RPMF : Reconnaître notre tradition maçonnique française commune !
La création annoncée de la Confédération Maçonnique de France (CMF) a ouvert une crise. Après la déroute de la GLNF, 5 Grandes Loges européennes se sont crues autorisées à susciter une refonte du paysage maçonnique français autour de la Grande Loge de France, qui n'en espérait pas tant ni si vite.
Au centre du processus, la reconnaissance par la Grande Loge Unie d'Angleterre, dont les 5 Grandes Loges sont les émissaires. La course est désormais engagée : la GLNF d'un coté, ses avatars GLAMF et GLIF de l'autre avec la GLDF comme probable dindon.
Les dirigeants de la GLDF, à force de révisionnismes historiques successifs, se sont persuadés de la régularité anglo-saxonne de leur obédience, ce qui ne fut jamais le cas, et ont donc entamé dans l'enthousiasme les discussions avec les dissidents de la GLNF pour recomposer un pôle anglo-saxon en France, au risque d'anéantir des décennies de relations toujours fraternelles avec le reste de la maçonnerie française et, en premier chef, avec le GODF. Parallèlement à ces discussions sur la CMF, la GLDF n'a pris aucune initiative de dialogue avec le GODF, alors que frères du GODF et de la GLDF sont très proches dans la vie maçonnique quotidienne. La crise est bien ouverte par la GLDF et les propos peu amènes de José Gulino, Grand Maître du GODF, ne sont que la conséquence d'une attitude devenue subitement sinon hostile, du moins discourtoise.
Il faut cependant, malgré les censures de la vérité historique opérées par le Grand Maître de la GLDF Marc Henry, remettre quelques pendules à l’heure, tant les francs-maçons sont souvent fâchés avec les réalités qui ne correspondent pas avec leurs fantasmes.
La GLDF, une obédience typiquement française
La franc-maçonnerie française apparaît sous deux formes concomitantes au 18ème siècle : une forme aristocratique et éclairée à Paris dans la
lignée de la Grande Loge de Londres, une forme plus populaire composé de commerçants dans les ports tels que Bordeaux, Marseille. La forme « moderne » s'établit selon des normes plus
rationnelles d'organisation, la forme « écossaise » reste dispersée à partir de loge-mère locales. La légitimité et la tradition maçonnique françaises sont là. En 1773 naît le Grand
Orient de France, obédience issue de la première Grande Loge et qui impose notamment l'éligibilité des Vénérables Maîtres. Une dissidence parisienne qui refusait l'éligibilité des vénérables
maîtres prolonge une Grande Loge dite de Clermont qui disparaîtra définitivement sans postérité lors de sa fusion en 1799 avec le GODF.
A l'aube du 19ème, plusieurs rites sont venus enrichir le corpus rituel originel. Le GODF veut imposer le rite initial qui devient alors le rite français par opposition, notamment, au rite écossais ancien et accepté, rite franco-américain qui vient de s'installer en France. Une histoire agitée va débuter avec, pour étape, l'annexion du premier Suprême Conseil par le GODF en 1815, la refondation d'un Suprême Conseil indépendant en 1821. Au cours du 19ème siècle se posa alors avec acuité le problème des hauts grades dans le fonctionnement des loges bleues (apprenti – compagnon – maître), la rébellion fut d’autant plus intense que les frères du REAA se situent alors souvent très à gauche politiquement, à tendance anarchiste à la fin du siècle, face à un Suprême Conseil autoritaire et un GODF bourgeois. C'est dans ce contexte que naît d'abord la Grande Loge Symbolique Écossaise, en 1880, puis la Grande Loge de France en 1894 quand le Suprême Conseil renonçe enfin à gérer les loges bleues.
Issue de la tradition maçonnique française, la GLDF s'est, dès sa création, emparée des sujets de sociétés. Elle diffère en cela radicalement de la
maçonnerie anglo-saxonne qui se donne principalement pour objectif des actions de charité. Dès sa création également, la GLDF, d'inspiration radicale et laïque, a fait l'impasse sur l'obligation
de la croyance en Dieu, question qui avait été évacuée en 1877 par le GODF.
Et l'Angleterre dans tout ça ?
Sans doute la GLDF souffre-t-elle d'être séparée d'un grand nombre d'obédiences étrangères travaillant au REAA et c'est sans doute ce
qui conduit ses dirigeants actuels à se précipiter sur la moindre opportunité de reconnaissance anglaise, passeport pour une reconnaissance internationale élargie. Passons sur les problèmes de
fond insurmontables que sont, en l'état, la liberté de conscience des frères de la GLDF, incompatible avec les Basic Principles anglais de 1929 qui exigent la croyance en une « Volonté
Révélée ». Passons sur le mépris affiché des liens historiques et actuels entre frères de la GLDF et du GODF. Passons sur le jésuitisme cynique qui imposerait aux visiteurs du GODF (et des
autres obédiences libérales) de signer une déclaration avant d'entrer dans une loge de la GLDF, comme si cela pouvait tromper les sous-marins anglais de la GLAMF et de la GLIF.
Le pire de cette démarche réside dans la négation de la tradition maçonnique française. L'histoire de la GLDF est consubstantielle à
celle du GODF sur près de trois siècles de maçonnerie française. L'histoire est commune, intriquée et trouve naturellement son origine dans la fondation de la première Grande Loge de France – si
ce n'est une filiation directe, du moins est-ce une homonymie heureuse ! - transformée en Grand Orient de France en 1773. Nous sommes tous issus de cette tradition qui imprègne nos travaux
voués à l'amélioration de la société et à l'implication dans le débat intellectuel. Les maçons de la GLDF ne doivent rien à la Grande Loge Unie d'Angleterre, créée 40 ans plus tard en 1813, sur
le cadavre de la Grande Loge d'Angleterre dites des « Moderns ». Cette loge-mère anglaise des francs-maçons français a disparu, son esprit se perpétue hors d'Angleterre, dans les
obédiences libérales du monde entier dont la GLDF a été l'un des moteurs. C'est notre fierté à tous, en France, d'avoir su continuer cette tradition de la pensée et de l'audace venue de la
première Grande Loge de Londres. Aucune régularité postérieure et de circonstance ne peut altérer notre ancienne régularité française.
Reconnaître notre tradition maçonnique française commune.
Avec la CMF et l'objectif de la reconnaissance anglaise, les dirigeants de la GLDF s'apprêtent à de multiples
renoncements philosophiques. Ils s'apprêtent à effacer 3 siècles d'histoire commune consacrée au progrès des idées. Il s'apprêtent à renoncer à l'héritage des fondateurs de la GLDF sur la liberté
de conscience. Ils s'apprêtent à éparpiller des amis sûrs en espérant réunir des amis inconnus. Ils s'apprêtent à se mentir à eux-mêmes. Ils s'apprêtent – quelle ambition ! - à succéder
humblement à la sinistre GLNF, à son cortège d'affaires et de tyrans africains. Ils seront reconnus mais ne se reconnaîtront plus eux-mêmes.
La reconnaissance internationale n'est pas une aumône, elle est due à la maçonnerie française dans son ensemble, et non à sa partie la plus servile. C'est ensemble que, frères de la GLDF et du GODF, leaders français d'une tradition ancienne de liberté et d'intelligence, nous pourrons dire au reste du monde maçonnique : c'est notre histoire, c'est notre régularité ancienne, c'est notre façon d'honorer les fondateurs de la maçonnerie spéculative.
Reconnaissez-nous tels que nous sommes, fidèles à la tradition de nos fondateurs. Le moment est venu de réunir ce qui est en passe d'être éparpillé dans un beau gâchis.
.
Jean-Dominique Reffait
______________________________________________________