Les défis maçonniques de l'heure...
En 3 siècles (depuis 1728) la Franc-Maçonnerie en France a contribué à faire émerger le fondement de nos institutions : la République ! Saura-t-elle relever les défis futurs ?
Chacunes des grandes étapes de sa construction a vu des Francs Maçons exemplaires à l'oeuvre : Louise Michel, Jules Vallès, Gabriel Ranvier, Emile Thirifocq, (La Commune), Victor Schoelcher (l'abolition de l'esclavage), Frédéric Bartholdi (la statue de la Liberté éclairant le Monde), Frédéric Desmons (qui a fait avancer la Liberté de Conscience et la laïcité de l'enseignement), Aristide Briand (le fin "négociateur" de la loi de 1905), Arthur Groussier (le Code du Travail), Gaston Monnerville (Président du Sénat et l'opposition à la révision constitutionnelle de 1962), Pierre Simon (contraception, IVG), Henri Caillavet (le Droit de mourir dans la dignité)... C'est l'honneur de notre tradition, celle de l'émancipation humaine vers la reconnaissance des droits imprescriptibles.
Janus ?
Mais, la pièce a deux faces ! Et il ne faut pas oublier qu'à l'image de notre société où se débattent et se confrontent des visions opposées de la gestion de la Cité, les Francs-Maçons, de tout temps, n'ont pas été tous sur la même longueur d'onde. Ce n'est pas un "scoop" mais ce que l'histoire de notre ordre nous livre. C'est ainsi par exemple que Léonide Babaud-Laribière, Grand Maître du GODF en 1871 était un proche d'Adolphe Thiers ; qu'il y avait des Francs-Maçons de "chaque coté des barricades" de La Commune de Paris et qu'une minorité seulement, tant dans les Loges qu'au Conseil de l'Ordre, soutenait les Communards... C'est ce qui explique que le voeu de Frédéric Desmons demandant l'amnistie des communards ne fut même pas soumis au vote du convent de 1871 !
Chacun retient le versant de l'histoire qui convient à ses souhaits et qui lui semble le plus représentatif de ce qu'il attend de la Franc-Maçonnerie. Et les débats contemporains sur la place des Francs-Maçons (dans leurs Loges sans se mêler de la société ou en restant à son écoute, y compris en se manifestant à l'extérieur en tant que maçons) ne sont que l'expression de ce dilemme. Le visage tourné vers ce que l'on a fait ou vers ce que l'on a à faire ?
Prendre son parti dans ce dilemme.
Je crois qu'à chacune des étapes de notre vie citoyenne de républicain, nous somme devant ce dilemme : rester à réfléchir entre nous dans nos Loges ou chercher à "extériosiser" en se disant que nous avons cet héritage à défendre et l'exemple de nos aînés à suivre, non pour copier leurs réalisations mais pour imaginer l'avenir selon les idéaux... La Maçonnerie de progrès que se veut être celle du Grand Orient de France a fait historiquement le double choix du cheminement initiatique intime ET de l'engagement citoyen !
Dès lors, j'observe avec une incompréhension grandissante ce qu'il faut bien nommer le silence de la "Maçonnerie Française" en général et celui de mon obédience , le GODF, en particulier devant l'état de plus en plus catastrophique du Monde...
Pourtant, les tâches de l'heure concernent tout particulièrement nos idéaux. Que ce soit les révolutions dans les pays du bassin méditerranéen, la crise économique et les droits de l'Homme, la révision des lois de bioéthique, la situation de l'école de la République, la constitutionnalisation de la Loi de 1905 et l'abrogation du régime concordataire, la guerre du Mali et la menace d'AQMI, le débat affligeant autour du Mariage pour Tous, etc.
Mais surtout, la société française, dans le contexte européen et international, vit l'une des crises économiques les plus graves et dont la conséquence est d'amener les peuples à résipiscence, à faire amende honorable et d'accepter de payer la note ! Le fonctionnement aberrant des institutions européennes autour de la Banque Centrale, et notamment, l'interdiction qui lui est faite de prêter aux Etats, lesquels doivent emprunter aux banques privées à des taux élevés l'argent que leur prete la ... Banque Centrale Européenne à des taux hyper préférentiels (proches de 0) !
Deux points de vue.
Or, cette situation peut s'envisager de deux manières. D'un point de vue strictement économique et financier et il conduit à ces solutions insensées qui mettent actuellement les peuples, notamment grec, à genoux et ruinent toute possibilité de sortir de la tutelle des banques ou d'un point de vue humaniste qui conduirait à la sauvegarde des droits de l'Homme qui DOIT primer sur toute autre considération et qui redonnerait toute sa place à la démocratie dans la mise en place des institutions !
Mais devant l'idéologie de la toute puissance de la finance, ce point de vue apparaît irresponsable, désuet, vélléitaire. Et l'on déconsidère souvent les propos(itions) maçonniques en opposant leur philosophie à celle de la "réalpolitik". Ce réalisme là a souvent le gout du cynisme. Et l'économie est cynique car l'humanisme n'entre pas dans son champ de vision.
Relever le gant.
D'abord, comprendre.
Je vois avec un grand plaisir la série de conférences de nature économique qui se déroulent en ce moment au GODF, mais aussi au DH. Certaines loges prennent des initiatives similaires en rompant le tabou de la discussion et de la réflexion sur l'économie. Car il FAUT comprendre les faits, ces mécanismes dont ne nous présentent que les effets en "oubliant" de nous dire les causes.
Ensuite, réfléchir.
Notre manière de travailler est complexe, lente et souvent, ces deux caractéristiques empêchent toute maturation. Ainsi ne devrions nous pas assoir davantage dans le temps, pour éviter l'éphémérité et la multiplicité, nos réflexions annuelles (questions à l'études) et probablement en faire moins ? Et surtout les faire aboutir nationalement.
Faire savoir.
Toute cette matière grise accumulée doit pouvoir être mise au service de la société. Elle est la base utile, incontournable d'une expression publique...
Agir ensemble ?
Chaque obédience de la "Maçonnerie Française" fonctionne grosso modo sur ce modèle des réflexions annuelles. Pourquoi n'y aurait-il pas une mise en commun, à partir par exemple d'une question transversale (allez j'ose...) "interobédientielle" ?
Imaginons le poids que pourrait avoir une réflexion interobédientielle aboutissant à un texte commun, par exemple sur la Bioéthique (chaque obédience libérale a d'ailleurs déjà sa propre commission...), par exemple sur la création d'un 5° risque "Dépendance", mais aussi sur des sujets peut-être plus clivant actuellement, clivant parce que nous ne sommes jamais allés les explorer ensemble comme le droit des femmes, l'égalité (réelle)des salaires, et bientôt, très bientôt la PMA et la GPA.
Imaginons une conférence de presse des 6 obédiences présentant une position commune sur ces sujets...
Rève-je ?
Gérard Contremoulin
___________________________________________________________________________