Les Roms sont des citoyens européens !
Non, la situation à laquelle sont confrontés les Roms ne se résume pas à un débat politicien. Les Roms sont des hommes, des femmes, des enfants, citoyens européens qui ont droit à leur dignité à égalité de droits et de devoirs !
Tout acte délictueux doit-être reprimé ! Il n'y a pas de discussion possible là dessus. Par contre, le principe de la personnalisation de la peine est un fondement de la justice pénale de la République française qui ne devrait souffrir souffrir aucune exception. C'est la raison pour laquelle par exemple les "peines plancher" sont condamnables. C'est aussi pourquoi la stigmatisation des populations Roms qui seraient par principe non intégrables dans la République est une argutie visant à jouer comme une peine plancher susceptible d'entraïner -par principe- une même condamnation : l'expulsion. C'est une ineptie doublée d'une malhonnêteté intellectuelle et politique coupable.
A six mois des élections municipales, les Droits de l'Homme sont de plus en plus menacés jusqu'au sommet de l'Etat !
La course au bouc émissaire monte d'un cran. Les déclarations racistes et xénophobes se multiplient et les digues républicaines commencent à sauter une à une et de plus en plus vite. A croire que le réflexe stigmatisation a remplacé la conscience des droits de l'Homme chez certains. Et ils ne sont pas tous là où on pourrait les attendre.
Christian Estrosi a allumé la mèche en juillet avec une campagne en direction de 600 maires de France sur le thème du démantèlement des campements et de l'expulsion des populations Roms. Nous nous en sommes fait l'écho ici et ici.
Nathalie Kosciusko-Morizet qui brigue la Mairie de Paris a poursuivi estimant que "les Roms menacent les parisiens".
A Croix, commune du Nord, le maire Régis Cauche assure que "si un Croisien comment l'irréparable, je le soutiendrai".
Manuel Valls, ministre de l'Intérieur prend le risque politique certes, mais surtout moral de stigmatiser -ès qualité- les populations Roms par des propos particulièrement outranciers. puisque selon lui certains roms ne sont pas intégrables.
Ca n'a pas été long avant que la droite extrême lui emboîte le pas. Christian Estrosi se félicite d'être suivi par le ministre de l'intérieur ! Et la boucle se refermerait si des voix ne s'élevaient pour faire entendre leurs différences !
"Halte au feu" hurlent Catherine Trautmann et Sylvie Guillaume, députées européennes
Pouria Amirshahi député des français établis hors de France, estime que" le vrai courage c'est de s'adresser à l'intelligence collective".
Faut-il enfin évoquer le cas d'Anina Ciuciu, jeune femme rom ex mendiante, qui va devenir juge... Ce qu'elle n'aurait évidemment pas pu réaliser si elle avait été expulsée.
Cet épisode lamentable ne révèle-t-il pas la profonde angoisse de notre communauté nationale devant le choix, pourtant séculaire, de s'ouvrir et d'accepter l'autre ou de se carapaçonner et de le charger de tous les maux. Pourquoi charger LES Roms des actes répréhensibles commis par quelques uns si ce n'est par méconnaissance profonde des conditions de vie qu'on leur impose et par volonté de stigmatiser ?
La stigmatisation trahit toujours le racisme et même si Manuel Valls utilise ce mot pour tenter d'atténuer ses propos, il n'en reste pas moins l'auteur de cette déclaration (à partir de la 83° minute): "une explosion de cambriolages souvent due à des groupes qui viennent des Balkans". Par cette évocation, l'opinion duement préparée ne peut que déduire qu'il s'agit des Roms !
Le ministre de l'intérieur est-il alors dans son rôle ? La sécurité est l'une de ses compétences. Il est donc fondé à prendre les dispositions pour l'assurer. Mais quelle est la nature de ses dispositions ? Là est le clivage dans notre pays. S'il adopte des dispositions de compréhension du problème on le dira laxiste. S'il adopte des dispositions d'expulsion et de démantèlement des campements, on le dira nationaliste, voire socialiste-national (!) comme je l'ai lu sur le réseau social Facebook. Dans l'un et l'autre cas, nous ne sommes pas à la hauteur du problème réellement posé par la situation des populations Roms sur notre territoire ?
Car les Roms sont des citoyens européens soumis à un régime transitoire ! Leur droit à travailler est expressément limité à quelques rares emplois et ne sera complètement reconnu qu'au 1° janvier 2014. Ils sont jusque là et dans le contexte économique quasiment privés de ressources. Et comment peut-on se loger dans ces conditions? C'est là que la phrase de Manuel Valls sur l'impossibilité d'une intégration de certains Roms est particulièrement déplacée et stigmatisante. Membre d'un gouvernement, il est solidaire de la politique gouvernementale et notamment de celle des ministres des affaires étrangèrs et européenne, du travail et enfin du logement ! Au passage, on notera avec un regard désabusé l'opposition récente sur ce même sujet entre Cécile Duflot et Manuel Valls !
Ce régime transitoire contient une autre clause, celle de "ne pas représenter une menace pour l'ordre public" ! Tout est là. L'instrumentalisation de cette clause ou à tout le moins son interprétation extensive ouvre la voie aux pratiques actuelles de démantèlement des campements sans proposition de relogement puis des reconduites à la frontière. A quelques mois de la reconnaissance de tous leurs droits de citoyens européens, tout semble se passer comme une course contre la montre pour accumuler les "preuves" qu'ils ne seront jamais, qu'ils ne peuvent pas être des citoyens comme les autres ! Sur fond d'élections municipales, il n'y a que peu de chances que leur sort s'améliore.
Et c'est probablement cela qui est le plus répugnant !
Gérard Contremoulin
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