Où l'on parle de "moralisation"...
La crise morale dans laquelle nous nous enfonçons ne nait pas avec les aveux de Cahuzac !
L'onde de choc qu'ils produisent commence à faire éclater des faits que l'on nous présentera comme des dommages collatéraux. Ils sont en fait les éléments d'un système qui, pour n'être pas nouveau, n'en est pas moins scandaleux.
Des lignes politiques brouillées.
On est entré avec la construction européenne mais aussi depuis la chute du mur de Berlin, dans une "culture du consensus a priori". C'est en fait une négation, un déni du débat politique puisqu'il faudrait considérer qu'avant tout débat, on serait d'abord d'accord sur l'essentiel !
Les proximités politiques basées sur autre chose que le partage de valeurs ou d'idéologies ressemblent davantage à des syndicats d'intérêts "bien compris" qu'à des engagements sincères. Il en résulte un brouillage des identités politiques, des "chevauchements" des orientations. Qui défend qui et quoi ?
Dans ce contexte, les aveux de Cahuzac sonnent comme une injure à l'encontre des contribuables à qui l'on demande toujours plus de sacrifices. Contribuables-citoyens qui, en réplique, ont tendance à renvoyer tous les élus dans le même sac. Pain "béni" pour les populistes de tous bords qui surfent sur cette vague anti-élus...
Or, l'engagement dans la vie publique est autre chose que la culture de l'intérêt personnel. Notre pays compte infiniment plus d'élus dévoués à l'intérêt général, qui dépensent souvent leur temps sans compter que d'individus indélicats ou perdus dans la spirale des conflits d'intérêts.
Surenchères.
Alors, en appeler au "grand coup de balai" c'est nier cette réalité et amalgamer ces élus dans une généralisation caricaturale, à moins que ce ne soient les paroles magiques d'un apprenti sorcier empêtré dans la surenchère...
Surenchère aussi de penser que la publication du patrimoine des élus est susceptible de résoudre en partie la crise morale ! La loi actuelle est suffisante et finalement plus adéquate. En effet, elle vise à mesurer les variations de patrimoine pendant l'exercice du mandat en exigeant deux déclarations, l'une au début et l'autre à la fin. Il faudrait d'abord s'assurer de sa bonne éxécution, c'est-à-dire de prendre toutes les dispositions nécessaires pour les contrôler réellement et efficacement !
Une mesure insensée.
Parler de "moralisation" revient à laisser penser que l'on peut, par des mesures réglementaires, voire législatives, changer des modes de vie alors que c'est d'abord le produit de l'éducation. Certes, on peut penser qu'une loi peut enclencher une dynamique, mais...
Avec une mesure qui vise à rendre public ces déclarations, on entre dans le domaine de la tyrannie de la transparence, considérée à tort comme le nec-plus-ultra de l'honnêteté. On expose à la vindicte publique tout ce qui sera considéré comme "excessif". Ce qui est une notion très subjective.
En matière de patrimoine, ce qui est excessif, c'est d'abord ce qui est différent ! Pourquoi aurait-il "plus" que moi ? En quoi est-il
"plus" que moi ? Quel est son mérite ? ... Bref, on s'expose au risque de renforcer le voyeurisme et son corollaire la délation ... anonyme. Cela ne fera qu'alimenter le tonneau des Danaïdes de
la suspicion ! Et la crise morale s'amplifiera.
L'étude de la morale...
On mesure à nouveau la difficulté des relations entre morale et politique. Comme s'il y avait une malédiction à vouloir passer de l'idéal au réel... Améliorer l'Homme et la Société est une invitation à prendre sa part de la tâche. Mais comment faire dans un contexte de crise où ressurgissent les démons du passé, où l'irruption des réseaux sociaux fractionnent ou dynamisent, c'est selon, la réflexion collective ?
N'est-il pas urgent de retravailler ce qui fait la différence entre l'Etre et le Paraître ; entre la force des convictions qui forge une personnalité et le sort que la nature lui a réservé, héritier ou pas ; entre LA Vérité et SA vérité ; entre l'honnêté et le mensonge ?
N'est-il pas urgent de retravailler sur le sens et le rôle de l'exemplarité, tant en politique que de la vie en général ?
N'est-il pas urgent de reprendre notre méthode pour évaluer et élaborer... ?
Gérard Contremoulin
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