Le Grand Orient de France n’est pas le syndicat des prêtres réfractaires
A la veille de "descendre" le grand-maître du Grand Orient de France a développé une grande activité épistolaire.
En fin d'article figure une précision ajoutée à la demande du Grand-Maître José Gulino.
D'abord classiquement en écrivant au président de la République française pour lui expliquer, à l'instar du regretté frère Pierre Dac que "ce n'est pas en tournant le dos aux choses qu'on leur fait face" et que "c'est ce qui divise les hommes qui multiple leurs différends".
Nous attendons toujours la réaction du chef de l'Etat qui aux dernières nouvelles a préféré se pendre à la Lanterne que de recevoir les conseils éclairés du président du Grand Orient. Cette initiative qui relève plus de la posture que de l’efficacité n’appelle guère de commentaires.
En revanche l’autre missive envoyée le 18 juillet dernier au chef de l’Eglise catholique apostolique et romaine pose un certain nombre de questions. Emporté par le courroux, le Grand Maître s’adresse, cette fois-ci, au Souverain Pontife pour se plaindre de «l’excommunication » (ce sont ses termes) d’un prêtre du diocèse de Besançon sous le prétexte qu’il est franc-maçon, orateur d’une Loge du GO.
Dans cette lettre, où il se dit, prêt à rencontrer le saint-père José Gulino écrit, "c’est la première fois depuis la création de notre association, le GODF, en 1728 que l'un de ses membres fait l'objet d'une telle mesure". Il rappelle à l'occasion, comme le fait le valeureux ex-curé que le GODF défend la liberté absolue de conscience, comme si cet argument était de nature à faire fléchir la hiérarchie vaticane.
Cette lettre est étonnante à bien des égards. D’abord on attend d’un grand-maître, une grande maîtrise de son expression et d’abord le respect des faits. Le prêtre en question, n’a pas été « excommunié » mais démis de ses fonctions. Ce qui n’est pas, loin s’en faut, tout à fait la même chose. L’Eglise catholique qui ne reconnaît pas, par exemple, le mariage des prêtres, réduit ceux qui passent outre cette règle à l’état laïc mais ne les excommunie pas pour autant. En l’occurrence, si l’on a bien compris, le diocèse de Besançon a constaté qu’il était incompatible d’exercer un mandat de prêtre en se prononçant par ailleurs pour la liberté absolue de conscience. C’est le contraire, à mon humble avis, qui aurait été étonnant. La Fédération de la boucherie ne choisit pas ses directeurs de communication chez les végétariens ! Le curé Meslier rédigeait ses libelles dans le secret de son logis, sachant très bien lequel châtiment l’attendait si les autorités ecclésiastiques avaient vent de ses sentiments ?
Autre sujet d’étonnement, l’affirmation selon laquelle, cette sanction serait le première prise par le Vatican contre un membre du GODF. Faute de temps, je ne peux pas vérifier si les assertions du Grand Maître sont fondées. En revanche, ce que je sais, comme tous ceux qui se penchent sur les relations entre la Franc-maçonnerie et l’Eglise catholique, c’est que la première n’est pas en odeur de sainteté au Vatican.
Clément XII
Dès 1738, l’Eglise catholique romaine a condamné, dans la bulle du Pape Clement XII , In eminenti apostolus specula, la franc-maçonnerie et menacé d’excommunication les catholiques qui s’y engageraient. Sans développer, ce qui serait impossible dans ce blog, les relations tendues entre le Vatican et la franc-maçonnerie, malgré quelques atténuations dans la forme, le droit canon de 1983 ne reprend pas toutes le formulations de celui de 1917, la ligne de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi reste inchangée. Le catholique franc-maçon est en état de péché grave car les obédiences maçonniques restent ancrées dans le relativisme philosophique qui est un de socles de l’héritage des Lumières.
José Gulino aurait d’ailleurs pu demander une audience au précédent Pape qui lui aurait peut-être expliqué ce qu’il écrivait en 1997 alors qu’il n’était encore que le cardinal Ratzinger. Dans un article remarqué à l’époque, il exposait une nouvelle fois les dangers que les Lumières faisaient courir à l’Eglise catholique, La franc-maçonnerie, racine du relativisme, était condamné et le futur pape se posait la question de la validité des sacrements qu’un catholique membre de la franc-maçonnerie pouvait donner.
L’étonnement du Grand-Maître est donc…étonnant. Celle du frère curé encore plus. L’Eglise catholique est monothéiste, elle obéit à un certain nombre de dogmes qui sont incompatibles avec la liberté absolue de conscience. C’est son droit le plus strict et le Grand Orient de France n’est pas le syndicat des prêtres réfractaires.
Constitutions d'Anderson, édition de 1738 (Musée de la GLNF)
Il professe dans son article 1° la liberté absolue de conscience et reçoit dans ses temples les croyants et les incroyants au nom de ce principe qui figure, nos amis anglais pourraient le relire avec intérêt, dans la deuxième édition des Constitutions d’Anderson parue en 1738, coïncidence l’année même ou la bulle condamnant la maçonnerie est prise à Rome.
Le Grand Orient n'est ni une Eglise ni un parti. Il rassemble comme le dit son rituel ce qui est épars dans une saine confrontation fondée sur la tolérance et justement le relativisme philosophique. Tout le contraire en somme de l'Eglise catholique. Alors, entretenir avec sa hiérarchie une correspondance sur le fondement de sa doctrine...
Jean-Louis Validire
______________________
PRECISION :
José Gulino, Grand-Maître du GODF, souhaite préciser qu'il ressort de l'entretien que Pascal Vesin a eu avec le Conseil de l'Ordre, qu'il est en sa qualité de franc-maçon, non seulement interdit de donner les sacrements mais aussi de les recevoir. Il s'agit donc bien d'une "excommunication".
Il souhaite également préciser que si les francs-maçons ont souvent été dans l'histoire (depuis 1738) menacés de cette mesure, il est bien le premier à se la voir appliquer.
GC
________________________________________________________________