglise. Mais qu'en est-il en France, pays de la laïcité ?
Emmanuelle Lafuma explique que pour la CEDH et les juridictions allemandes, le salarié, parce qu'il travaille dans une entreprise de « tendance » (Eglises, organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions), accepte une réduction de certains de ses droits et libertés. Ce qu'en théorie le juge français ne tolère pas :
« En matière de vie privée du salarié, le droit français s'est construit autour d'une vertueuse opposition, fondamentale, entre vie professionnelle et vie personnelle du salarié . Dans sa vie personnelle, le salarié, d'une part, ne souffre aucune réduction de ses droits et libertés, d'autre part, ne peut être sanctionné. »
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