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Nous Francs-Maçons libéraux qui refusons les dogmes, à quoi servons nous ? Cette question oblige à revisiter
notre héritage pour trouver une réponse, conforme à notre tradition.
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Alors, oui, notre tradition ! Une obédience maçonnique qui peut s'appuyer sur son histoire, peut espérer y trouver non seulement un
guide mais aussi un espoir, une réponse mais aussi un chemin.
La vie maçonnique repose sur des
rites et des rituels dont il est rarement question dans les maronniers et on ne s'en plaindra pas ! Mais, là, pour tenter d'apporter une réponse, il faut entrer (un peu) dans le détail.
C'est le rôle du rite de tracer des pistes pour l'évolution. Véritable grammaire initiatique, un rite
est un ensemble de symboles reliés entre eux par une pensée philosophique, des pratiques codifiées, des jalons pour une démarche cohérente, humaniste.
C'est le rôle des rituels de décliner le rite en différents niveaux du cheminement initiatique, en
différents moments de la vie en Loge maçonnique, de faire vivre des situations qui projettent celles et
ceux qui les pratiquent dans des rapports nouveaux entre eux. C'est un code qui crée les conditions du travail maçonnique, qui en fait un moment privilégié.
De sorte que le Franc-Maçon s'inscrit dans un environnement préparé pour accomplir un projet, pour viser une finalité.
Et dire que la Franc-Maçonnerie, avec ses diverses obédiences, est universelle n'épuise pas les différences entre ces projets, entre ces finalités. Il serait trop simple, et très
inexact, de penser ces différences-là en les attribuant à tel ou tel rite. Les différences entre les pratiques d'un rite "officiel" dépendent d'abord des obédiences qui les pratiquent et des
rituels qui les déclinent.
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Il en est ainsi du REAA (Rite Ecossais Ancien, Accepté) et de ses pratiques à la GLDF (obédience monorite), au DH
(obédience monorite) à la GLFF (obédiences multirites) et au GODF (obédience multirites). On peut citer, à titre d'exemple, la références aux "Grands Initiés".
Elle ne sera pas la même à la GLDF et à la GLFF qui y évoque "Jésus" alors que celui-ci est absent au DH ! C'est sous cet angle que le Grand-Maître de la GLDF parlait du
"message révolutionnaire de Jésus". Ou encore, on travaillera "A la Gloire du GADLU (Grand Architecte de l'Univers)" à la GLDF et à la GLFF alors qu'il y
aura le choix au DH entre le GADLU et "Au progrès de l'Humanité".
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Le GODF, quant à lui, n'a pas de rite "officiel"., même si toutes les réunions de ses instances officielles se
tiennent au Rite Français, version Groussier. Pour le REAA, il laisse les loges qui y travaillent libres de choisir leurs références.
Ce type de choix n'est pas neutre. Surtout en ce moment où la maçonnerie "écossaise" tend à resserrer la diversité
d'interprétation du GADLU à une formulation unique autour de celle de la Maçonnerie anglosaxonne pour qui "il est Dieu" ! Cela imprime, qu'on le veuille ou non, une marque profonde dans la
pensée, dans la philosophie du Rite.
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L'un et l'autre peuvent-ils évoluer et comment ?
Il existe au DH, à la GLDF, à la GLFF une commission composée de titulaires du grade sommital du REAA
33° (Grand Inspecteur Général, jouant le rôle de garant du rite), veillant à la l'orthodoxie de sa pratique. De sorte que l'on n'en change pas une virgule en Loge. Les évolutions sont
néanmoins possibles si elles sont acceptées par cette commission, comme ce fut le cas récemment au DH. Mais la règle est le plus souvent au maintien de "la
Tradition".
Au GODF, la pratique est profondément différente. D'abord parce qu'il y a pluralité des rites, ensuite parce que la
règle fondamentale est le principe de la souveraineté des loges. Il n'existe pas d'équivalent de cette commission. La seule obligation obédientielle, susceptible de sanction en cas de non
respect, est la lecture de l'article premier de la constitution du GODF, qui contient les principes fondamentaux. Les Loges, quel que soit leur rite, ont la faculté de faire des
aménagements au rituel de référence remis à chaque Loge lors de sa constitution. Ce qui constitue l'horreur absolue pour un "régulier".
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On touche probablement là à une des différences-clé dans les pratiques maçonniques.
Mais revenons sur l'objectif que l'on peut assigner à cet ensemble Rite/Rituel. Il est peu vraisemblable que
l'inamovibilité d'un rituel puisse permettre une adéquation entre celles et ceux qui le pratiquent et la société. Le culte quasi dogmatique du passé, fut-il prestigieux, et que l'on appelle
souvent confusément "Tradition", quel que soit le rite, ne permet pas de se préparer les évolutions de la société.
"Christophe" commence ainsi l'un de ses commentaires de l'article sur le symbolisme :
"L'erreur des "traditionalistes"
est de vouloir retourner à une tradition du XVIIIè immuable, réactionnaire!!!
Mais précisement, le symbolisme et le rituélisme du XVIIIème sont révolutionnaires pour leur époque, sur le plan
social, éthique, sociétal, ...
Au XIXème, où se trouvaient les mouvements anarchistes ? En franc-maçonnerie ! La GLSE était
révolutionnaire, et même si elle est restée petite, quel bouleversement, même le GOdF a du quelque part s'aligner."
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Christophe ne montre-t-il pas précisément les conséquences du culte du passé ? C'est un choix de finalités
maçonniques : le repli conservateur ou la préparation d'une "Humanité meilleure et plus éclairée" ou pour le "progrès de l'Humanité".
De même que Molière n'était pas un "classique" mais montrait la voie pour un théâtre moderne, de moeurs, politique, de
même Jean-Théophile Désaguliers, avec Newton et la Royal Society ne préparaient pas au conservatisme mais bien plutôt aux développement des sciences, de même Montmorency-Luxembourg qui
introduit la démocratie élective dans les Loges du GODF en 1773, de même Frédéric Desmons en 1877 en rapportant le voeu n° 9 supprimant l'obligation de croire en Dieu , était-il
révolutionnairement laïque dans une maçonnerie résolument déîste, etc.
Dans cette période où un repli conservateur réapparait sous plusieurs formes dont cette confédération, le
rôle des tenants de la Franc-Maçonnerie libérale est posée. Il nous revient de jeter les ponts vers la société du futur, de travailler
les utopies de demain à partir des difficultés de la société d'aujourd'hui et de mettre nos rituels et nos pratiques d'équerre avec cette exigence. Deuxième horreur, conceptuelle
celle-là, pour les "réguliers" !
Certes mais, nous tenons nous notre régularité de notre histoire et c'est bien ainsi ! Que certains souhaitent la chercher ailleurs, quitte à en
oublier la signature qu'ils ont apposé, le 20 février
2002, lors de la création de "La Maçonnerie Française" et les engagements mutuels pris alors est regrettable.
Pour autant, le texte de cette déclaration commune est d'une rare actualité. Extrait :
A l’écart des controverses partisanes, engagées dans une démarche initiatique qui émancipe les consciences, les Obédiences maçonniques françaises affirment en
commun :
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La primauté d'un parcours équilibré entre démarche initiatique, pratique d'une méthode symbolique et engagement citoyen et social.
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Le rejet de tout dogmatisme et de toute ségrégation.
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Le refus de tous les intégrismes et de tous extrémismes.
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La volonté de travailler à l’amélioration de la condition humaine, aux progrès des libertés individuelles et collectives.
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La défense et la promotion de la liberté absolue de conscience de pensée, d’expression et de communication
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La défense et la promotion de la laïcité, liberté essentielle qui permet toutes les autres.
N'est-ce pas là une ambition sur laquelle les maçonnes et les maçons qui ne souhaitent pas se désintéresser de la
société soient encore fiers de se retrouver ?
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S'il est utile de rappeler cet épisode au moment où certaines obédiences l'oublient, c'est parce que d'autres
sont toujours là !
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C'est aussi pour dire qu'il faut probablement "presser le pas" dans le rythme de nos réflexions mais aussi sur leur
"densité".
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Ne devons-nous pas aller au délà des déclarations de principes et OSER proposer des pistes pour "améliorer
à la fois l'Homme et la Société" ?
Gérard Contremoulin
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