La politique, l'économie et l'humanisme.
Sisyphe - Dessin de Georges Fréchin.
La Politique n'est-elle pas l'art de créer les meilleures conditions pour assurer le bonheur des femmes et des hommes ?
Certes, voici là un objectif que les cyniques tiendront pour idéaliste, c'est-à-dire illusoire, voire fantaisiste. Et pourtant, quel autre objectif digne des valeurs humanistes pourrait-on assigner à la politique ? Quoi de plus noble que de créer les conditions pour transformer la société et la conduire vers plus de Liberté, plus d'Egalité, plus de Fraternité... Mais, on s'est tellement éloigné de cet objectif qu'aujourd'hui ces mots semblent désuets, naïfs, grandiloquents !
Pourquoi ?
Le cynisme dans la pratique en politique, et de tous bords, use les ambitions initiales, rabote la générosité de l'engagement, la réduit souvent à l'ambition du court terme, quand ce n'est pas simplement électorale. C'est ainsi que le militantisme peut perdre son but initial pour se transformer en simple agent du "rapport de force". Ce n'est pas à minorer mais ce ne doit pas être non plus la seule composante du militantisme. Je connais ce chemin là !
Même aux moments les plus forts et les plus contraignants d'une crise, la politique doit rester maîtresse du jeu. Quelles que soient les conditions (économiques, sociales et morales), elle ne doit pas abdiquer sa primauté sur tous les autres paramètres, et notamment l'économique.
La crise dont la manifestation la plus symbolique fut la faillite de la banque américaine "Leyman Brothers", nous fait entrer de pleins pieds dans la réalité et les conséquences de l'abandon par le personnel politique de cette primauté du politique. Cet abandon est manifeste avec le rôle quasi officiel du rôle des agences de notation. Loin d'être des acteurs publics, installés comme tels, ces "officines" sont rémunérées par les banques privées pour établir et gérer une grille d'évaluation des risques bancaires que présentent les Etats "souverains" et leurs entreprises publiques, lorsqu'ils empruntent. Le personnel politique s'est soumis à leur loi, celle du profit qu'elles exercent en spéculant sur les dettes publiques ! Or l'importance de ces dettes publiques sont artificiellement augmentées par un processus particuilièrement pervers et injuste : l'interdiction faites aux banques centrales de prêter directement aux Etats à taux zéro ou presque ! L'argent public qui alimente les banques centrales est prété à taux préférentiels aux banques privées qui, elles, prêtent aux taux du marché, taux fixé en fonction de la notation des agences, aux Etats ! D'où la course au tristement célèbre AAA. Cherchez l'erreur !
On a tellement abdiqué la volonté politique que plus rien ne semble possible, que plus aucune marge de manoeuvre n'apparait devant le diktat de l'économique et la sacro sainte loi des marchés.
José GULINO, actuel Grand-Maître du GODF, avait attiré l'attention du Convent de septembre 2012 contre cette nouvelle "cléricature" en soulignant cet énorme déficit démocratique qui consiste à accepter comme quasi légitimes ces pouvoirs non élus !
Ou en sommes-nous quelques mois après ?
Une fidélité à notre rôle de passeurs de réfléxions, sinon de Lumières, serait de nous appliquer à parler de cette situation, de la commenter, de la faire comprendre, bref de ne pas se taire pour ne pas la légitimer encore davantage. Rien n'est pire que la résignation. Certes, la tâche est immense et souvent à recommencer.
Imaginer Sisyphe heureux peut n'être pas que consolations devant l'échec... Mais être aussi dans l'ardeur qu'il met à la tâche, nécessairement recommencée pour cette raison que le pire n'est jamais certain ! Il reste toujours place pour l'espoir dans une conception humaniste. Ainsi, "ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas mais c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont dificiles" disait Sénèque...
Gérard Contremoulin
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