Reprenons les articles de principes de la loi :
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TITRE PREMIER
Principes.
ARTICLE PREMIER. - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions
édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
ART. 2.- La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui
suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois
être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges,
écoles, hospices, asiles et prisons
Elle indique assez clairement d'abord que la République "garantit le libre exercice des
cultes", c'est-à-dire qu'elle ne saurait s'y opposer ni engager aucune action visant à les faire disparaître !
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Ensuite, en abordant la question des financements, elle pose trois interdictions majeures : "ne
reconnait, ne salarie, ne subventionne aucun culte". Elle borne l'action publique de l'Etat, des collectivités territoriales et des
établissements publics à la stricte neutralité à leur égard.
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En ce sens ces principes instaurent un état d'indifférence qui n'accepte en leurs noms ni
prosélytisme religieux, ni athéïsme militant.
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Nul défenseur de la République, ainsi que les Francs-Maçons aiment se revendiquer d'être, ne peut se prévaloir de
ce titre pour engager un combat antireligieux.
S'il conserve bien évidemment sa totale liberté de conscience, et la possibilité d'en découdre avec le fait
religieux, il ne peut se prévaloir que de ses propres options, non de la République ! Les militants de la Laïcité, s'ils sont anticléricaux pour des raisons historiques, ne sont pas
nécessairement anti religieux. Mais ils peuvent l'être... et d'une manière très militante. C'est, d'une certaine manière, une réplique nécessaire au militantisme anti laïque des franges
radicales des religions.
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La vie de la loi, le produit d'un rapport de force permanent.
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Et depuis 1905, force est de constater que l'église catholique a multiplié les occasions, au Parlement et vers les
Hautes Juridictions (Conseil Constitutionnel et Conseil d'Etat) pour regagner sur le terrain perdu. Ce sont les lois Debré, Guermeur, les accords Lang-Cloupet, la loi de 2005, la loi Carle,
les 5 arrêts de principes du Conseil d'Etat (dont l'ascenseur de la basilique de Fourvière) du 19 Juillet 2011 et enfin celui du Conseil Constitutionnel du 21 février dernier sur le
maintien de l'exception concordataire en Alsace-Moselle.
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La place et le rôle des communes.
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Ce rapport de force se nourrit de la réalité de la gestion des communes, plus directement confrontées à l'exercice
des cultes. De sorte qu'aujourd'hui, les dispositions législatives et réglementaires et la jurisprudence des hautes juridictions constituent un patchwork où l'on peut trouver, assez
facilement depuis les arrêts de Juillet, un "biais" juridiquement valable pour assurer des financements publics à des services satellites des cultes.
Et, si l'on y ajoute les BEA (bail emphytéotique administratif) autorisé par
le Conseil d'Etat, on trouve la possibilité de financer directement une telle activité périphérique. Il suffit pour la commune, de motiver comme il se doit sa décision de financement sur
la base d'un "but d'intérêt général communal" (et on peut y trouver la dimension touristique, économique, sanitaire,...)
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Les partisans du financements public des cultes se frottent les mains. Des cultes car apparait
désormais la question, pour le moins épineuse, du financement des lieux des différents cultes.
Il est bien certain que ce patchwork met à dure épreuve les convictions !
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Mais ici, de quoi parle-t-on ?
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Apparemment, de la gestion d'un élu dont on conteste les choix.
Une telle contestation se porte par des citoyens devant la juridiction administative de première
instance, leTribunal administratif, puis éventuellement ensuite devant les niveaux supérieurs (chambre régionale d'appel, Conseil d'Etat).
Or là, elle est portée sur la base du non respect d'engagements moraux, éthiques pris en franc-maçonnerie
(c'est à dire en dehors de ce mandat d'élu), devant la juridiction interne d'une obédience maçonnique !
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Le mélange des genres.
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Nous y sommes en plein. En fait, il semble que l'on veuille glisser du terrain du contentieux de gestion
communale dont on mesure la difficulté d'obtenir gain de cause vu le patchwork décrit ci-dessus au terrain de l'engagement moral en espérant, là, une condamnation pour son non respect. C'est
osé !
Veut-on parler de parjure ?
Un maire ne prête pas serment, ces temps sont loin du serment d'allégeance ! Il doit appliquer l'ensemble du
dispositif législatif, règlementaire et jurisprudentiel qui encadre l'exercice de son mandat.
Un franc-maçon s'engage dans une voie de recherche à la fois personnelle et collective dont il sait qu'elle ne
se traduit pas par des consignes ou je ne sais quelles préconisations... Lorsqu'il s'engage dans la cité, il le fait au regard de sa conscience, non d'un "programme maçonnique". De sorte
qu'il est assez insensé (au sens premier du terme) d'envisager de lui demander maçonniquement des comptes sur sa gestion politique.
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Une question d'opportunité.
Vient ensuite l'opportunité d'une telle demande.
Que recherche-t-on exactement en mettant en place une telle initiative ?
La question mérite d'être posée, qui plus est, lorsque l'on apprend que les demandeurs auraient constitué un dossier accusatoire de plus d'une centaine de pages
!
La CSJM peut se prononcer également lorsque l'attitude d'un membre porte atteinte à l'image de l'Ordre. On peut
être en désaccord avec les options de tel ou tel sur des sujets que l'on estime fondamentaux. Et la Laîcité est de ceux là. On peut penser qu'à sa place on aurait fait différemment. Tout cela
est possible mais reste du domaine de l'appréciation individuelle... Là, en quoi les décisions incriminées portent-elles atteinte à l'image de l'Ordre ?
Où et quand aurait-on scellé une définition de la Laïcité au nom de laquelle il serait possible de mettre en place
une "police administrative" susceptible de prendre des sanctions ?
Et puis, serions nous bien alors dans le registre maçonnique ?